MENU
En lecture PARTAGER L'ARTICLE

Naya Ali ouvre le chemin

Grillz en or, moue boudeuse, flow acéré, voix rauque. Naya Ali, présentation d’une rappeuse québécoise en puissance.

Naya, un surnom hérité des années collège, Ali, son vrai nom de famille (mais aucun lien familial avec le boxeur). Née en Ethiopie, elle pose ses pieds sur le sol canadien à l’âge de trois ans. Bercée à la country, qui résonne via le poste de télévision de sa mère, Naya Ali grandit dans une famille où personne ne joue de la musique. Elle commence à écrire ses premiers textes à l’adolescence, tout en suivant un parcours universitaire classique – rapide passage par des études de cinéma, puis de marketing – et travaille pendant une dizaine d’années en laissant la musique de côté.

« J’ai fait tout ce qu’on attendait de moi, étudier, travailler, puis je me suis rendue compte que je n’étais pas à ma place. » À vingt-huit ans, changement de vie. Naya Ali retourne à ses premières amours et se lance corps et âme dans le rap. C’est à ce moment qu’elle se fait poser ses grillz – ces prothèses dentaires bling bling caractéristiques dans le mouvement hip-hop. La presse locale interprète parfois son attitude et son projet artistique via l’incarnation d’un personnage, phénomène classique dans le rap. Elle s’en défend : « ce n’est pas un personnage, c’est moi, tout est réel. »

Entamer une carrière de rappeuse à l’âge de vingt-huit ans n’est pas chose aisée, au regard de la pléthore de jeunes artistes qui atteignent des succès fulgurants parfois même avant leur majorité. Quand on l’interroge à ce sujet, Naya Ali explique : « Je n’aurai pas pu faire autrement. Il m’a fallu vingt-huit années pour devenir celle que je suis aujourd’hui, vingt-huit années pour atteindre la maturité nécessaire et oser me lancer dans le rap pour de vrai. » Elle ajoute : « on a le temps d’essayer, il n’est jamais trop tard. » Ses études en marketing et en cinéma lui permettent ainsi d’être très impliquée dans tous les aspects de son projet, du contrôle de son image jusqu’au business de l’industrie musicale.

Son premier EP Higher Self sort en 2018. Il contient notamment le titre « Ra Ra » grâce auquel elle se fait repérer par un producteur québécois du nom de Patrice. Elle sortira ensuite un album en deux parties de 8 titres chacune – Godspeed : Baptism (Prélude) en mars 2020 et Godspeed : Elevated en septembre 2021 (il paraîtrait même qu’une troisième partie serait en cours…). Sur cette dernière sortie se trouve le single « Air Ali » qui fut personnellement notre porte d’entrée dans l’univers de Naya Ali. Le titre est accompagné, comme souvent chez la rappeuse, d’un clip à l’esthétique léchée.

Être une femme noire qui fait du rap, les responsabilités, difficultés ou symboles que cela peut représenter, Naya Ali en a conscience : « Je sais ce que ça veut dire, mais je suis bien plus que cela. Il y a deux catégories de rap : le rap masculin et le rap féminin. Ça ne devrait pas être le cas. J’aimerais exceller dans le rap pour que les petites filles puissent se dire qu’elles peuvent faire pareil, mais aussi les petits garçons ! » Et pour cause, Naya Ali s’est appuyée sur de nombreux modèles masculins du hip-hop comme Kanye West ou J. Cole, même si elle cite également des grandes figures féminines ou non-binaires parmi ses inspirations, à l’instar de Lauryn Hill ou Janelle Monáe.

En tant qu’artiste anglophone instaurée au Québec, Naya Ali incarne une scène naissante qui peine à se trouver une place. En effet, si le rap québécois francophone a le vent en poupe – on pense à des artistes comme Loud, Sarahmée ou encore Koriass, pour n’en citer qu’un petit nombre – son pendant anglophone reste encore confidentiel. Lors d’un long entretien fleuve avec Cyrano et Keke pour le podcast montréalais Rapolitik, la rappeuse analyse ce phénomène avec les deux animateurs. La plupart des artistes anglophones québécois s’expatrient aux États-Unis, là où ils trouvent un public et une industrie prête à les accueillir. Pour Naya, il y a un risque : « À Montréal tu peux te faire une place. Si tu pars aux States, tu deviens une inconnue parmi d’autres. Je pense que c’est important de lockdown au niveau local d’abord. » Naya Ali se voit en figure de proue du rap anglophone québécois : « Je veux lancer le mouvement, je veux ouvrir le chemin pour ceux d’après. » Pour l’heure, comme beaucoup, elle a fini par travailler à Toronto, où elle a pu développer sa musique différemment qu’au sein de la région francophone.

Mais la facilité à passer du français à l’anglais au sein même d’une phrase, telle est la force de la scène montréalaise. En effet, il semblerait que les artistes anglophones et francophones gagneraient à se réunir pour créer une énergie unique (des groupes comme Alaclair Ensemble sont adeptes depuis quelques années déjà du rap “franglais”). Sans prétendre connaître la recette parfaite, Naya Ali croit fort en l’émergence d’une “patte” montréalaise, reconnaissable et caractéristique, à l’image du son d’Atlanta ou de Toronto. C’est en tout cas ce qu’on espère et ce que l’on va suivre de près.

Partager cet article
0 commentaire

0 commentaire

Soyez le premier à commenter cet article
Chargement...
Votre commentaire est en cours de modération
Merci
Une erreur est survenue lors de l'envoi de votre commentaire
Sourdoreille : la playlist ultime
Toutes les playlists

0:00
0:00
REVENIR
EN HAUT