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Oklou, la douceur assumée

Mine de rien, cela fait un moment qu’Oklou nous tourne nébuleusement autour, restant toujours aussi insaisissable qu’intrigante. En cette rentrée, elle nous cueille enfin avec « Galore », premier long format sur lequel elle s’affirme musicalement et dessine les contours de son identité avec une douceur extrême. 

Depuis ses premières maquettes postées à l’arrache sur YouTube en 2013, Oklou essaye, tente, tâtonne, aux frontières de la pop et de la musique électronique. Proposant des projets de plus en plus aboutis, à l’image de son EP Rite Of May sorti en 2018 sur le label anglais NUXXE, ses compositions ont évolué dans une direction de plus en plus personnelle. « Pendant longtemps je n’étais pas sûre de ce que je voulais faire, je pense que je me bridais inconsciemment. Puis en grandissant et en essayant des choses j’ai réussi à mieux me connaître. » Ce processus de découverte d’elle-même semble l’avoir menée à une vraie prise de confiance, évidente à l’écoute de Galore. Ses pas sont plus assurés, et son parti pris musical plus affirmé : « Pour moi, ce projet c’est une façon d’assumer un langage. »

Ce langage, elle l’a créé avec le temps, à force de travail, mais il lui aura fallu quelques déclics pour enfin lâcher prise et trouver son chemin. D’abord, la découverte d’univers artistiques inspirants auxquels elle a pu s’identifier. « Récemment j’ai été très inspirée par des projets, comme ceux de Caroline Polachek ou Rosalía. Ce sont des filles qui chantent, donc bêtement je m’identifie plus facilement, mais en plus de ça, elles ont des projets pop précis dans leurs sonorités. Elles ont vraiment une assise, elles assument leur style, elles prennent des risques, et j’avais besoin de voir ça. » Plus qu’une influence musicale, c’est toute la démarche derrière ces projets, et la confiance qui s’en dégage, qu’Oklou a introduit dans son travail. « C’est grâce à ces albums que je me suis dit ‘meuf, vas-y au max !’ ». Et au max elle y est allée, assumant son amour pour les dessins animés, les comptines, et les « petites musiques toutes mimi ». Pas étonnant donc que ce disque nous berce obsessivement depuis la première écoute, à l’image de l’ouverture de l’album, « fall ».

Les rencontres, notamment avec le producteur Canadien Casey MQ, ont aussi joué un grand rôle dans le développement musical d’Oklou. « Il y a des projets qui ont été décisifs pour moi, et ceux avec Casey MQ en font partie. On a sorti un EP ensemble, avec un morceau instrumental qui s’appelle “Lurk”, sur lequel j’ai adoré travailler. » Cette alchimie créative s’est ensuite décuplée sur Galore où il est crédité sur l’intégralité des morceaux. « Dès que je lui ai fait écouter les démos, il y a un an, il s’est naturellement investi dans le truc. Travailler avec quelqu’un qui s’implique émotionnellement dans le projet ça n’a pas de prix, et c’était totalement le cas avec Casey. » Main dans la main, ils se sont donc lancés dans la création d’un projet intime et puissant affectivement. « Pendant la création de Galore j’ai beaucoup pleuré, c’était assez nouveau pour moi, ça ne m’arrivait pas tellement avant. » Cette vulnérabilité donne au disque l’allure d’une caresse délicate et fragile.

Oklou-1

Crédits photo : Till Janz

Cette dimension émotionnelle se retrouve d’abord dans les thèmes abordés. On y entend une envie de s’échapper vers un ailleurs fantasmé, à l’image des deux clips sortis en amont du projet, « unearth me » et « god’s chariots ». « À un moment dans l’histoire il y a une fuite dans un monde parallèle, imaginaire, et je me suis toujours imaginée perdue dans la forêt dans une cabane isolée. J’étais très inspirée par l’image du berger et son étoile, par le fait d’avoir besoin d’être guidée. J’avais besoin de cette narration pour écrire le projet. » Les thèmes se dévoilent tout au long des 11 morceaux de Galore, à la manière d’un petit scénario, donnant une réelle unité au projet. « On a fait travail presque spatio-temporel avec Casey, allant même jusqu’à se demander à quel moment de la journée les morceaux se déroulaient. »

A cette cohérence narrative s’ajoute une vraie harmonie musicale notamment basée sur l’utilisation du synthétiseur qui ouvre « fall » et enveloppe ensuite tout le projet. Là aussi, tout semble minutieusement travaillé pour servir ce qui compte le plus pour elle, écrire des chansons pop. « Ce qui me plaît c’est la composition, et maintenant j’ai l’impression d’avoir assez confiance en moi pour assumer certains choix tout en restant dans une démarche pop. En fait, j’ai enfin compris que je pouvais faire de la pop qui me ressemble. » En composant une pop plus intime, à l’allure de berceuse, Oklou s’est éloignée des canons que l’on associe souvent au genre. « La pop c’est pas forcément quelque chose qui claque ! Quand j’ai pris confiance en moi, je me suis aussi mise à faire plus confiance aux gens, ils sont capables d’apprécier un projet qui ne coche pas toutes les cases de ce qui est censé se faire commercialement. »

Cette singularité s’illustre aussi dans son utilisation de la voix. Alors que la pop a tendance à mettre en avant, parfois démesurément, la voix de ses interprètes, ici tout semble s’entremêler. « Pour moi l’instrumental et la voix doivent être au même niveau. Évidemment, le fait de vouloir faire de la pop conditionne l’utilisation de ma voix, mais dans tout le processus de mix je n’arrêtais pas de demander de la baisser. » Elle confie d’ailleurs l’envie d’aller encore plus loin dans cette démarche : « J’aurais pu être encore plus effacée, et assumer de fondre encore plus la voix dans l’instrumental. »

Sur ce projet tout en nuance et en relief, Oklou embrasse aussi ses influences classiques plus étroitement que par le passé notamment sur les morceaux « Galore » et surtout « Rosebud » où son synthétiseur prend des allures de clavecin. Une autre façon d’assumer son langage, fusionnant constamment classique, pop et électronique. Sur cet album, elle se laisse même aller à une pop plus extravertie sur son morceau “Girl On My Throne”, ou la voix de Casey MQ lui répond. « Ce morceau aurait pu ne pas être dans la mixtape, il n’est pas indispensable à l’histoire. Mais on s’est grave amusés sur ce morceau avec Casey donc je me disais que ça pouvait apporter une couleur un peu différente qui pourrait faire du bien à un moment donné dans l’écoute du projet. Je ne sais pas si c’était un bon choix, mais je suis contente qu’il soit là. » Et nous aussi, comme quasiment chaque seconde de ce projet…

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