Ne vous fiez pas à son petit minois et son air enfantin. A bientôt 24 ans et alors que son premier album « L’Alchimie des Monstres » est disponible depuis début mars, Klô Pelgag sait assurément ce qu’elle veut. Ses textes ciselés reflètent l’humanité de l’adolescente québecoise qui se voyait en travailleuse sociale, « pour faire des choses qui allaient aider les gens directement ». Présents à son premier concert en France, on se devait de rencontrer une artiste qui défend le goût de la folie et de la liberté. Et qui déteste« les gens qui calculent tout ».
Les Français amateurs de chanson francophone apprécient globalement les artistes québecois, exception faite de Céline Dion. Inversement, avec tes amis, écoutes-tu des chanteurs français de la nouvelle génération ?
J’aime beaucoup Thomas Fersen. En fait, je réalise que je n’écoute pas vraiment de nouvelle chanson française. Parmi les classiques, j’aime beaucoup Dick Annegarn. Gainsbourg, évidemment. Brassens… Pour le côté non calculé, Brigitte Fontaine.
Pierre Lapointe et Lisa Leblanc font-ils partie de ton cercle d’amis ?
Je ne connais pas Pierre Lapointe personnellement, mais j’aime beaucoup son dernier album. Lisa Leblanc, je la connais bien car on a commencé en même temps, on a à peu près le même âge et des amis en commun.
Si tu devais faire la promo d’un Québecois prometteur, qui choisirais-tu ?
VioleTT Pi. Ce n’est pas une femme Violette, c’est un homme. C’est quelque chose de très éclaté, très créatif, où il y a beaucoup d’influences. Ça reste dans un format assez pop mais très catchy. Dans les paroles, il n’existe rien comme cela. C’est vraiment intéressant à écouter. (Klô a fait la timide lors de l’interview et ne nous avait pas évoqué son duo)
Le clip de Tunnel est déconcertant. L’idée provient de toi ou du réalisateur ?
On a fait un brainstorming. On s’est dit : « Qu’est-ce qu’on veut faire, tous genres confondus ? ». J’ai sorti des idées, il a sorti des idées… Et on a fait un gros délire visuel avec ça, tout en restant dans une performance chantée. Ce que je n’ai pas pu faire dans mes autres clips. On voulait instaurer un genre de goût pour la liberté dans l’art. Ce qui n’est pas très valorisé dans notre époque. Les gens calculent tout, contrôlent tout ce qui est autour d’eux. Et moi, je ne suis pas d’accord avec ça. Je pose mon poing sur la table. Je vais vous envoyer quelque chose de fou et prenez-le dans la gueule !
C’est ton chien ?
Non, on l’a trouvé (sourire). On voulait trouver le chien le plus ordinaire. On aurait pu choisir les chiens requins. Tu sais, les chiens qui ont un visage de requin. Je ne sais plus la race. Mais non, carrément, on a pris le labrador blond le plus classique. En plus, c’est un beau contraste avec mon suit de chat que je venais d’acheter. J’aime les animaux, il y a un rapport avec l’humain. Le clip, c’est sûr que c’est plus un délire visuel. Le clip ne représente pas l’esprit de la chanson. C’est pour dire : « Essaie de comprendre les choses importantes dans la vie ». L’art, c’est quelque chose d’infini. Je n’aime pas le côté commercial, le contrôle des artistes. « Tu devrais faire ça, ça va bien marcher. Ça marchait dans les années 80, alors vas-y… »
Les mises en garde et les « conseils » que tu viens de décrire, tu en as eus ?
Non, parce que je travaille avec des gens qui me respectent et qui ont choisi de travailler avec moi pour ce que je suis. Je pense aussi qu’ils ont dû cerner que j’ai plein d’idées. Tout ce que je fais autour de la musique, c’est moi qui décide et qui le contrôle.
Tu vois ta carrière dans une dimension artisanale ?
Ouais. Mais j’aimerais que mon message ait une certaine portée, car il y a quelque chose de pertinent là-dedans. J’aime l’aspect familial des choses, quand il y a du détail, quand c’est bien fait. Je veux faire attention à chaque chose, je suis dans cet esprit là. Je ne veux pas arriver sur mon tournage et dire (voix de bourgeoise) : « Ah, vous allez mettre une robe en dentelle et je vais monter sur ce bateau ! ».
Les clips donnent aux chanteurs l’occasion de se mettre en scène. Tu aimes ce côté théâtral ?
Ouais, quand même. J’aime quand le côté théâtral n’est pas non plus exagéré, comme je déteste les gens qui surjouent. J’ai vu récemment un spectacle et ça me rend mal à l’aise (rires). Ça se retrouve dans mes spectacles. J’aime faire rire, j’aime le contact avec le public. Mais en même temps, j’ai pas choisi d’être humoriste. Si un jour, j’ai pas envie de rire, je vais me concentrer sur un aspect plus profond de mes chansons. Je me laisse la liberté dans tout ce que je fais.
Avant chaque montée sur scène, je présume qu’il y a une part de trac assez importante. Est-ce que certaines blagues reviennent systématiquement afin de te rassurer. Ou au contraire, selon l’humeur, tu regardes l’un de tes musiciens et tu improvises ?
Ça dépend vraiment des spectacles. Comme dernièrement je tourne beaucoup, j’ai des points de repères… En fait, ça dépend beaucoup du public. Si je sens une connexion, je me laisse plus aller et j’improvise. Si le public est vraiment fun, je suis fun. Mais s’il y a quatre personnes qui dorment, je vais donner le meilleur de moi-même pour essayer de les provoquer. C’est une grande marque de respect pour moi de donner quelque chose d’unique pour ceux qui sont venus ce soir là. Je déteste aller voir un spectacle deux fois de suite et voir qu’il dit la même chose. C’est quelque chose qui m’attriste.
Depuis quand es tu reconnue au Québec ? Adolescente, tu avais cette ambition d’être connue ou tu faisais de la musique sans but précis ?
En fait, mon album est sorti en septembre au Québec. C’est donc depuis ce moment. Avant, j’ai sorti un EP qui a plutôt bien marché, mais avoir un album t’ouvre plus de portes et des possibilités médiatiques.
Ado, je ne faisais pas beaucoup de musique. C’est entrecoupé. Je suivais des cours de piano quand j’étais petite. J’ai arrêté et n’ai recommencé qu’à 17 ans. Je ne pensais pas être chanteuse car trop timide, même si je les admirais. Car je trouve que c’est acte courageux de chanter. En même temps, je me disais : « Il faut que t’aies quelque chose à dire » (sourire). J’ai toujours été perçue comme l’extraterrestre qui fait rire les gens. Je pensais que j’allais être travailleuse sociale pour faire des choses qui allaient aider les gens directement.
Au final, tu t’es dis : « Pourquoi ne pas le faire en musique » ?
Oui, c’est ça. Pourquoi pas ? Il y a des gens qui m’écrivent pour me dire que ça leur fait du bien. Dernièrement, quelqu’un est venu me voir à la fin du spectacle pour me dire : « Tu sais, tes chansons m’ont sauvé la vie ». Elle avait les larmes aux yeux, puis elle est partie (sourire). Je ne sais pas… Moi aussi, la musique m’a énormément aidé dans ma vie.
Ton processus créatif est-il toujours le même ?
Mes premières chansons, ce sont des moments de solitude. J’ai commencé la musique pour sortir ce que je n’arrivais pas à dire, ce qui était dur à exprimer. C’est très libérateur. C’est la seule façon de transformer des moments terribles en quelque chose de beau. Ça transforme les mauvais souvenirs en quelque chose de concret. Sur d’autres chansons, comme Rayon X, je me suis posée plus de questions. Je voulais avoir un champ lexical avec des mots que j’aime, plus funky. Cette chanson est aussi partie d’une relation profonde. Tout est quand même réel pour moi.
Klô Pelgag sera au Café de la Danse (Paris) jeudi 3 avril à partir de 19h30, avec Keith Kouna.
Crédit photo : Diane RH
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