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Tablaboxing : rapport de stage avec Ilyas Khan

L’autre jour à Arles, entre un concert de cumbia punk et un autre de disco grec, je tombe sur un joueur de tabla donnant un cours de beatbox dans un gymnase. Je saisis un bout de peau derrière mon bras et serre brutalement cette pincée d’épiderme. Aïe. Si ce n’est pas un rêve étrange, ce doit donc être la chaleur. “Non plus”, me dit-on. “Bienvenue aux stages des Suds à Arles”.

Des fois on se lève le matin avec une folle envie d’apprendre à jouer des maracas vénézuéliennes. Tantôt il s’agit de danse malienne, tantôt de chants languedociens. Pour satisfaire ces folles envies du quotidien, Les Suds à Arles propose 40 stages pour petit·e·s et grand·e·s, à découvrir pendant la semaine du festival. Danse, chant, pratique d’un instrument, art de vivre (cuisine provençale, calligraphie indienne) : demandez le programme !

Les vrai·e·s savent : on vient aux Suds pour découvrir, pour apprendre et pour participer. Un esprit qui fait la force du festival, et avec plus de 630 inscrit·e·s cette année – tous stages confondus – on peut dire que l’offre a rencontré son public. Tandis qu’il squatte la Cité Antique pour la semaine, en marge des nombreux concerts et des rencontres de la photographie, le public du festival joue les stagiaires. Il faut dire que certaines formations sont dispensées par des artistes à l’affiche. De véritables master class où l’on pouvait, cette année, pratiquer l’accordéon avec le virtuose Vincent Peirani, danser le flamenco avec Alfonso Losa ou s’initier au Beatbox Tabla avec son inventeur : Ilyas Raphael Khan.

Ilyas Khan © Rosalie Parent

Ilyas Khan © Rosalie Parent

Ilyas Raphael Khan : Cette année j’ai animé trois ateliers différents. Un de danse caribéenne avec la danseuse Maria Robin, un de musique et danse indienne où j’accompagne ma sœur Parveen Sabrina Khan, et celui de beatbox tabla. J’y enseigne comment composer, écrire et improviser des sons. Je commence avec des rythmes classiques indiens au tabla pour montrer aux élèves les bases et les rythmes différents, puis je fais du beatbox et je leur montre les points communs entre les deux. C’est un programme bien chargé en seulement deux jours mais heureusement je n’avais que quinze élèves. Ici aux Suds les stages sont hyper bien organisés.

Une volonté d’échange et de transmission au cœur de ces quelques jours passés dans les Bouches-du-Rhône, de même que chez le jeune musicien. Outre ces trois stages bien différents les uns des autres, Ilyas cultive un goût pour les mélanges surprenants. On a notamment pu le croiser aux côtés de la danseuse de flamenco Aglé Ganjeï ou tapant la gavotte dans une Twingo (sacrés bretonneux). Je vous avais prévenu·es : ce garçon est plein de surprises. S’aventurer sur ces terrains inédits requiert cependant des bases musicales solides. Pour cela, aucun doute, Ilyas sait de quoi il parle.

Ilyas Raphael Khan : J’ai grandi à Jaipur au Rajasthan jusqu’à mes seize ans. À la base j’ai appris les tabla avec mon père (Hameed Khan Kawa) et mon grand-père car on joue dans ma famille depuis des générations. Puis j’ai découvert le beatbox à onze ans en assistant au spectacle d’un anglais venu jouer en Inde, et je suis tombé amoureux de la discipline. J’ai regardé beaucoup de tutos YouTube et j’en ai fait ma passion. Alem [champion du monde 2015 de Beatboxing] m’a aussi beaucoup soutenu et appris pas mal de choses. C’est un petit milieu où chacun a sa spécialité entre la mélodie, la vélocité ou la diversité des sons joués.

Si la pratique traditionnelle du tabla et celle du beatbox peuvent sembler étrangères, leurs liens sont profonds et datent de plusieurs siècles. La musique classique indienne est un art ancestral transmis depuis plus de 3 000 ans aux jeunes pratiquants par transmission orale : le taleem. Après avoir transité par le jazz et le hip-hop, le beatbox dispose aujourd’hui de ses propres codes et de son propre championnat aux diverses catégories : solo homme/femme, tag-team, crew ou les invraisemblables possibilités des LoopStations. Pour Ilyas, rien ne sert de choisir, il faut assortir à point.

Ilyas Raphael Khan : J’ai envie de pouvoir garder la tradition vivante. La musique traditionnelle c’est mon activité principale. Avec ma sœur on fait un spectacle qui mélange les deux entre la première et la seconde partie, notre duo commence à bien tourner en France et même ailleurs. J’ai aussi un solo sur lequel je me concentre en ce moment : TablaBoxing, autour du rythme où je commence au tabla, puis j’ajoute le beatbox.

 

Pris à la gorge par un planning trop serré, il était déjà temps pour moi d’interrompre la discussion pour ne pas rater mon stage de guitare de Madagascar, mais nul doute que nous nous croiserons à nouveau avec ce musicien à la passion communicative. L’exemple parfait de cet amour qu’a festival des Suds à Arles pour les rencontres insolites et les fusions acoustiques. De quoi attiser la curiosité et pourquoi pas – pour Ilyas – susciter à son tour de futures vocations. L’un de ses élèves, Eliott, douze ans, semble avoir apprécié l’expérience : « J’aime le beatbox et je ne connaissais pas le tabla et j’ai voulu découvrir et c’était bien. Ilyas est sympa, drôle et surtout très fort. J’ai appris beaucoup de choses. Il nous a donné plein de techniques. Je vais beaucoup m’entraîner et les refaire pour bien maîtriser ». Mignon.

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