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Quelques mots doux sur le Festival du Bout du Monde

Ce qui rend le festival du Bout du Monde si spécial c’est sans aucun doute l’éclectisme de sa programmation mais aussi son public. Un public multi-générationnel, socialement mixé, curieux et réceptif. Il semblerait que les musiques du monde entrent en résonance avec la culture du coin. L’accueil réservé habituellement aux têtes d’affiche est le même que pour les artistes moins connus. Cela se traduit chaque année par des concerts d’une intensité et d’une émotion incomparables.

Comme chaque année, le rendez-vous est pris avec l’un de nos festivals fétiches, le Bout du Monde. La programmation a été épluchée avec excitation dès le mois de mai. Une fois de plus, le festival nous propose une variété d’artistes. Il y a ceux qui font désormais partie de la famille comme Louise Attaque, et d’autres qui pointent leur nez avec la promesse d’une découverte / claque pour le public breton. C’est le cas avec Antti Paalanen, programmé de nouveau cette année après un franc succès en 2022.

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©Nicolas Le Gruiec

Les jours et semaines précédant l’événement ont été particulièrement maussades, nous avons eu une pensée pour tous ces bénévoles et prestataires qui se sont affairés sous la drache finistérienne pour accueillir les dizaines de milliers de festivaliers dans les meilleures conditions. Mille mercis à eux !

L’édition 2023 aurait pu avoir pour titre : le festival de la boue du monde. Car c’est vrai qu’il a quand même fallu chausser les bottes pour vivre sereinement les trois jours qui s’ouvraient devant nous. Une fois les pieds au sec, il faut reconnaître qu’un sentiment de toute-puissance nous envahit, comme si rien ne pouvait nous atteindre, même en marchant dans la boue. On ne va pourtant pas s’étendre sur les conditions météorologiques. D’autres s’en sont très bien occupés à notre place.

JOUR 1 – Jungles, cuivres et rock en tout genre

Après avoir retrouvé avec un plaisir non dissimulé le camping N°1, planté nos tentes, gonflé les matelas (parce qu’on n’a plus 15 ans) et trinqué joyeusement à l’ouverture des festivités il est déjà 16H40… L’heure a sonné ! Il est temps de fouler l’herbe immaculée de la prairie de Landaoudec. Premier concert, los Wemblers de Iquitos, une découverte pour certains, une redécouverte pour d’autres. En effet le groupe nous avait déjà fait le plaisir d’une visite il y a quelques années. Même si la famille Sanchez n’est pas au complet cette année, de nouveaux membres sont venus en renfort pour enflammer le public qui en prend plein les mirettes. Les premières notes résonnent, pas de doute, nous sommes conviés à danser la cumbia dans la jungle amazonienne. Et selon certains experts, « cumbia » serait liée au terme cubain Cumbancha qui signifie fête, c’est bel et bien une fête qui se dessine sous nos yeux. Le tempo est donné, la mise en jambe nous prépare pour ces trois prochains jours.

18.00 ! Il faut courir au cabaret rejoindre la chanteuse franco-camerounaise Sandra Nkaké. Tout comme nos amis péruviens, il s’agit d’une seconde rencontre entre l’artiste et le public du Bout du monde. Elle nous fait le plaisir de revenir après 10 ans d’absence, accompagnée cette fois de son compagnon de route, le flûtiste Ji Dru. Pas question de s’asseoir, nous voulons nous glisser au plus près de cette chanteuse au magnétisme fou. Sa voix à la fois rugueuse et fragile nous invite à découvrir un univers rock soul bien à elle. Et puis ça s’intensifie, nos pieds se soulèvent et nos têtes balancent. Les 40 minutes passent à une vitesse phénoménale, on aimerait se dire qu’on la retrouvera pour son deuxième set mais le programme est chargé ce soir.

Retour sur la grande scène pour découvrir Jungle by Night. Nous changeons de jungle et ne fait pas encore nuit, pourtant il n’y a visiblement pas d’heure pour clubber avec ces musiciens tout droit venus d’Amsterdam. Ils nous proposent un concert mêlant techno, jazz, et improvisations en tout genre. Alors, nous aussi on improvise les mouvements de bras, de tête et de jambes. On accepte volontiers d’entrer en communion avec ces gars-là !

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©Nicolas Le Gruiec – Jungle by Night

Il est temps de passer faire un coucou à notre petite scène préférée : la scène Kermarrec. S’y produit à 22h Fourth Moon, groupe folk aux influences et inspirations multiples. Qualifiée de musique actuelle celte, leur musique parle au public du festival. La mayonnaise prend direct’ (tentative d’accent breton). On croit d’ailleurs voir quelques petits doigts se lier pour rendre hommage à certaines danses connues par ici. Une jeune chanteuse rejoint la joyeuse troupe. Elle enchaîne les pas de danse et les airs traditionnels. Elle envoûte le public, un véritable rayon de soleil tout droit venu d’Ecosse. Quelle chance on a !

Après avoir rechargé les batteries nous voilà prêts à retourner en adolescence puisque Franz Ferdinand est l’invité prime time ! La musique n’a pas pris une ride, les tubes se succèdent, le public est fou de joie. Malgré un anglais approximatif, les générations entremêlées se sont mises d’accord pour entonner les chants les plus connus. En vrai… au vue de l’heure avancée, de l’ivresse montante et de l’énergie de nos cousins d’Outre Manche, les bretons sont soudainement devenus complètement bilingues !

Franz Ferdinand

©Nicolas Le Gruiec – Franz Ferdinand

On réunit les dernières forces pour faire un dernier petit tour devant la scène Kermarrec. Après le rock anglais place au rock psychédélique oriental du groupe Al-Qasar. Il mélange savamment oud, guitare électrique, batterie et percussions traditionnelles, un joyeux cocktail ! Le moins qu’on puisse dire c’est que ça décoiffe, tout comme la tempête qui s’annonce pour la nuit à venir. Il est temps de retourner dans nos pénates le cœur léger et les oreilles pleines de toute cette musique.

Au chaud dans le duvet, on s’égosille une dernière fois avec nos compagnons de camping sur “plus rien ne m’étonne” de Tiken Jah Fakoly et on se fait la promesse de trouver une solution à l’ouverture des frontières pour demain !

JOUR 2 – Douceurs d’ici et d’ailleurs

Après une nuit tempétueuse, on sort timidement le nez hors des tentes pour se rassurer: ouf nous sommes toujours au camping N°1, personne ne s’est envolé.

Nous commençons doucement avec Roberto Fonseca, le prodige cubain ! Après la cumbia du vendredi, place à la salsa. Le pianiste nous emmène dans les rues de la Havane, on le suit avec délectation. Le soleil aussi est au rendez-vous ! Le rythme s’emballe, les invités se succèdent, tout est réuni pour nous faire passer un très bon début d’après-midi.

Et puis 17h00 sonne, on court rejoindre la Maison Tellier, un groupe français folk rock. Une autre famille au bout du monde. Même si le groupe n’est plus une découverte, on reste amoureux comme au premier jour. La symbiose entre la Maison Tellier et son public est totale. Ce sera encore plus vrai pour leur deuxième passage à 23H00. C’est aussi cela la magie d’une scène comme le chapiteau. La disposition est telle que le groupe donne autant que le public lui rend. A l’issue du deuxième set, les adieux sont déchirants même si l’on sait que ce n’est qu’un au revoir.

Retour un poil en arrière, dans l’après-midi, pour Oumou Sangaré sur la grande scène. Surnommée la “Reine du Wassoulou”, la légende – qui n’en est pas une – raconte que Beyonce et Aya Nakamura lui ont rendu hommage. La chanteuse inspire en effet par son engagement, elle prône avec vigueur l’émancipation pour les femmes noires. On remarque d’ailleurs la parité sur scène : 4 hommes et 4 femmes. Sept musiciens qui l’entourent avec brio et subliment la voix de cette diva qui a littéralement hypnotisé le public. Le mélange de musique traditionnelle Wassoulou avec le rock, le blues, le folk est subtil, elle y pose sa voix avec éclat. 1H20 de musique passée trop vite pour ce qui pourrait être un de nos coups de cœur de cette édition.

On se remet de nos émotions devant Barrut programmé sous le cabaret. Nos oreilles ronronnent au rythme des tambours. Les chants polyphoniques de ces 8 occitans nous réchauffent le cœur. Un bonbon sucré qui nous envoie doucement dans la stratosphère du plaisir. Une fois de plus le concert sous le cabaret aura été d’une rare intensité.

Pas l’temps de rester envoûtés car nous nous dirigeons vers de nouvelles découvertes musicales. En route vers de la trans vaudoue avec les Nana Benz du Togo. De l’énergie il en faut pour faire face à ce quintet composé de trois chanteuses et deux musiciens. Militantes éco-féministes, les trois prêtresses transmettent leurs slogans avec fougue. Les instruments fabriqués maisons produisent une musique et une rythmique exaltantes. Nous sommes complètement réceptifs, aucune lutte possible, cela nous plaît beaucoup.

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©Nicolas Le Gruiec – Nana benz du Togo

Nos chakras sont grand ouverts, il est temps de retourner transmettre toute cette belle énergie à Wax Tailor sur la grande scène. Ses aficionados sont présents et impatients de retrouver ce monument de la scène électro hip-hop. Aucune déception, la fièvre est bien là et envahit le public chaud bouillant de la prairie. Aucun crachin à l’horizon pour calmer cette fête qui dure plus d’une heure. Les troupes sont galvanisées pour rejoindre Lucky Chops sous le chapiteau. Le grand frère a préparé la foule qui exulte devant ce brass band originaire de New York. Le festival aura été généreux en cuivre cette année !

Allez au lit ou da gousket comme on dit en Breton. Il faut garder encore un peu de jus pour la dernière journée qui s’annonce tout aussi folle que les deux précédentes !

JOUR 3 – Pas d’coups de Bambou !

Nous voilà donc repartis pour un tour, le dernier jour. Et ça commence fort avec Suzanne Vega. Accompagnée d’un talentueux guitariste irlandais, la chanteuse américaine est programmée sur la grande scène à 17H40. Le concert est doux et intimiste malgré les milliers de festivaliers venus entonner « My name is Luka ». L’émotion est palpable. On resterait bien encore et encore, surtout lorsqu’elle décide de prêter sa voix au tube de Lou Reed, «Walk on the Wild Side ».

19H00 ! Il est temps de s’extirper de cette douce rêverie et de rejoindre un tout autre univers. Celui du quatuor Makoto San sur la petite scène Kermarrec. Ils jouaient du bambou debout, c’est peut être un détail pour vous mais pour nous ça veut dire beaucoup ! L’incroyable groupe marseillais nous fait cogner sec de la tête sur leur techno ultra moderne aux sonorités japonaises. Les quatre comparses sont masqués ce qui dans un premier temps nous déroute. Et puis finalement, cela permet aussi de se détacher des apparences pour se concentrer uniquement sur le rythme et le son. Et que c’est bon ! On y retournera tard, quand le soleil sera couché !

Et puis… arrive la première (et possiblement unique) déception du week-end. Chamboulement de planning dû à des problèmes logistiques, nous réalisons que le groupe Tuuletar a finalement été programmé pendant Makoto San et on l’aura raté. Tant pis, ce sera pour une prochaine fois… On ne se laisse pas abattre et on court sous le chapiteau découvrir le groupe de folk métal mongol, Uuhai. Si les premières notes nous laissent perplexes, les sonorités qui pénètrent peu à peu notre canal auditif semblent se glisser tout droit vers le cœur. Le trouble laisse place à l’affolement ! Avec les chants de gorge, le violon à tête de cheval et le charisme fou du chanteur, nous sortons de notre torpeur et nous sommes totalement conquis. Superbe découverte !

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©Nicolas Le Gruiec – Uuhai

La pause s’impose ! On ne va jamais finir le weekend à ce rythme-là. Un petit temps pour la croziflette plus une bonne Coreff, c’est l’heure de retrouver notre compagnon de toujours au Bout du monde, le groupe Louise Attaque.

La décision est prise, cette fois-ci, nous n’irons pas tout devant. Nous nous plaçons derrière la régie, périmètre que nous avons baptisé la zone créative. L’objectif est simple : danser, chanter et communier avec tous les festivaliers qui, comme nous, ont fait le choix de profiter à distance les tubes intemporels qui ont fait vibrer les foules du bout du monde à de nombreuses reprises. Après plus d’une heure de pirouettes, roulades, nous sommes rincés mais heureux. Nous décidons de nous placer au plus près de la scène pour attendre le prochain groupe de la soirée, Meute. On se dit alors qu’on aurait peut-être dû garder quelques forces car ça risque de tanguer tout devant !

En effet, 23H40 sonne et la fanfare techno lâche ses premiers fauves ! Ça bouscule les oreilles et les corps dans la foule. Les onze allemands sur scène ont pour but de retourner et d’enflammer la prairie de Landaoudec. Le public est ivre de joie. Nous n’en revenons pas de l’énergie que les festivaliers conservent après ces trois jours de festivités.

Un dernier effort, qui n’en est pas tellement un… Tenir notre promesse et terminer ce festival sur Makoto San. Nous étions curieux de réécouter le groupe de nuit, quand les anciens sont partis et que la jeunesse saisit l’occasion d’une dernière teuf. Et on peut dire que ça envoie du bambou à 1H00 du matin ! Le public semble rassasié à l’issue des 40 minutes réglementaires Et nous, nous sommes repus, comblés, heureux. Les adjectifs manquent pour décrire la bulle dans laquelle nous avons vécu ces trois derniers jours.

Un grand merci au festival et ses artistes pour cette nouvelle édition ! On se dit kenavo ar wesh all (à bientôt).

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©Nicolas Le Gruiec

Image à la Une – Meute ©Nicolas Le Gruiec

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