Après le succès international de « The House That Dirt Built » porté par le single « How Do You Like Me Now ?», les Anglais de The Heavy sont revenus l’été dernier avec un 3eme album, « The Glorious Dead ». Tête d’affiche du Bataclan il y a peu, on a réussi à leur piquer ¼ d’heure dans les loges.
Un gros rhume semble avoir attaqué Kelvin Swaby, oscillant entre spray buccal et mouchoir. Que le suspense ne vous brûle pas les yeux, les médicaments ont été suffisamment efficaces pour que le concert ne laisse deviner aucun problème. Le reste du groupe sirote nonchalamment une bière pendant qu’une équipe de photographes fait ses derniers réglages dans la loge. La pièce est trop petite et chargée pour que je pose mon sac, heureusement pas mes questions. Je me demande si le groupe est allé voir le dernier Tarantino, pensant ouvrir une voie royale à une interview qui me met quand même une petite pression. Pas de bol, à part Swaby, en train d’agoniser dignement dans un coin, personne ne semble avoir pris le temps d’aller s’enfermer dans une salle noire. Ça va être simple.
La musique de The Heavy a toujours repris des éléments du cinéma, comme dans l’introduction de « Short Change Hero » où l’on peut entendre les pas de Dan Taylor marchant dans la litière propre de son chat (true story) dans les rues d’un village du far west.
Mais quelle aurait pu être l’histoire de ce glorieux macchabée ? Selon les dires de Swaby, « un mélange de film d’horreur à base de zombies avec les éléments d’une comédie romantique », le tout mâtiné d’Ennio Morricone. Dan l’avoue, « nous avons toujours été de grands fans de son travail. Plus jeune, je passais mes dimanches soir devant les westerns spaghetti ». The Heavy, c’est aussi une dose massive de sueur de stupre. Une énergie sexuelle propre au rythm ‘n blues, que Swaby définit comme « l’os principal de notre musique que nous recouvrons de chair. Nous avons aussi la construction propre au hip hop. Il y a toujours un aspect contemporain quand nous allons du côté du vintage. Nous sommes très maniaques à propos du son ». Pour Dan, la réponse est aussi à trouver du côté d’une « intense frustration sexuelle. Nous sommes dans un van depuis deux semaines. D’ailleurs, je te donne 7 minutes avant qu’il ne t’arrive des bricoles ». J’ai demandé 7 bières et j’ai eu le droit de finir l’interview.
Après le succès phénoménal de leur 2eme album, comment le groupe a-t-il réussi à travailler sur ce 3eme opus ? Déjà en partant enregistrer les choeurs Gospel à Atlanta, cité officielle du Rythm ‘n blues. Mais au final, en essayant de se faire plaisir, de ne pas « chercher à sonner de telle ou telle manière » reste néanmoins la peur de reproduire un succès. Pour Dan, cette peur existe, mais «maintenant je suis à cette charnière où je me demande ce que nous allons faire ensuite. J’ai peur de devenir une parodie de nous-même. J’ai toujours aimé les artistes qui évoluent et changent complètement. La vraie clé est de sortir de sa zone de confort. Dans le fond, le truc c’est de continuer à faire de bonnes chansons ». Pari réussi selon Swaby, « tout est plus gros, l’instrumentation, les idées, les arrangements. Le style reste très identifiable au nôtre, mais nous avons voulu être plus cinématographique, bigger than life. « The Glorious Dead » est sans doute meilleur au niveau du son, plus gras, ce qui peut lui donner un aspect plus policé, mais les batteries sont tellement plus crades que sur le deuxième album ! Pour nous, il est définitivement plus sale ».
Et parce que j’ai toujours aimé qu’on me raconte des histoires, je n’ai pas pu m’empêcher de demander quelle serait celle du dernier titre de l’album, Blood Dirt Love Stop. Chris se voit jouer de la batterie seul et extrêmement bourré dans un stade. Pour Swaby, il s’agit de rentrer au bercail, après avoir buté du zombie pendant tout l’album. « La chanson de fin, c’est la réalisation de ce qui est important. Nous écoutions beaucoup de titres soul inconnus des 50’s. Ça nous a inspiré. Et puis nous avons toujours essayé de finir avec une chanson plus lente, avec du sens.» Pour conclure en douceur cette rencontre, j’ai enfin la réponse à cette question essentielle « What makes a good man ? » « The good woman, apparently ». De quoi mourir glorieusement.
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