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Idles cherche et trouve le Point F

La saison 2017 des concerts s’achève, les programmations des festivals de l’été commencent à se dévoiler et c’est (encore un peu) l’heure des tops et des bilans. Ces derniers mois, un groupe anglais a marqué les esprits et les corps, notamment après leur concert du 7 décembre au Point Ephémère. Ce groupe, c’est Idles.

La violence se manifeste sous des formes très variées, de l’agression physique gratuite au harcèlement moral ou sexuel en passant par la violence légitime. Au-delà de l’acte en lui-même, le caractère insoutenable de la violence dépend aussi d’autre facteurs : de sa temporalité (vaut mieux prendre une droite un jour que de savoir qu’une gifle peut tomber à tout moment), de son auteur (la violence venant d’un proche est plus traumatisante que celle venant de son ennemi désigné) et de la notion de consentement.

Idles est un bon exemple de la violence protéiforme. Pour ceux qui ont pu les voir à la Route du rock, c’était sans doute le concert le plus mémorable de cette édition. Une gifle assénée qui a littéralement fait mordre la poussière à ceux qui étaient dans les premiers rangs. Une gifle d’autant plus marquante que peu de gens s’attendaient pas à se faire violenter ainsi.

Depuis, le bouche à oreille a bien fonctionné, en témoigne ce concert complet au Point Ephémère et déjà une date annoncée pour le printemps, cette fois au Trabendo. On allait alors dans la salle du quai de Valmy avec un peu d’appréhension, sachant que notre corps en ressortirait meurtri. Et ça n’a pas loupé.

Après la première partie très plaisante avec l’autre fratrie de Cassels, la tension est déjà palpable pour l’arrivée d’Idles. Ceux-ci arrivent dans des tenues d’une blancheur virginale d’internés psychiatriques pour entonner « All I Want For Christmas Is You » de Mariah Carey. Mais la lente montée en intensité de « Colussus » enchaîné avec « Faith In The City » montre qu’en cette approche de Noël ils préfèrent jouer le rôle du Père Fouettard. Ça tombe bien car « Mother » prouve qu’une bonne partie du public est paré pour la bagarre. Un peu plus d’une heure de combat avec au menu coups d’épaules, corps à corps, poings brandis, sauts à corps perdus. Pas de round de rappel car de leur propre aveu, ils ne sont pas Coldplay. Un set massif à l’image de leur album où les rares moments de répit sont là pour mieux vous rentrer dedans par la suite, comme un boxeur prenant du recul pour allonger les droites.

Mais au final, ce qui se passe dans cette salle moite et sombre entre adultes consentants n’est qu’un exutoire plaisant. La brutalité d’Idles ne fait que répondre à la brutalité d’une société qui impose son poids dans chaque recoin de la société, y compris dans l’architecture allant du lotissement pavillonnaire aseptisé aux bâtiments publics justement issus du courant du Brutalism. Qu’une mère doive trimer comme une conne 17 heures par jour, 7 jours par semaine, ça c’est de la violence. Faire entrer dans la tête des gamins qu’un vrai mec ne chiale pas, c’est de la violence. Faire des coupes drastiques dans le budget de la santé c’est de la violence. S’ennuyer à en mourir dans une ville de merde, c’est de la violence. Le message passe d’autant mieux quand il est dit par des mecs qui ont l’air foncièrement bons, qui ont de recul et de l’humour. Mais ils ont aussi ce grain de folie qui rend un concert franchement vivant, comme quand les deux guitaristes achèvent de jouer « Rottweiler », clôture du concert, sur les épaules du chanteur et d’un mec du public venu prêter main forte. Folie communicative tant le public a pris plaisir à bondir sur « Benzocaine », « Exeter », « Divide & Conquer », « Well Done » ou bien s’époumoner dans le micro tendu dans le public à la fin de « White Privilege ».

Idles est peut-être le groupe qui synthétise le mieux le terme de post-punk, ce style qui a pour essence l’absence de compromis du punk mais qui se refuse à faire de la musique simplement bête et méchante, qui préfère jouer sur la rythmique et l’alternance de temps forts et de temps faibles plutôt que de se cantonner à jouer toujours plus vite et toujours plus fort pour exprimer la colère et la frustration. Un bloc massif allégé par l’humour et le second degré, une noirceur pleine de nuances. Alors, que ceux qui n’ont pas pu prendre leur branlée au Point F se rassure, IDLES reviendra pour vous régler votre compte.

Album en intégralité

Crédits photo en une : Spin The Black Circle

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