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JP Manova, tout casser sans faire de bruit

Comprendre d’où surgit JP Manova revient à résoudre un logogriphe bien obscur. Ses camarades au stylo aiguisé et à la langue bien pendue ne cessent de vanter ses mérites depuis 20 ans, que ce soit son acolyte Rocé ou encore Ekoué (La Rumeur), MC Solaar, Flynt, etc… Mais JP reste discret et insaisissable, préférant généralement privilégier le plan B au plan A. En 2015, celui qui a également collaboré avec Doc Gyneco (1998), a décidé de passer à l’acte, aux alentours de 19h07, avec un album dont il a concocté toutes les facettes.

JP Manova n’a jamais été rebuté par le travail manuel, au contraire. C’est un moyen de gagner son indépendance comme un autre. Pendant ses années de labeur, il croise de nombreux rappeurs retournés à l’intérim après avoir rencontré la désillusion du star system. Ce constat il le retrace dans le titre : « Pas de Bol ». De fait, tout l’album est un bilan dessiné avec le retrait du beatmaker et du sage qui a vu défiler une palanquée de MCs. Son premier album 19h07 distille un esprit critique et anti-démago dont le slogan serait sans aucun conteste « la mode passe mais la qualité reste ».

Ce n’est pas un hasard si le premier titre (en ft. Avec Rocé) se dédie à déconstruire la « Spirale » infernale des erreurs historiques. Sur un beat saccadé, le flow envoûtant des deux comparses passe en revue l’éducation et le système où « les gosses sont formatés pour reproduire la détresse de leurs aînés ». JP Manova est là pour briser la spirale, pour proposer une alternative à l’époque où le rap a été transformé en marché et ce sur une basse âpre et un kick bien rêche. « Rapper en rond ne sert à rien qu’ils aillent voir un psy » (« Longueur d’Onde »). C’est ici que se démontre le décalage de l’artiste avec certains de ses homologues par le biais d’un morceau populaire à la prose agile et roublarde. L’écriture est fine sans être trop léchée, le beat fait hocher la tête, le propos est convaincant mais sans prétention. Un morceau de puriste, t’as saisi ou pas ?

JP Manova – Longueurs d’Onde

Les instrus sont à tour de rôle sobres ou irrésistibles et les thèmes s’enchaînent. On retrouve la représentation des Américains d’un Paris conçu comme un nirvana pour la mode et la tolérance, fantasme bien loin du quotidien des riverains. Pour l’anecdote, JP s’est cordialement pris le chou (source : Les Inrocks) avec une légende du hip-hop à ce propos (Guru,le MC défunt de Gangstarr, ça vous dit quelque chose ?). S’ensuit « Sankara » qui passe en revue l’exploitation des ressources africaines par le post-colonialisme alimenté par ses dictateurs vénaux. Et cela par le prisme de la biographie symbolique de Thomas Sankara. Cultivé, lettré avec les références géopolitiques sans la lourdeur du savant, JP enchaîne à la fois les rôles de musicien et d’instituteur sans autorité, sans avoir l’âge et la barbe de Morgan Freeman.

JP MANOVA – Is everything right

Dans une chronique, il est toujours difficile de faire court comme il est barbant de parler de chaque track. Cependant un dernière arrêt s’impose sur « Capoeira Verbale ». L’artiste y montre sa fidélité à l’origine du hip-hop tout en réactualisant son essence. On retrouve la légèreté du sample brésilien, l’adresse acrobatique de son texte entre art littéraire et art de la guerre sans oublier un clin d’œil électronique aux sonorités West Coast. On est désaltéré et stimulé comme après être passé sous une cascade en dialoguant avec Sun Tzu. Un premier CD qui se termine sur la course paradoxalement pensive et effrénée de ce rappeur insolite à la recherche de ce qui le définit indéniablement : la liberté.

Ces 10 titres singuliers défilent prestement sans que leurs sens semblent s’épuiser. Le beat crépite dans les tympans, les mélodies ne sont pas systématiques mais donnent toujours dans le sur-mesure. Il y a toujours glissé ici et là un sample rafraîchissant, une voix féminine qui vient adoucir le ton entre maturité et fraîcheur. Il est frustrant de voir émerger une pépite comme celle que délivre JP seulement maintenant mais c’est peut-être son absence de précipitation qui lui permet de sortir un 19h07 dont la définition ne peut être qu’actuelle.

JP Manova sera en concert ‘live band’ le 10 juillet au Pan Piper, n’hésitez pas.

Crédit photo : Xavier Excoffon

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