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L’aventure Bad Nylon

A celles et ceux qui affirment que la solidarité entre rappeuses n’existe pas, je brandis le collectif québécois Bad Nylon, particulièrement actif entre 2015 et 2018. Après un certain nombre d’allers-retours, ce groupe s’est réuni autour des « femcees » et instrumentistes montréalaises Kayiri, ZOZ, Marie-Gold et de la DJ Audrey Bélanger. Pour découvrir les subtilités de ce road-trip musical, je vous propose un déroulé sous forme de menu de restaurant, inspiré par le nom de leur premier EP Musique de Brunch (janvier 2015).

Apéritif : Tissus de beats

Globalement, ce premier EP est très groovy. On y sent les influences soul et jazz qui structurent le phrasé chantant de ce collectif alors au début de son parcours. La basse rebondissante de titres comme « Mon Fave » conviendrait tout à fait à une assiette bien fournie à déguster sur son balcon, un dimanche matin. Mais cet opus prend une toute autre tournure à partir de la chanson « PIZZA » qui s’écouterait un petit peu plus tard dans la journée voire dans la nuit… En tout cas le clip de la chanson « Relation textile » nous permet de nous familiariser avec les membres du collectif avant de passer au mets suivant.

Entrée : A l’aise sur le set

On continue avec Le Deuxième set (octobre 2015) : des instrus rétro, un côté très vieux disque sorti du garage de grand-mère, mais qui promet une belle énergie. Fidèle à la richesse linguistique de leur territoire, les femcees manient le bilinguisme avec grâce et humour.

« Tu t’sens comme dans l’Merry-Go Round
Gueule de cheval de bois
Y’a rien que tu manages qui really get done
Juste le goût d’prendre le premier Greyhound »

Il faut s’accrocher pour comprendre certaines références de Marie-Gold (actuellement en train de décoller en solo), notamment dans la chanson « No biggie ». Mais c’est aussi ce qu’on aime dans le rap n’est-ce pas ? Ce titre joue avec le nom du rappeur américain Biggie Smalls (communément appelé Notorious B.I.G) et l’expression « no biggie », que l’on pourrait traduire par « pas de problème ». De Proust à Puff Daddy, en passant par Lady Di, des ponts se créent entre l’Europe et l’Amérique du Nord, entre hier et aujourd’hui. Difficile de rester de marbre lorsqu’on y entend le nom du réalisateur Polanski, déjà accusé de pédophilie depuis plus de trente ans lors de la sortie de l’EP en 2015. On passe au plat principal après un coup de cœur pour le morceau « Happy Meal (ft. MC Zoz)” dans lequel chacune relate des souvenirs d’enfance plus ou moins glorieux, navigant entre les complexes, la pression du « cool » et les premières amours.

Plat chaud : « Projet principal, propro projet principal »

Parsemé de petits interludes qui nous transportent dans une ambiance aérienne : on se sent bien accueilli dans Bébé t’es unique (2018), qui reste pour l’instant le dernier EP du collectif. Après une trêve, le crew s’est reformé à l’initiative de Marie-Gold autour des rappeuses ZOZ, Kayiri et de la DJ Audrey Bélanger.

Le voyage commence dans un ascenseur et nous transporte ensuite en avion grâce aux voix off de la chanson « Palm Bae » (référence à la ville de Palm Bay, en Floride) dont les cuivres et petits bruits de machines à sous font plaisir à l’oreille. J’ai souvent remarqué que le rap québécois avait tendance à ne pas se prendre trop au sérieux et à inclure son public dans sa musique. Par exemple le groupe Dead Obies a mixé tout son album Gesamtkunstwerk à partir d’enregistrements de concerts. Dans Bébé t’es unique, on a parfois l’impression d’être en home-studio avec les membres de Bad Nylon, on entend leurs conversations, ce qui permet une écoute plus inclusive, comme si on participait à la création de l’EP.

Autant dans la musique que dans les rimes et le flow, cette nouvelle équipe nous présente Bad Nylon sous un visage neuf. Malgré la couverture médiatique qui a entouré cette dernière sortie et notamment du clip « Rappa », le collectif a décidé de se séparer, du fait de divergences au sein de ses membres. Cependant, rien ne nous dit qu’il ne pourra se rassembler à nouveau, sous une forme encore différente.

Dessert : Salade de clips

En attendant que le collectif se recompose (oui, on y croit déjà), c’est l’occasion de suivre les projets personnels de ses membres, à travers trois découvertes :

Marie-Gold a depuis sorti son premier album Règle d’or et vient de diffuser « Mémoire », un clip aux sonorités un peu plus pop.

Kayiri qui a enchaîné plusieurs titres, on retiendra le morceau « GOMA » dans lequel elle retrace l’histoire de violences encore trop peu racontées.

Pour ZOZ, on retiendra la vidéo de son passage à Relève Wordup, pour un battle qui vaut le détour et retourne les codes des rap contenders. L’artiste commence d’ailleurs par déstabiliser son adversaire en lui faisant… des compliments.

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