Avoir de quoi se rincer les oreilles c’est bien. Mais si t’as rien pour te remplir le gosier, c’est comme mater des clips en version mute. Heureusement qu’à Sourdoreille on est aussi des fines bouches. Grands seigneurs, on propose une série avec Wine&Noise, le fumiste du jus de raisin, spécialisé en digressions rock qui tâche. Elle s’appelle « T’écoutes quoi quand tu bois ? », une sorte de plaidoyer « Vins vivants / Rock pas mort ». Dans ce nouvel épisode passé au Salon Rue 89 des vins, session speed tasting : on compare un vin d’altitude du Roussillon à l’agonie religieuse de The Dead Mantra.
Le vin : La Boria
L’autre jour je discutais avec Pierre [Bourdieu] de son impayable post-face du classique Architecture gothique et pensée scolastique, oui tu sais le truc qui explique comment la pensée sociale influence l’architecture. Bah, je me disais que ce qu’on vit aujourd’hui influence fortement notre amour pour les vins perchés et le brouillard épais. Notre avenir entre shoegaze et pluie fine. Justement, Vincent du domaine La Boria nous parle calmement de ses vinifications ambitieuses et ses icônes du temps présent. Domaine en Roussillon perché à 450 m, vignes d’altitudes, villages abandonnés, sols pauvres, projets de sauvetages collectifs : tout augure quelque chose de bien fichu avec toujours et encore une grosse envie de faire bien et beau. Donc explications à suivre attentivement, il nous parle macération longue, grappes entières. Les rafles qui protègent de l’oxydation (mieux que Clarins, étalez-vous des rafles sur la figure) récupèrent la couleur et la syrah puissante qui se décharge en douceur. Ouais, tu sais quand on te dit syrah + Roussillon, tu imagines un truc noir et épais, un vin de texan quoi. There will be blood. Et bien la syrah ici se fait puissante mais lumineuse. Etonnante sensation, je pense à une bourrasque de dentelles.
L’artiste : The Dead Mantra
Alors forcément je cherche un truc qui sonne spectral et volumineux. The Dead Mantra. Ces jeunes du Mans sont certainement fans de pédales Death by Audio et de Saint-Valentin saignantes. Du Roussillon à Tijuana, je retrouve dans leur accumulation d’effets, qui pourrait être lourde, un aspect céleste qui colle avec ces syrah finement extraites. L’agonie religieuse entre colère et absolution se déguste comme une eau bénite dans leur dernier opus Nemure. La rage des machines est multiforme : contre celles qui vendangent le bon goût chez La Boria, ou pour celles qui amplifient la fureur chez The Dead Mantra. Les recettes sont connues mais exécutées avec fraîcheur et élégance, sans perdre la bourrasque froide et cinglante. Le brouillard qui nous aveugle n’est que fines gouttelettes. Assombrir un empire n’est donc qu’une question de zoom.
Pour déguster les vins de La Boria (entre autres surprises), rendez-vous à la prochaine soirée Wine & Noise à Lyon le 13 décembre au Marché Gare. Inscriptions obligatoires à contact@wineandnoise.com pour la dégust avant le concert. On y parlera vins des ténèbres avec Year of No Light et Mars Red Sky.
UPDATE : The Dead Mantra sera en concert le 28/02 au Sonic (Lyon) juste après une dégustation de vins, forcément par Wine&Noise. Lien vers l’event.
Suivez la suite de notre série T’écoutes quoi quand tu bois ? EP05, EP06
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