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Y a-t-il un âge pour aller en festival ?

On s’est tous un jour posé la question « est-ce que je suis trop jeune ou trop vieux pour faire ça ? ». Avec les festivals, c’est chaque année la même rengaine. Pour tenter d’y voir plus clair, on a échangé avec Joran Le Corre, programmateur de Panoramas à Morlaix, le festival de musique à la moyenne d’âge la plus basse en France. Il nous a notamment éclairé sur ce que ça faisait de ramener des dizaines de milliers de bacheliers sur un Parc d’Expositions pour écouter de la musique électro toute la nuit.

Croiser un Pikachu sous acides, une bande de Schtroumpfs dont le maquillage a partiellement coulé ou un ours jaune une bouteille de cristalline vodka pomme à la main… Tout cela est commun à Morlaix en période de Panoramas. La faune du festival est assez reconnaissable : avec ses déguisements colorés et son infatigable bonne humeur, elle brave vents et marées pour aller voir ses artistes préférés. Joran Le Corre, programmateur du festival, est fier d’avoir cette majorité de 17-25 ans.

C’est le sourire aux lèvres, qu’on devine même à travers un téléphone, que Joran nous confirme que Panoramas, ou « Pano » pour les habitués, a la moyenne d’âge la plus jeune de France. Comment l’expliquer ? « C’est pas évident comme question » avoue Joran. Selon lui, « le festival est pour beaucoup leur premier. » Des artistes qui fédèrent pour casser l’idée du « festival de chapelle », un mélange de bouche-à-oreille et une programmation axée électro solide, c’est ainsi que Pano est devenu « synonyme de fête ». Rameuter 11.000 personnes par soir, pour un total d’environ 27.000 festivaliers sur trois jours, on peut considérer ça comme une bonne fête. Et si vous trouvez que ça chahute un peu au milieu des 6.000 places de camping, ne nous dites pas que vous n’étiez pas au courant.

Panoramas est le rendez-vous des vieux ados et des jeunes adultes. Ok. Mais où est le problème ? Quand on sait que les organisateurs du festival en sont pleinement conscients, pourquoi avoir peur ? On serait tenté de dénoncer l’irrémédiable instinct maternel, mais c’est un peu plus compliqué que ça. Parfois, un jeune imbibé qui pisse sur votre tente à 6h du mat’, c’est chiant. Celui qui, devant vous en concert, porte sur ses épaules la donzelle qu’il drague depuis vingt bonnes minutes, pour que sa ligne d’horizon dépasse le dos des cinq rangées face à elle, ça peut l’être aussi. Ou cette fille dans la fleur de l’âge qui rigole très fort aux blagues de ses copines alors qu’elles sont en plein milieu d’un concert acoustique tout doux. Qu’on ne se le cache pas, ces choses là arrivent à n’importe quel âge. Alors pourquoi grogner quand vous apercevez ces petites têtes blondes ?

Panoramas

Joran Le Corre : « J’entends souvent dire les pros : ‘on est trop vieux pour Pano’, mais non, on n’est jamais trop vieux »

Ambiance à Panoramas 2015

Mais trêve de digressions, retournons à la question centrale. Pour faire simple, tout dépend du festival. Chaque événement a ses caractéristiques, son fonctionnement, sa fréquentation ou son ambiance. Bobby, quatorze piges, ne verra pas les mêmes choses à l’Interceltique de Lorient qu’au Pitchfork Festival de Paris par exemple. Difficile d’imaginer les trentenaires branchouillards de ce dernier passer un week-end à Lorient, s’encanaillant devant Matmatah un bon sandwich merguez mayo dans les dents. Mais bon, on est peut-être mauvaises langues.

Mauvaises langues ?

Il en va aussi évidemment de la responsabilité des parents : on imagine mal ce même Bobby partir seul à l’aventure, sur la route des festivals, baluchon sur le dos. De là, une réflexion en instance parentale doit se faire, sur la maturité de l’ado, son autonomie, etc. Bref, on n’est pas là pour vous dire comment élever vos gosses. Le programmateur de Panoramas est d’ailleurs fier de n’avoir jamais reçu de plainte de parent. « On a même reçu une lettre d’une habitante de Morlaix, nous remerciant pour la qualité de l’organisation, alors qu’elle n’est pourtant jamais venue au festival. »

Côté professionnels du monde de la musique, ça ronchonne pour aller dans des festivals plus jeunes qu’eux. Dans son report de festival « 24 heures au festival Panoramas à Morlaix, en toute objectivité » en 2015, le journaliste de Noisey parle de Pano comme l’événement « qui fait peur à tous mes potes trente-cinquenaires. » Panoramas, à la différence de festivals comme Astropolis à Brest ou le Weather dans le Grand Paris (pour ne parler que de musique électronique), n’a pas le bout de sa casquette aussi pointu. Joran parle de « chapelles », on pourra évoquer des niches, il n’empêche que ce petit je-ne-sais-quoi de la prog de Pano fait de son événement un succès avant tout populaire, loin des débats internes du secteur. Pano veut parler au plus grand nombre, au fan monomaniaco-compulsif de musique, moins au connaisseur des labels et des sous labels.

Les festivals, une affaire de famille

Comme une solution à ce problème, certains sont sur un nouveau créneau. Pour inciter les sceptiques à venir, les festivals organisent de plus en plus des rendez-vous pour les très jeunes, laissant les nouveaux parents la conscience tranquille le temps de quelques tapages de pied. À titre d’exemple, Joran nous parle « du meilleur festival au monde », Glastonbury : « tu vois des gosses et leurs parents partout, bouchons auditif ou casques sur les oreilles et c’est parti ! » L’Astroboum à Astropolis devant un Laurent Garnier-yéti à fond, les Mini-Sonores des Nuits Sonores (Lyon) et leurs clips refaits à la sauce des « kids », la garderie rock du festival Le Rock dans tout ses états (Evreux) et ses live acoustiques… Un aperçu de toutes les initiatives recensées par Concertlive.fr.

Une vague de festoches multi-générationnels est née de l’écume des festivaliers déçus que leurs enfants n’aient pas accès à un endroit pour eux. Et aussi pour les laisser profiter tranquillou sans la marmaille. À tel point que certains ont eût l’idée de créer un événement de musiques actus rien que pour ce très jeune public : le Stereokids, initié notamment par Pedro Winter (Busy P) à Paris avec une programmation vraiment pas dégueu qui plus est : Philippe Katerine, Cassius (dj set), Metronomy (dj set – un-deux-trois-soleil), Housse de Racket… Ça se passe le 10 avril de 15h à 19h et c’est déjà complet. Le filon n’a plus qu’à être décuplé.



Laurent Garnier se déguise en yéti pour les enfants d’Astropolis

De son côté, l’organisation de Panoramas intervient dans des lycées locaux tout au long de l’année pour expliquer les métiers autour d’un festival et faire de la prévention. Plus qu’un simple acte civique, Joran Le Corre démontre sa volonté de transmission de savoir et de compétences à la génération future : « on est confrontés à l’avenir », celle qui « donnera le tempo. » C’est meugnon.

S’adapter

Quant à la programmation, serait-elle impactée par l’âge du public ? « C’est plus une adaptation à la musique. Il faut toujours être aux aguets » rétorque Joran, et conclut en professionnel : « je ne programme pas un festival pour me faire plaisir. » Une tâche d’autant plus cruciale car Panoramas ouvre la saison après la trêve hivernale. Si c’est bien la jeunesse qui vient pour la programmation plutôt que l’inverse, le renforcement de la sécurité ne semble pas en être influencée. Sa politique est la même qu’ailleurs. Mais côté sécurité, Joran nous donne un constat alarmant : « le budget alloué a la programmation est stable, alors que celui pour la sécurité grimpe d’année en année. » Et qui dit festival dit alcool. En 2013, chez nos voisins Belges, un festival sur deux servait des blondes aux mineurs (moins de 16 ans chez eux). Comment gérer ça à Morlaix ? « Pas d’alcool fort » nous réplique Joran. Ça limitera la casse mais n’empêchera pas les filouteries qu’on connaît tous. Et puis la bière, qu’on oublie (trop ?) souvent de considérer comme de l’alcool, théoriquement interdite à la vente chez les moins de 18 ans. Théoriquement.

En grand optimiste, Joran Le Corre nous affirme qu’il n’y a définitivement pas d’âge pour aller en festival. On est plutôt d’accord avec lui, en émettant quand même une réserve : il y a des choses que vous ne pourrez plus y faire passé les 40 balais.

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2 commentaires

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Golivet Cyrille 16.12.2017

Rhoooooo okidoki j’ai 45 ans année prochaine 2018 je serait présent à panorama fin avril on verra bien qui ne peut plus faire grand chose…. Big smiley très enthousiaste de venir à votre 21 ème vous avez fait vos preuves à mi d’assurer ;) .

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Gerbax 30.06.2016

Mince encore deux ans! Euh non je veux dire plus que deux ans… j’avoue je me suis calmé sur les slams depuis ma dernière chute mais vu les ambiances des festoches divers et variés j’espère ne pas m’arrêter après 40 ans. Merci pour vos articles, je vais me la raconter avec mon van et ses stickers « provoc' » Sourdoreille cet été en guise de pub.

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