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San Carol bipolarise la pop

Un maillot de foot sur scène, un titre d’album qui rappelle Nietzsche, une belle grosse barbe, et le T-shirt des Dead Mantra en interview, il n’en fallait pas beaucoup plus pour avoir envie de questionner Maxime Dobosz sur San Carol. Rencontré au lendemain de son concert qui sentait bon le surhomme et le krautrock au Printemps de Bourges, l’Inouï Région Pays de la Loire a fait la lumière sur les métamorphoses du projet, la pop rock épique de son dernier album, sa rencontre chaotique avec son label, l’ambition et son côté control freak.

Comment tu t’es mis à la musique ?

Sur un pari avec deux potes qui sont frère et sœur à quatorze ans. On s’est dit que chacun allait apprendre un instrument, et voir celui qui continuerait le plus longtemps. J’ai commencé à jouer de la guitare, la sœur aussi et son frère de la basse. On a tous appris par nous-mêmes. Ensuite je me suis mis au synthé.

Tu n’as jamais pris de cours ?

J’ai toujours appris seul, même l’école n’a jamais été mon truc : je n’ai jamais été très à l’écoute. Quand j’ai eu mon premier pack de guitare à 100 euros avec une gratte électrique et un ampli, j’ai commencé à composer alors que je ne savais rien faire : juste en mettant mon doigt sur une corde et en le bougeant un peu de case en case. Je n’ai jamais fait de reprise non plus, c’est pour ça qu’au clavier comme à la guitare ou au chant je n’ai pas vraiment de technique. Je suis assez fier de ça parce que c’est une preuve de volonté. De même que pour les instruments, avoir du matos qui coûte cher je m’en fous. Je préfère avoir un truc pourri que je sais faire sonner pour composer de beaux morceaux. Par contre je voulais absolument avoir des synthés analogiques, avant j’en avais trois sur scène, mais j’ai réduis à un pour plus me mettre au chant. C’est un Roland Juno, je l’ai payé 100 balles sur le Bon Coin. Je n’ai jamais mis plus de 300 euros dans un clavier, du moment que tu sais le mettre à profit pour tes morceaux, c’est tout ce qui importe.

Ton premier album La Main Invisible est très électro avec que du synthé, Humain trop Humain est complètement rock. Pourquoi ce changement ?

Le projet de San Carol, c’est qu’à chaque disque, je veux faire quelque chose dans un style différent. À l’époque de La Main Invisible, je ne pensais pas du tout à San Carol comme projet plus global – faire des lives et de la promo – je voulais sortir un disque, et en vinyle de préférence. Je me suis entouré de Yan Hart-Lemmonier, patron de mon ancien label Ego Twister Records car je voulais faire un disque de synthé, et sa spécialité c’est les vieux claviers analogiques.

Humain Trop Humain représente une autre facette de mes références et de ce que je peux écouter. Le seul but était que ce soit rock avec des chansons pop, toujours en gardant une base de synthé qui sera l’instrument inhérent à tous les projets. Le prochain disque sera très différent aussi.

Tu sais déjà ce que tu veux faire pour le prochain disque ?

Quasiment tout est composé, je commence à voir la direction que ça va prendre. Ce qui est compliqué en revanche c’est que les morceaux sont assez différents, il y a quelque chose de très bipolaire. Certains morceaux ne sont pas faciles d’accès, très noise, beaucoup plus sur la basse à la différence des deux premiers disques qui sont plus sur les aigus stridents ; et d’autres sont composés avec de grosses basses, limite drone, mais pop et très efficaces dans le fond. La difficulté, c’est de trouver comment rendre ça cohérent. Mais globalement ce sera beaucoup plus dark.

Ce problème de cohérence entre les titres, tu l’avais déjà rencontré en composant sur Humain Trop Humain ?

Il s’est fait en deux semaines, ça a été super rapide. Il y avait même une soirée où j’étais seul chez moi et où j’ai composé et maquetté deux morceaux d’un coup, en six heures après manger. C’est moins des fulgurances pour le prochain disque, j’ai plus d’exigence, et je voudrais faire quelque chose de plus fédérateur, passer à l’étape supérieure.

Faire des lives avec tes musiciens, ça a changé ta manière d’envisager ton projet ?

Si j’ai compris quelque chose grâce au live et à mes musiciens, c’est que le délire de San Carol, au delà de la pop, c’est faire quelque chose d’ultra efficace quitte à être à la limite du too much. Mon morceau « Cosmicia » par exemple, je le trouve presque kitch. C’est une facette hyper importante du projet. Pour le prochain disque, je veux faire des tubes, et l’assumer à fond. Le contraste entre un son vénère et un tube derrière.

Ce prochain album en préparation, il sortira aussi chez Gonzaï Records ?

Ils seront de la partie d’une manière ou d’une autre parce que c’est des gars que j’adore. Tout le monde les prend pour des connards et j’aime bien ça. Tout le monde déteste Gonzaï, ils en sont conscients et ils en jouent à mort. Quand Bester [Langs, rédacteur en chef du magazine Gonzaï, ndlr] fait des articles super sexistes, il sait très bien ce qu’il fait. J’aimerais vraiment un plus gros label, pour plus de distributions, plus de visibilité, parce que j’ai eu tendance à tomber dans le piège des labels indépendants. C’est super cool pour ta crédibilité, la presse aime bien en général parce qu’il n’y pas de compromis dans ta musique – il n’y en aura pas plus tard non plus – mais ça reste fermé sur un milieu où le projet n’est pas à sa place à mes yeux. J’aimerais vraiment passer à un niveau plus visible.

SanCarolSourdoreilleInterview

« C’est un projet très récent pour moi, et sans être complètement amateur, j’ai une démarche assez naïve dans ma manière de le faire. J’accepte mes erreurs : il n’y a pas mort d’homme, ce n’est qu’une question de musique. » Maxime Dobosz de San Carol

© Adrien Pollin

Comment s’est faite la prise de contact avec Gonzaï ?

Au début de San Carol, je faisais le compulsif à ajouter les pros du milieu sur Facebook. Le mec relou quoi. Bester, que j’avais ajouté, avait mis un statut que je n’avais pas apprécié du tout. J’ai ragé comme un débile sur sa page en l’insultant de tous les noms. Il est venu me parler en me demandant ce qu’il se passait, on en est venu à discuter, je lui ai dit d’aller écouter mon disque. Bien sûr il m’a pris pour un gros con et il s’en battait les couilles de mon album. Mais quelques jours après, Rubin Steiner qui était le programmateur du Temps Machine à Tours est venu lui parler de mon disque. Il a écouté, piqué par la curiosité et son ego : « c’est qui ce connard qui m’insulte et dont on dit du bien ? » On s’est rencontré comme ça : j’ai commencé à l’insulter puis on s’est fait des bisous.

Intituler ton album Humain trop Humain, c’est un éloge à Nietzsche ?

Je t’avoue que je n’ai jamais lu ce bouquin, j’avais lu Le Gai Savoir et L’Antéchrist il y a très longtemps, mais j’étais trop jeune pour bien cerner le propos. On m’a plutôt demandé si c’était une référence à Daft Punk pour leur Human After All. Ce n’est pas bête du tout, les deux titres des albums reflètent la même idée : malgré l’utilisation de machines, tu peux être humain et faire des erreurs. Humain Trop Humain est un disque où il y a énormément d’erreurs en terme de compo, de son, de promo… C’est un truc que j’assume parce qu’on demande beaucoup de choses aux groupes émergents : on leur demande d’être pro avant d’être pro. C’est un projet très récent pour moi, et sans être complètement amateur, j’ai une démarche assez naïve dans ma manière de le faire. J’accepte mes erreurs : il n’y a pas mort d’homme, ce n’est qu’une question de musique. Ce titre, c’était surtout pour relativiser.

L’album de remix Sciences Humaines, sorti en digital chez Gonzaï début avril, a été fait par des musiciens qui ne viennent pas de l’électro. Pourquoi ?

Je voulais que ce soit un album de remix pour les gens qui n’aiment pas les remixes. J’aime bien le principe quand c’est à but fonctionnel, faire danser les gens, mais pour Humain Trop Humain ça ne m’intéressait pas du tout. Je voulais surtout faire ressortir une facette de l’album. Il y a une volonté de rappeler les références krautrock avec la rythmique très motorik, mais il y avait le pendant pop qui m’empêchait d’aller au bout de cette voie. L’idée c’était : « Où est ce que les morceaux peuvent être emmenés si tu enlèves cette facette ? » Je voulais une musique répétitive et de la transe. C’est un gros pavé parce qu’il n’y a que six remixes mais il est aussi long que l’album. Ça peut être assez indigeste pour un public non averti.

Tu composes tout seul, tu as la main sur le remix de ton album… On peut dire que t’es control freak ?

Complètement, mais de manière abusée jusque dans le visuel. Je m’occupe de tout de A à Z, ça fait beaucoup de taf, et ça peut être ingrat comme boulot quand t’es émergeant, surtout que j’ai un vrai boulot à côté. Pour les remixes, chacun avait une ligne directrice sur le but à atteindre : quelque chose d’instrumental et à la couleur krautrock. Je suis comme ça dans ce projet, le groupe n’est presque pas intervenu, même dans le live, le guitariste a été un peu plus libre que les autres sur ses parties, mais à peine. Je vais plus les intégrer sur le prochain album, parce que fonctionner en solo ça a aussi ses limites. À trop vouloir jouer les morceaux tels qu’ils ont été composés ça peut leur donner moins de spontanéité.

Tu parlais de visuel : en live tu portes un maillot de foot marqué « 666 San Carol » dans le dos. Ça vient d’où ?

C’est le maillot du SCO d’Angers ! C’est un délire quand on a fait notre premier live le 16 avril 2015 pour le Disquaire Day à Angers, on a diffusé France – Brésil 98 sur nous pendant le concert. Quand il y avait les buts tout le monde hurlait, on ne comprenait pas trop ça arrivait en plein milieu des chansons. Après ça, on s’est dit qu’un maillot du SCO sur scène ce serait bien débile comme il faut. Ça va pas plus loin. Là c’était la première fois, on a reçu le maillot juste avant Bourges.

Crédit photo : Fred Lombard
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