Un concert à La Maroquinerie qui affiche complet trois semaines avant, un clip (« Dream ») qui a cartonné aux États-Unis, un premier album éponyme tout juste sorti… Husbands vit un rêve éveillé. Et ce n’est pas près de s’arrêter pour Mathieu Hocine (Kid Francescoli), Simon Henner (Nasser) et Matthieu Poulain (Oh! Tiger Moutain). De passage à Paris en début de tournée, l’interview du cordial trio marseillais avait lieu autour d’un burger.
Vous aviez chacun des projets personnels avant Husbands. Le trio est-il né autour d’une relation humaine ou vous vous êtes dit qu’avec vos compétences mutuelles, il y avait de quoi produire quelque chose d’intéressant.
Simon : C’est plus humain. On avait nos projets respectifs dans le même studio à Marseille et on travaillait tous un peu ensemble. On finissait l’album avec Nasser, Tiger faisait son album, Kid commençait à produire le sien – qui sort en ce moment… Et le soir, on allait chercher une pizza et on continuait à faire de la musique. C’est venu assez naturellement. Je leur ai fait écouter deux trois boucles, ils m’ont dit « Attends, je peux poser un chant dessus ».
Mathieu P. : A Marseille, il n’y a pas de scène identifiée depuis dix ans. Tu ne vas pas te dire que tu vas jouer avec ce mec parce qu’il a tel synthé et que tu veux faire exactement cette musique-là. C’était plus : « Tiens, tu travailles bien et t’écris des bons morceaux, quel que soit le style ».
Mathieu H. : Ce n’était pas du tout réfléchi, ni stratégique.
Husbands – Let Me Down (don’t)
En réécoutant « Blow Up » de Kid Francescoli, on retrouve une note qui existe dans votre projet…
Mathieu H. : Ah ouais ? Comment elle fait la note ?
Un peu comme chez Daft Punk ou Phoenix, on se se dit « Tiens, je connais ça ».
Mathieu H. : Ah ouais, c’est plus un son alors. On travaillait ensemble et, en plus, c’était dans la même période de temps, donc il y a des réflexes qui arrivent rapidement.
Mathieu P. : Il y a des boucles de Simon sur l’album de Tiger Moutain. J’ai fait les basses sur l’album de Kid. Forcément, il y a une sorte de croisement de sons.
Simon : C’est un peu les instruments qu’on a au studio qui explique ce même type de son, au final.
Mathieu P. : D’ailleurs, tant mieux si d’ici quelque temps les trucs qu’on sort ont une sorte de pâte, et ce malgré les différences de styles. Phoenix et Daft Punk, c’est bien trouvé car ce n’est pas du tout la même musique mais les gens peuvent avoir les deux disques chez eux. Et c’est souvent le cas.
Mathieu H. : Clairement, il y a une filiation au niveau du son des synthés entre les deux. On retrouve aussi ça chez Air et Tellier.
Dans une ville aussi grande, comment expliquez-vous qu’aussi peu de groupes marseillais émergent au plan national ?
Simon : Le hip-hop a écrasé le reste pendant plusieurs années. Encore maintenant, on ne se rend pas compte que le plus gros artiste marseillais est Soprano. Et IAM aussi. Il y a quand même Troublemakers, Massilia Sound System, deux trois autres groupes…
Mathieu P. : C’est un peu comme s’il y avait tellement d’autres choses à faire à Marseille que la musique était secondaire.
Mathieu H. : C’est le soleil qui rend les gens plus fainéants.
Mathieu P. : Le bar, le bon temps… Ouais c’est ça Marseille. L’absence de scène marseillaise est aussi une bénédiction. On dit absence mais, comme dans toutes les villes, il ne faut pas oublier les metalleux, les punks, les teufs avec la techno, la transe et tout. Les punks font des concerts trois à quatre fois par semaine, les metalleux ont leur spot comme partout, etc. Ce n’est pas identifiable de l’extérieur. C’est pareil partout. Il n’y a pas la scène pop, rock, indé comme à Nantes, Rennes ou Toulouse, même si ça commence à se débrider.
Pensez-vous que le manque d’investissement public dans la culture à Marseille – si l’on compare par exemple avec les environs de Caen qui regorgent de SMAC financées par la région – explique également ce manque d’intérêt ? Je dis ça par rapport aux reproches d’Akhenaton, entre autres, envers Gaudin, le maire de Marseille aux dernières élections municipales.
Mathieu P. : Je ne sais pas. Nous, ils nous aident bien. La Ville, je n’ai pas été en rapport direct avec eux, mais le Conseil général et tous ceux qui financent la culture, c’est même eux qui nous appellent pour nous dire de nous bouger le cul avec tous nos groupes. Après, le problème des salles est propre à Marseille. On n’a pas le Bikini (salle phare toulousaine) à Marseille, c’est évident.
Simon : C’est peut-être le plus gros manque. Pour les jeunes qui se lancent, il y a plein de trucs super bien. Il y a la friche La Belle de Mai…
Mathieu P. : … Une friche culturelle qu’on peut comparer au Lieu Unique (Nantes) ou Mains d’Oeuvres (Saint-Ouen).
Simon : Il y a Radio Grenouille, Radio Campus, des salles de concert et des théâtres pour répéter. Il y a aussi des tas de petites structures et aussi des petits labels, comme le nôtre d’ailleurs. Même s’il manque une grande salle et que les actuelles ne sont pas à notre goût, c’est sur la pente ascendante. On y croit.
C’est une grosse fierté de signer sur le label « local » de Laurent Garnier et ses potes ?
Simon : Ouais, carrément. On avait vu des propositions de plus gros labels, mais quand Sounds Like Yeah! nous a contacté, on s’est regardé tous les trois et on s’est dit « Ben ouais, carrément ». Pour nous, c’est la première sortie. Pour eux, c’est la première sortie. Ce label, qui est né dans le prolongement du festival Yeah!, nous correspond à fond. On est trois potes, ils sont trois potes…
Mathieu P. : Ils sont indés, ils sont chez nous… C’est l’inverse de Le Rouge et le Noir, dans le genre « On monte à Paris et on va tout péter ». On n’est pas dans ce trip-là. Puis ça correspond à notre côté artisanal, mais avec de belles ambitions.
Simon : Voilà, c’est une entreprise familiale avec de jolis contacts.
Husbands – Dream
Le clip de « Dream » dégage également ce côté artisanal.
Simon : C’est encore la même chose qu’avec le label. Ce sont des potes à nous. En l’occurrence, mes potes d’enfance. Ils ne sont pas dans la vidéo à la base. L’un des Cauboyz est photographe, l’autre typographe. Tout pareil ! C’était aussi leur side project. Quand l’un avait fini ses prises de photos, l’autre ses typos pour une pub, ils se voyaient le soir pour faire des vidéos. Ils avaient commencé à faire deux clips pour des artistes qu’ils adoraient. Évidemment, ça se faisait dégager direct sur YouTube car ils n’avaient pas les droits. Je me souviens leur avoir fait écouter le morceau à Nancy. Je leur ai demandé de me filer une image pour le poster sur YouTube. Ils ont répondu « Attends, il est génial ce titre, on va en faire un clip ». Je leur ai dit que c’était un projet entre potes et qu’on n’avait aucun budget. Ils m’ont dit qu’il n’y avait aucun problème. C’est donc un clip qui nous a coûté, je ne sais pas, allez 50 euros (rires).
Mathieu P. : Ils font tellement de trucs qu’ils font partie du groupe. Les trois vidéos qu’ils ont faites… Ils ont tout compris.
Simon : Pour « You, Me, Cellphones », ils étaient contents de descendre à Marseille. Pour eux, c’était génial. Ils ont passé deux jours à la cool, on a fait la fête pendant deux jours, avec la piscine… C’était des vacances.
Mathieu P. : Ils nous ont bluffés à chaque fois. Ils vont aller très loin d’ailleurs. Toutes les vidéos sont de leur initiative.
Justement, il y a des sonorités aquatiques sur « You, me, Cellphones ». Vous n’avez pas proposé à Cauboyz cette piste des nageuses synchronisées ?
Simon : Aucunement ! Ça marche très bien pour eux depuis. On leur dit à chaque fois « On va quand même vous filer un peu d’argent ». Ils nous répondent « Non, on n’en veut pas car depuis « Dream » on a fait plein de trucs ». Ça leur a ouvert plein de portes. Ils ont fait des clips et des génériques de télé depuis le clip de « Dream ». C’est pourquoi ils sont hyper reconnaissants. La pochette d’album, les affiches de tournées, c’est eux aussi.
« Dream » a été composé il y a un bout de temps. N’avez-vous pas envie de la jouer différemment sur scène ?
Mathieu H. : On est qu’au début de nos concerts. Pour l’instant, on la joue comme on l’a enregistré. Après, au fil du temps, notre live va évoluer.
Simon : C’est la stucture pop de cette chanson qui fait qu’on doit la jouer comme elle est.
Mathieu P. : Faut pas déconner avec les singles qui marchent ; c’est une bénédiction, un don du ciel (rire général). Il faut la jouer normal. Si on commence à la faire en calypso, le public sera déçu. Par contre, sur d’autres trucs que les gens attendent moins, on va se lâcher et faire durer.
Vous avez été les premiers surpris de votre succès, je présume. Un succès que vous devez notamment à Nova. A qui d’autres ?
Mathieu P. : C’est le clip principalement.
Simon : On a vendu un quart de nos morceaux aux États-Unis. C’est hallucinant ! On n’a jamais connu ça avec chacun de nos projets. C’est aussi grâce au clip. On est passé dans deux trois grosses radios californiennes. C’est top. On marche pas mal sur la West Coast en fait (rires).
Mathieu P. : En France aussi. Chez les Basques, ça défonce !
En 2016, vous partez donc en tournée américaine en tour bus ?
Simon : Seulement une tournée californienne…
Mathieu P. : Avec un batteur torse nu.
Avez-vous la volonté de véhiculer un message ?
Mathieu H. : Pour ma part, dans les parties que j’écris, il n’y a pas de message en particulier. Il en sera tout autre pour Mathieu Poulain, aka Oh! Tiger Mountain.
Mathieu P. : Dans Husbands, on écrit les textes très rapidement en composant. Il y a toujours des choses qui m’obsèdent. Le grand truc qui me fait tripper, c’est comment les rapports entre les gens sont modifiés par leur rapport à la technologie. L’évolution des rapports amoureux avec Skype, par exemple. Avant, quand le téléphone sonnait, c’est qu’il se passait quelque chose d’important : les impôts, mamie, un oubli au boulot… Et aussi des questions sur notre génération. Comme ne même plus trop savoir contre quoi s’énerver. Combien de jeunes sont encore embarqués par des idéaux ? Des choses dont je ne sais que faire mais qui sont présentes dans les paroles de Husbands. Ou encore la démocratisation dans les médias du rapport aux drogues et de la jeunesse à se défoncer. Les nouvelles drogues sont très vite stylisées et reprises dans les médias.
Mathieu H. : Mais il n’y a pas de message politique.
Mathieu P. : Oui, c’est plus de l’ordre du sensible. Il n’y a pas de poing levé dans Husbands.
Husbands – You, Me, Cellphones
Vous écrivez tous ?
Simon : Oui, on écrit tous un peu. Des machins, un refrain pour Kid ou moi… mais ça reste Tiger qui écrit le plus en volume.
Mathieu H. : Mais ça reste Tiger qui écrit le plus de lettres…
Mathieu P. : J’écris le plus de caractères. Je mets des mots plus longs (rires).
La dernière chanson montre que vous ne voulez pas chanter en français ?
Mathieu P. : Ce titre est une blague de ma part qui a fini sur une chanson. Je ne sais même plus comment…
Simon : Si, je me souviens. J’avais écrit en charabia et Tiger a écrit cette sorte de sketch qui a été enregistré en une prise. C’était une blague et, en même temps, pas tant que ça…
C’est peut-être aussi une manière de dire « Ne nous emmerdez pas avec ça » ?
Mathieu P. : Quand j’écoute un disque, savoir dans quelle langue il est chanté ne m’obsède pas. J’ai jamais très bien compris que chanter en français soit pertinent… C’est-à-dire la tradition musicale française ! Des textes un peu trop compliqués à mon goût, ou trop plein de jeux de mots… Faire un disque de rock en français c’est rigolo, mais ça ne me vient pas. On ne va pas se forcer. Il n’y a rien de pire que se forcer en musique.
Mathieu H. : En tout cas, il n’y a pas de message de haine ou l’idée de ne pas nous emmerder.
Mathieu P. : C’est vraiment une blague.
Même pas un peu envers les journalistes ?
Mathieu H. : Non, vraiment pas.
Mathieu P. : C’est marrant, mais on nous a jamais parlé ou reproché de chanter anglais avec Husbands. Du moins, pas encore. C’est comme si la musique était plus funky, donc ça passe.
Votre électro pop pourrait d’ailleurs laisser croire que vous êtes de Londres ou New-York…
Mathieu P. : … Ou de Stockholm. On pourrait être un groupe de Suédois.
Mathieu H. : Avec moi ? (rires)
Mathieu P. : Ouais, avec l’arabe de Suédie ! (rires)
Simon : L’anglais est une langue plus musicale. Et vu qu’on surfe plus sur la musique qu’autre chose…
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