Avoir de quoi se rincer les oreilles c’est bien. Mais si t’as rien pour te remplir le gosier, c’est comme mater des clips en version mute. Heureusement qu’à Sourdoreille on est aussi des fines bouches. Grands seigneurs, on propose une série avec Wine&Noise, le fumiste du jus de raisin, spécialisé en digressions rock qui tâche. Elle s’appelle « T’écoutes quoi quand tu bois ? », une sorte de plaidoyer « Vins vivants / Rock pas mort ». Dans ce premier épisode en direct du Salon Rue 89 des vins, session speed tasting : on compare un Saint-Aubain imprévisible aux plaintes graves de The Healthy Boy & The Badass Mother Fuckers.
Le vigneron : Dominique Derain
On grimpe un poil géographiquement pour aller rencontrer le seul Bourguignon du salon. Pas des moindres. Dominique Derain. Bénéficiant de l’effet vu à la télé c’est la grande gueule avec laquelle tu fais des selfies. Mais c’est surtout le roi de la punchline « avec des raisins dont personne ne veut on fera des vins que tous s’arrachent ». « On a fait un rouge embouteillé tel quel, plein de gaz, c’est le vin IKEA : à élever chez soi ». Alors ça ricane c’est sûr, mais dans le verre ça donne quoi ? Lu sur les chroniques pour son Saint-Aubin blanc « Odeur de pommiers en fleurs ». Arrête s’il te plaît. Tu mets jamais les pieds dans un verger et tu cherches des séjours vinothérapie sur vente-privée.com. Son Saint-Aubin 1er cru (en rouge, assez rare dans le coin) est d’une douce profondeur, enrobé, délicat mais prêt à te sauter à la gorge si tu fais pas gaffe. Derain parle terroir, des climats de terres ferrugineuses proches de Meursault et Chassagne. Des terres riches et des vins potentiellement lourds – « un peu comme un montrachet » qu’il dit dans sa provoc savamment distillée – mais élevé chez lui en minéralité et tension.
L’artiste : The Healthy Boy
& The Badass Mother Fuckers
Alors je cherche un truc robuste mais doux, quelque chose de rocailleux mais raffiné, un truc genre pierre de taille polie par des santiags de barbares. Je pense forcément à The Healthy Boy et sa voix d’outre-noir, comme si Soulages avait voulu peindre un son. Avec ses Badass Mother Fuckers (qui ne sont autres que les Zëro sous un autre nom) et leur récent album « Dolce furia ». Tension, profondeur, finesse des arrangements, on est vraiment dans un verre de Saint-Aubin. L’auto-tune a failli nous faire oublier l’existence du plus fascinant des instruments : la voix. Désarmante simplicité d’une dépouille de nuances, seul instrument capable de nous rappeler l’évidence : de raisins seuls le vin est fait. On a tout bu. Tout. Et on entend au loin les plaintes graves du garçon accompagner notre chute. Ouais mec c’est la crise, on n’a rien à exporter. Peut-être que nos secrets sont trop bien gardés.
Suivez la suite de notre série T’écoutes quoi quand tu bois ? EP04, EP05, EP06
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