Six ans après la collaboration de Winston McAnuff aka Electric Dread avec Java (« Paris Rockin »), le Jamaïcain donne derechef la réplique à Fixi. Lundi sort « A New Day », où le Parisien démontre que l’accordéon et les claviers se marient aussi bien avec le maloya, l’afrobeat, le blues ou le reggae. Rencontre avec un voyageur invétéré, boulimique de musique. Au café de notre rendez-vous, un fan néo-zélandais l’avait reconnu. Désolé Sam, on t’emprunte Fixi un quart d’heure.
Ta première rencontre avec Winston McAnuff remonte-t-elle à 2007 sur l’album « Paris Rockin' », à l’époque où tu jouais dans Java ?
Ouais, juste avant. Le jour où j’ai rencontré Winston, le lendemain on était en studio. Beaucoup de nos chansons sont nées le soir de la première rencontre. En cinq soirées sur deux mois, on avait l’essentiel de l’album. 80% je dirai. J’ai arrangé le truc et c’était bon.
Tu écoutais Electric Dread avant de collaborer avec lui ?
Je vais te résumer l’histoire. Il a commencé à être connu en France quand il a fait un groupe avec Camille Bazbaz. Un bel album. Et Winston était aussi chez Makasound, le label avec Romain et Nico. Je les connaissais peu, c’était surtout R-Wan, le chanteur de Java, qui était pote avec eux. R-Wan a bien senti les choses en me disant « Il faut que tu rencontres Winston, ça devrait coller entre vous ». Je l’ai vu un soir au Bataclan et on s’est rencontrés le lendemain. On était plusieurs de Java à être là à ce moment. Voilà comment l’histoire a commencé.
« A New Day » sort lundi. Quand avez-vous entamé votre collaboration ?
Entre le début et la sortie de l’album, je dirai deux ans. Mais deux ans par-ci par-là. C’est encore lié à Romain et Nico (Makasound). Ils étaient super contents de l’album avec Java. Ils m’ont donc dit : « Refais un truc avec Winston, c’était vraiment bien entre vous ». Et toi, tu ne peux pas dire le contraire. Après, c’est compliqué. Ils m’ont prévenu dès septembre que Winston serait en janvier à Paris et qu’il me consacrerait quinze jours. Ça a déclenché le truc. On s’est vus de manière espacée pendant environ un an.
J’ai lu que tu as été chef d’orchestre de Tony Allen – qui joue d’ailleurs de la batterie sur You and I, titre de « A New Day » – c’est vrai ?
Ouais, à un certain moment. On s’est rencontrés en 1997. A chaque fois qu’il fait un nouvel album, il vient chez moi et on fait les maquettes ensemble. Même si je ne le fais pas tout le temps, j’ai produit son dernier album. Arrangé aussi. J’ai un rôle important avec lui.
Tu aimes ce rôle d’arrangeur ?
C’est super bien être arrangeur, quand les choses sont pas mal avancées (pause)… Moi, je préfère réaliser. Organiser, ramener des nouveaux sons… Être à l’origine des morceaux me plaît.
Peut-on t’imaginer épanoui dans un projet solo ?
On me pose souvent la question. Je sais que c’est un truc qui est en moi. J’ai une forme de timidité, il faut que je laisse encore un peu de temps. Il faut que ça mûrisse. En fait, c’est avec tous mes projets à côté que je vais y venir. Tu vois, en ce moment, j’ai le projet avec Winston, un projet de bal à l’accordéon, un autre avec Lindigo. Et aussi avec Tony Allen. Tout ça va dans le même sens. C’est un mélange de racines qui permet d’identifier ce que je fais.
Et chanter ?
Non. Je suis prêt à faire des chœurs, mais je préfère m’exprimer à travers la musique que par la voix. J’ai pas assez travaillé ça. Pourtant petit, j’aimais chanter. Avec le temps, quelque chose s’est cassé. Mon expression est passée autrement.
Tu parlais de Lindigo, dont tu as réalisé un album. Plusieurs fois, tu as été au festival Sakifo avec Java. As-tu un rapport particulier avec La Réunion ?
Ouais, super particulier. Ça a mis du temps à se faire, notamment grâce au Sakifo. Chaque projet, que ce soit avec Java ou Tony Allen, il s’est passé quelque chose de très fort lors de concerts à La Réunion. En 2007 de mémoire, on avait fait un concert avec Winston – qui est une star sur l’île – dont les gens nous parlent encore. Java a fait la une des journaux là-bas.
Grâce à Tony Allen, j’ai pu rencontrer des gens différents. Car à La Réunion, des métropolitains se sont construits un petit paradis à l’Ouest. J’étais confronté à ça les premières fois où j’y suis allé. Avec Java, les mecs en manque de Paris venaient vers nous. Vivre La Réunion comme station balnéaire ne me convenait pas du tout. C’est vraiment pas ça La Réunion. Puis, j’ai rencontré Lindigo. Et avec eux, je ne pouvais pas aller plus aux racines de la canne à sucre. Là, ça m’a posé et suis rentré dans l’une des nombreuses belles cultures de La Réunion.
Tu y vas souvent ?
A un moment, j’y allais quatre à cinq fois par an. Là, j’ai moins le temps. C’est horrible. Mais j’ai un super projet d’album avec Lindigo. J’espère y aller en janvier. On a déjà avancé.
Toi qui as baroudé, quel lieu t’a mis ta plus grosse claque visuelle ?
Il y en a beaucoup. Hong-Kong, Rio, Tokyo… Le Caire aussi.
As-tu déjà eu envie de casser la gueule à un journaliste agressif dans la critique ?
Globalement, j’ai eu de la chance avec les critiques qui te descendent. Ce qui n’est pas le cas de plusieurs amis. Avec Java, quelques médias étaient fondamentalement opposés à notre énergie. Libé se demandait si l’on n’était pas les nouveaux Manau de la chanson. Ce que je peux comprendre. Pour eux, ça ne devait pas être assez branché. Mais bon, je m’en sors bien dans l’ensemble (rires).
Crédit photo : Bernard Benant
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