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Fouki : « J’ai toujours aimé cuisiner »

On ne va pas se mentir, ça commence à sentir à plein nez la dépression. Plus de concerts où l’on peut transpirer, plus de festivals où l’on peut perdre l’ouïe au bout de 3 jours, plus de soirées entre potes où un convive impose sa playlist. Pour remédier à ça, j’ai passé un coup de fil de l’autre côté de l’atlantique, au rappeur francophone le plus positif du moment. Il s’appelle Fouki, vient de Montréal et a sorti, fin novembre, une « prescription médicale à la morosité du moment ».

« Mon but, sans le revendiquer, c’est de rendre happy le monde. Et d’être heureux en le faisant. Donc pas de mood hard, quelques jokes et une prise de tête pour que le tout sonne bien. » C’est à peu près ça qu’on se dit à la première écoute de son quatrième album, Grignotines de luxe. A l’image de ce qui lui manque le plus de Paris, il nous sert un kébab complet de qualité (salade, tomates, oignons), sauce blanche maison, avec supplément fromage et double dose de frites. Avec dessert maison. Un projet qui remplit le corps et l’esprit.

L’album de la maturité

Comment ? Vous ne connaissez pas Fouki ? De son vrai nom Léo Fougères, c’est la star montante du rap québécois. A 23 ans, il sort son quatrième album en à peine trois ans et est l’un des portes drapeaux de la Belle Province en France. Avec un champ lexical porté sur les herbes de Provence et la gastronomie, il revendique « un rap moins street qu’en France, avec plus de liberté d’aller là où on ne l’attend pas habituellement. J’ai l’impression que plus le marché (québécois, ndlr) est petit, moins on met les gens dans des cases. » Ce dernier opus, c’est ça : une volonté d’explorer de façon métaphorique tout type de sujet (la mondialisation, les aides publiques, les vacances, le racisme et le confinement) sur des sonorités hip-hop et pop (totalement assumées), avec des touches de guitare acoustique et des cuivres. Un vrai mélange des genres quand on y ajoute le dialecte franglais typiquement montréalais.

« J’aime le gouvernement quand il me donne du cash »

« L’album est construit comme un menu, avec le dessert à la fin. Et comme j’ai toujours aimé cuisiner, et que j’avais fait le tour du sujet weed (c’est le titre « Gayé » qui l’a fait connaître au grand public, une référence au fait d’être « un peu smooth »), je suis allé à fond dans cette direction ». Avant de signer dans le même label que les vétérans Alaclair Ensemble et Koriass, Léo a travaillé dans une pizzeria montréalaise et a même participé au World Pizza Games de Las Vegas où il a fini 12eme, catégorie meilleurs pétrisseurs. C’était donc une évidence que l’enfant du plateau Mont-Royal, un quartier de Montréal, parle autant de ce qui l’anime.

Sélection aux petits oignons

On vous propose quelques titres du menu. En entrée, on vous conseille « PCU », une chanson qui parle de la Prestation canadienne d’urgence (notre aide aux indépendants) et son beau refrain revendicateur. On vous laisse apprécier les petits tacles sur la crise du milieu culturel et la gestion du gouvernement « que ça vienne du provincial ou du fédéral ».

En plat principal, on a choisi « Oui Toi » qui commence en douceur par : « On s’unit malgré la distanciation, À place de hate on pourrait faire d’l’appréciation, J’suis rendu un adulte mais j’ai l’esprit d’un petit garçon, Tout l’monde c’est mes amis peu importe la couleur d’tes caleçons. » Un morceau léger, en apparence, écrit après la mort de George Floyd et qui aborde l’utopie d’un monde où l’amour et les bonnes vibes régissent celui-ci.

Pour le dessert, à déguster « Crêpe au sirop d’érable » qui explore les questionnements identitaires de la jeunesse québécoise. « Cette toune, elle raconte qui je suis. Elle affirme mon identité, l’identité québécoise avec ses nombreuses influences (et nos racines françaises) et montre qu’on vient à la fois du monde entier et de la même place ».

Si vous voulez triple ration de dessert, nous vous conseillons « Beigne » produit par Richard Beynon aka Bynon, un producteur/dj canadien, une « toune à la base pour Kanye West » ; et « Brioches à la cannelle » qui montre à quel point il assume sa volonté d’aller plus loin que le rap, en chanson, avec des guitares acoustiques, une contrebasse, un peu de cuivres, de chœurs et un soupçon d’orgue. Une production cette fois-ci de son incroyable acolyte QuietMike, le « Michel silencieux », beatmaker de génie qui l’accompagne depuis ses débuts. A noter la contribution de Pops & Poolboy de Clay and Friends qui ont grandement contribué aux couleurs caribéennes de l’album

Ce qui frappe, dans ce nouvel album écrit en pleine pandémie de Covid, c’est combien Fouki veut s’extirper de cette étiquette street du secteur en inventant une forme de rap aux reflets pop pleinement assumés. Avec Grignotines de luxe, sa voix chantée (qu’on avait entre-aperçue dans certains titres) décomplexée et ses mélodies aux influences diverses, sa plume habile, candide mais revendicatrice, Fouki nous sort sans hésitation son meilleur- et plus abouti- album. Et il n’a que 23 ans. On sera là pour le prochain.

Grignotines de luxe, de FouKi, à écouter en entier, ici bas. Et plusieurs fois pour ceux et celles qui ne sont pas habitués à ce si magnifique accent québécois.

Photo en une : Félix Renaud

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