Auréolé du titre de vainqueur de la finale du tremplin Buzz Booster Bretagne en 2019 et en lice pour la finale nationale, Reynz a sorti fin septembre dernier un EP intitulé « Pluie volume 1 ». Quel que soit le résultat, ses fulgurances poétiques inonderont à coup sûr une bonne partie du territoire. On a rencontré l’artiste.
On vous l’avait dit il y a deux ans, on réitère : ce jeune Brestois de maintenant 23 ans a des rimes ciselées, du charisme à revendre et un univers bien à lui. Son nouveau projet Pluie volume 1 semble être sa carte de visite. Elle lui donne une autre dimension : de jeune lyriciste, rookie et fougueux, il passe au rang de rappeur perfectionnant son art. Car dans son cas le rap est exigeant. Passion, spontanéité et fraîcheur sont de mise… mais également l’amour de la compétition. Pour performer à un certain niveau, le rappeur brestois peaufine ses skills et ses tricks tout comme dans le foot qu’il affectionne. Nous l’avons rencontré, à Brest-même, sur son terrain.
En 2019, c’est le Buzz Booster, dispositif national de détection et de diffusion de la scène hip hop, qui permet à Reynz de poser les premières bases d’une carrière prometteuse et de bénéficier des conseils d’un manager avisé et passionné, pour ne pas « partir dans tous les sens , se recentrer et se professionnaliser », comme il nous le confie.
Par contre, en ce qui concerne la science de la rime, nul besoin d’accompagnement pour Reynz. Dans Pluie volume 1, il excelle notamment dans sa façon toute singulière de décrire sa ville : « Brest c’est la ville ou j’ai grandi, les éléments importants de ma vie se sont passés ici. Je trouve cette ville ultra poétique, une gueule cassée, grise pluvieuse, mais pleine de beauté, je kiffe la beauté dans ce qui parait moche aux premiers abords. Essayer de tirer du beau du laid, Brest est l’univers rêvé pour ça ». D’ailleurs, dans le titre « 30-1 » il décrit les déambulations nocturnes, parties intégrantes de l’art de vivre à la brestoise. « On vient du cœur de la ville / Et on traîne en bande sur des kilomètres ». Ces paroles résonnent comme un hymne à Brest by night, au sens de la fête, de l’autodérision de ses habitant·e·s amateurs·trices de pistes ou de funky touch.
Brest la nuit, c’est beau. Le clip qui illustre ce titre risque de rendre nostalgique le Brestois expatrié à 600 km ou même le Brestois tout court vu qu’on nous confine et reconfine comme jamais. On y aperçoit les lumières bleues du vaisseau Vauban, haut lieu de la fête brestoise et « chez Kim » dans le quartier de Saint-Martin. Enfin, au détour d’une rime, une dédicace à Miossec, pour son influence poétique, empreinte également de déambulations éthyliques et de relations amoureuses tourmentées et sensuelles.
Pour le côté sensuel et tourmenté, vous pouvez également écouter le morceau aux nappes électro voluptueuses distillées par le beatmaker et DJ Protein Papi : « Olympique cœur ». L’alliance du fond et de la forme semble l’une des principales réussites de cet EP. A ce propos, Protein Papi, très bon pote de Reynz, est le beatmaker de l’ensemble des morceaux du disque, ce qui n’était pas prévu au départ, mais a été décidé en cours de processus créatif : « Quand j’ai commencé, nous explique Reynz, j’avais quelques morceaux et je commençais à bien visualiser le projet. Je n’avais pas que des sons produits par Protein Papi mais, petit à petit, on s’est rendu compte de l’alchimie et de la compréhension mutuelle. Initialement, je bossais avec des type beats, des prods sur internet qui n’étaient pas faites pour moi. D’avoir franchi ce pas-là, de n’avoir que de la musique qui était faite par nous, pour nous, ça nous a donné une espèce de liberté, on a pu aller au fond de ce qu’on avait dans la tête, au-delà du texte. Et puis on a viré tous les morceaux qui n’étaient pas produits par Protein Papi, ou alors on les a retravaillés. »
Cette expérience a été un cheminement et un travail collaboratif inédit pendant une période également inédite : le premier confinement. « C’est un truc auquel je ne m’étais jamais confronté, de créer le texte et la musique, créer l’alchimie entre musique et texte, poursuit-il. Être deux sur un morceau, ça permet d’avoir un recul que je n’avais pas avant. Il m’est arrivé de me dire « ça il faut que je le refasse » alors que lui aimait bien quand j’avais tel ou tel type de flow ». Cette parenthèse confinée leur a permis peu à peu de trouver leur supplément d’âme : « Au départ, on n’était pas assez matures pour faire un pas l’un vers l’autre, dans nos univers respectifs. Il a un côté très dance, très électro, très mélodique. De mon côté, quand j’ai commencé j’étais dans le rap new-yorkais, très technique, où ça ne chante pas ».
L’autre évolution marquante dans cet EP tient surement dans le fait que Reynz se prête aux refrains chantés, et est plus économe en mots, en laissant parler des images évocatrices, en utilisant les contrastes. « Avant, je privilégiais des flows techniques, mais tu peux être aussi efficace en gardant l’essentiel, avec la pratique j’ai compris l’importance du blanc, du silence et de la respiration. C’est un truc que je ne captais pas avant, car on était en mode freestyle, on rappait dans la rue, il fallait être le plus percutant sur 50 secondes. Mais maintenant que j’ai le temps de développer sur un projet entier, je me rends compte que le silence c’est magique, respirer et faire respirer les gens en même temps que toi, c’est ce qui permet encore plus de les happer ». Le morceau « Avant le testament » en featuring avec Shanti Vibes (autre rappeur brestois) est une belle illustration de cette évolution. Il est d’ailleurs aussi planant qu’un titre de l’artiste de Los Angeles Ty Dolla $ign, avec un clip tourné pour prendre de la hauteur, sur le Mont St Michel de Brasparts.
Alors oui, plongez vous dans l’univers de Reynz, dans ce Pluie volume 1. Plongez-y vous, comme il s’est plongé dans un bassin le temps d’une photo sous-marine (en haut de l’article), réalisée par la société brestoise de production audiovisuelle Focale Fixe pour une cover immersive.
« Ce soir la ville est à nous, putain je l’entends nous appeler, Moi, je veux sentir la pluie, nique sa mère un ciré » (Morceau Double arc-en-ciel)
On pourrait être tenté par le déni, répondre à l’appel, sac à dos rempli de binches… mais c’est pas noté sur l’attestation de déplacement. Pour autant on a hâte de retrouver Reynz, sur scène en feat avec le crachin et les tempêtes.
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