Vivant dans son univers sombre, parfois étrange, Lescop avait été révélé en 2011 avec son premier album éponyme. Après quatre ans d’absence, il sort enfin de la forêt pour nous présenter en live son nouvel opus « Echo ». C’était l’occasion pour nous de rencontrer ce garçon atypique et parler des gens dérangés, de la culture populaire et bien sûr de sa musique.
Qu’est-ce qui a changé pour toi, dans ta façon de travailler, à l’approche de ce nouvel album ?
Ce n’est pas exactement la même approche que le précédent. Déjà, le projet « Lescop » était plus identifié, je savais mieux où j’allais cette fois-ci, il y avait déjà quelque chose d’écrit, je ne partais pas de rien, mon univers était déjà connu des gens. Après il faut choisir entre rester dans ta proposition initiale ou se poser en contre-proposition. Pour moi c’est ça la différence entre le premier et le deuxième.
En l’appelant Echo, on peut dire que tu as choisi la continuité. Mais dans ce cas, comment éviter de se répéter ?
Si tu fais bien attention, l’écho n’est jamais identique au son originel.
Il est même plus faible en général.
Oui il est plus faible… Mais en fonction de l’endroit où tu te places, il peut te donner la sensation d’être plus fort aussi.
Autre différence, dans Echo, tu es beaucoup plus dans la description et moins à la première personne que dans ton premier album. Peut-on en déduire que c’est un album moins introspectif, ou est-ce qu’aujourd’hui tu préfères utiliser la troisième personne pour te décrire toi même ?
Cet album-là est beaucoup plus un album d’observation. Après, ce n’était pas volontaire, je ne me suis pas dit que j’allais changer de personne, ça s’est fait tout seul.
Pour appuyer cette idée, la pochette de ton premier album était un gros plan sur ton visage. Cette fois, on voit ton buste et ton visage : tu t’éloignes à chaque album. Faut il y voir un détachement de l’aspect autobiographique, de l’introspection ?
C’est une bonne observation. Il n’y avait pas de volonté derrière tout ça, mais on peut le voir comme ça.
Tu uses beaucoup du concept de « dérangé ». Pourtant ton album est justement ultra travaillé, tout semble rangé justement, tu avais noté cette antithèse ?
On peut être dérangé et méthodique. Pour moi, le concept de « dérangé » c’est cette petite folie qu’on a tous en nous, mais certains plus que d’autres. Et tu as raison, si tu regardes les vers de la chanson, ils sont très rigoureux. Donc l’antithèse que tu notes prouve que tout ça n’est que du risque contrôlé.
Tu présentes une musique érudite, par exemple « David Palmer » est inspiré d’un personnage d’un film de Buñuel. Tu penses qu’on peut être érudit et populaire ?
Je ne vois pas d’antinomie, justement c’est un truc qui m’agace beaucoup en ce moment parce qu’il y a l’idée que lorsque c’est populaire ça doit forcement être idiot. Si tu regardes Hanouna ou d’autres, ils utilisent toujours l’argument du « oui mais bon nous, on fait une émission populaire » Mais c’est pas parce que tu t’adresses à un public populaire que tu dois te mettre des pâtes dans le slip. On peut aussi se demander ce que « populaire » veut dire. C’est les pauvres ? Et donc par définition, ils sont bêtes ? Donc je confirme, on peut s’adresser à un public populaire sans faire des choses idiotes. On peut très bien s’adresser aux gens avec des références à des films, ou des livres intéressants. Au contraire, ça participe à une sorte d’éducation que la chanson française ne fait plus aujourd’hui.
À propos de tes références, tu sembles beaucoup plus inspiré par l’image que par le son. Tu revendiques finalement assez peu d’influences musicales, je me trompe ?
Oui c’est vrai. C’est parce que pour moi la musique qui s’inspire de la musique ne va pas très loin. Ça ne veut pas dire que j’écoute pas de musique. Au contraire. Bien sûr que je prends plein d’idées un peu partout, mais pour ce qui est de la création je préfère regarder ailleurs. C’est plus inspirant pour moi de regarder vers d’autres formes d’art pour créer de la musique, ça me laisse plus de liberté.
Finalement, pourquoi avoir choisi la chanson plutôt que la littérature ?
Ça s’est fait comme ça… Pour l’instant écrire des chansons c’est ce que je sais faire de mieux. J’ai déjà un peu essayé d’écrire d’autres choses mais je pense que je suis moins bon.
Les thèmes que tu abordes créent un univers assez sombre, tu parles souvent du charme de la nuit, ton regard sur les photos est souvent sombre et mystérieux et pourtant, ton deuxième album se ferme avec « C’est La Nuit » qui semble être un morceau très positif, pourquoi ce choix ?
Sur cet album là j’ai voulu qu’il y ait cette progression. On part de quelque chose de très sombre et en avançant on va vers quelque chose de plus lumineux. Je voulais aussi quelque chose d’un peu moins pesant avec cet album. L’époque est assez dure comme ça, on a pas besoin de s’infliger des albums difficiles à écouter, j’avais envie de plus de musicalité, de plus de douceur. Après, je garde toujours cette pénombre dans mon écriture, même s’il y a des zones de lumière.
Maintenant je m’adresse à l’érudit, pour la question bonus, Baudelaire a écrit « Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu’il soit volontairement, froidement bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu’il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie non voulue, inconsciente, et que c’est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau. » Je pense que ça correspond assez bien à l’univers que tu développes, qu’en penses-tu ?
Effectivement, c’est ce que les anglais appellent le twist, pas la musique évidement, mais le fait de twister la réalité pour créer quelque chose de beau. On cherche à créer de l’art pour s’éloigner de l’aspect souvent laid de la réalité, du quotidien et c’est pour ça qu’on se crée des refuges de fiction. Donc évidemment je pense que c’est une bonne définition.
Crédits photo en une © Tristane Mesquita
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