Pendant quelques heures, le Printemps de Bourges a hébergé d'étranges forces que certains diraient maléfiques.
Pendant quelques heures, le Printemps de Bourges a hébergé d’étranges forces que certains diraient maléfiques. Pour les trouver, n’en déplaise aux journalistes amateurs de clichés, il ne fallait pas chercher du côté de la soirée métal au Palais d’Auron mais dans des concerts aux apparences plus accueillantes…
Tout a commencé le vendredi soir, au 22. Pendant que Frédéric Mitterrand faisait le beau devant les objectifs et les badauds en quête de célébrités, les forces obscures faisaient leur entrée sur le festival sous les traits de Planningtorock.
Ce projet est une création étrange de la britannique Janine Rostron, violoniste de formation installée à Berlin. Sur scène, son visage met mal à l’aise, avec un nez déformé aux allures démoniaques. Sa voix androgyne insuffle une ambiance étrange, parfois malsaine. Planningtorock puise dans l’anticonformisme Dada et dans la new-wave d’un Cabaret Voltaire. Insidieusement, lentement, on se laisse happer par cet univers fragile et touchant. Bourges bascule du côté obscur pour notre plus grand bonheur…
Le lendemain, l’esprit du 22 se déplace de quelques mètres pour s’installer dans la salle très cossue de l’auditorium. Cette fois encore, c’est sous les traits d’un Anglais que le malin génie se matérialise. James Blake, sous ses airs de petit minet gentillet, délivre une musique d’une rare profondeur, notamment grâce à cette voix étourdissante et androgyne, sorte de fantôme d’Antony and the Johnsons. Sur ses complaintes s’ajoute une rythmique aux frontières du dubstep qui achève définitivement le spleen du moment. James Blake nous plonge dans une atmosphère complétement obsédante. Même les silences deviennent des compositions et nous entrainent dans de sombres pensées…
Vingt minutes se passent entre la fin du concert et l’arrivée sur cette même scène de Timber Timbre. Dès les première secondes, aucun doute n’est permis : l’esprit des ténèbres est resté dans l’auditorium pour accompagner le trio canadien. Vêtu d’une cape noire, Taylor Kirk, le chanteur/guitariste/batteur du groupe, donnait un visage apaisant à la mort.
Le décor est sobre, épuré : une quasi-pénombre avec des lumières rouges en contre-jour et quelques ampoules suspendues dans les airs. Les ténèbres se font classe et sobres pour mieux nous séduire et nous faire succomber.
Par sa voix d’outre-tombe, par un tempo très envoutant, Timber Timbre nous donne envie de pleurer. Encore plus diabolique : cette musique nous fait prendre du plaisir à être triste. Du blues dans la plus pure des traditions américaines.
En quelques heures, ces trois groupes ont réussi à toucher nos pulsions les plus profondes. On en sort complétement bouleversé. Heureux de se sentir vivant, avec la part sombre que cela comporte. La Rock’n beat party, qui devait être le feu d’artifice de cette édition 2011 du Printemps, paraît alors bien anecdotique…
James Blake très bien, effectivement. Et comme il n’y a pas de report de la Rock’n beat party sur ce site, on citera l’énorme live de Kalkbrenner, le très gros show de Ratatat et la claque Metronomy. Donc la soirée n’était pas si anecdotique que ça : )