Douchka est déjà dans le futur. Les beats qu’il produit nous viennent d’une faille temporelle électronique entrouverte. Respectueux du gourou Flying Lotus et suivant les pas de Hudson Mohawke, il n’hésite pas à nous balancer sa tonne d’influences, trafiquer sa voix pour qu’elle ressemble à celle de Caribou et rêver en douce de pouvoir composer pour Wall-E.
Comment as-tu appris la musique ?
Je suis batteur à la base, mais en autodidacte. Un ami avait une vieille Pearl, c’était un peu un cadeau empoisonné que ses parents lui avaient offert alors qu’il n’en avait jamais voulu. Moi, je l’aimais trop. Quand il a déménagé, il me l’a donné. Comme je n’arrivais pas à trouver de groupe, venant de Douarnenez, une petite ville du sud Finistère, je me suis tourné vers la musique électronique sans trop savoir comment, en composant sur une machine sui s’appelle un SP404. Au fur et à mesure, j’ai commencé à travailler à des productions. Et le DJing.
Tu es un enfant de la musique électronique. Tu n’as pas d’héritage rock par exemple ?
Douarnenez c’est une ville garage, punk à fond, mais je suis bien plus hip-hop et électro. J’ai vraiment commencé à m’intéresser à l’électro par le biais de labels comme Institubes, Kitsuné et Ed Banger. La musique électronique, pour moi, c’est ces vagues French Touch 2.0 avec des groupes comme Justice, qui au final sont un peu des groupes pop. C’est une musique beaucoup plus accessible que la techno, qui elle est un peu plus ancrée dans un délire militant. Pour moi, Détroit ça ne veut pas dire du tout techno mais hip-hop et Motown. Pas Underground Resistance. Ça correspond à une époque qui n’est pas la mienne. Moi je suis né avec le digital. J’aime bien les disques et j’en achète mais pour moi, je n’aime pas les jouer. Je n’ai pas cette culture du vinyl only. J’ai grandi avec internet, les Myspace etc… J’avais un Myspace avant, mais bon maintenant… (Rires)
Qu’est ce qui te plaît dans la musique électronique ?
C’est de la musique faite par des mecs chez eux. J’aime bien l’appellation producteur ou Play Room Producer qu’on donne maintenant. C’est à dire de pouvoir, avec un ordinateur et un petit clavier midi, commencer à faire des trucs à la maison sans avoir le problème des répétitions du groupe ou de louer un studio pour enregistrer. Ma musique, c’est du bricolage, je peux tout faire moi-même.
Peut-on parler de scène rennaise cohérente autour de la musique que tu produis ?
Avec un ami, Les Gordon [interview du 04/03/2015 / NDLR], on a commencé à produire des morceaux dans la même veine [sous le nom de Leska / NDLR]. Mais à part de rares cas, dans le genre de musique que je produis aujourd’hui qui est une sorte de future beat, il n’y a pas énormément de noms. Il y a une grosse branche techno / house et beaucoup de collectifs qui organisent des soirées et qui font bouger la ville, mais plus en format club. C’est vrai que moi j’ai un peu plus de mal à trouver.
Future beat, mais encore ?
Mes influences de manière générale sont variées. Niveau hip-hop, je vais adorer des beatmakers comme No Idea ou Apollo Brown. Sinon, il y a un label qui s’appelle Pelican Fly en Belgique qui sort de véritables tueries comme Cashmere Cat, Lido, Nadus ou encore Sinjin Hawke. Certains mecs qui sont dans le futur dans leur manière de produire et qui sont, pour moi, un peu en train de faire la pop de demain : Rustie, FlyLo. Dans la scène IDM, il y a des trucs que j’adore. Je suis un grand fan de Four Tet. Rounds est un de mes albums de référence. Il a été composé uniquement avec des samples, un peu à la DJ Premier. Sinon je vais aussi aimer Nils Frahm sur Erased Tapes. Ninja Tunes, avec Dorian Concept. En pop, quand j’ai découvert Alt-J j’ai adoré, Breton je suis un grand fan et BRNS aussi.
Que peut représenter pour un jeune beatmaker l’apport musical de Flying Lotus ?
Ce que j’aime avec FlyLo, c’est qu’il va aussi bien trouver ses idées dans une BO de Street Fighter que dans du Chopin. Quand tu l’écoutes en interview, c’est assez dingue le nombre d’influences qu’il te sort. Je pense que Fly Lo représente un peu ce côté « Do it yourself » de la musique. Ce qu’on retrouve aujourd’hui chez des mecs qui ont 18 ans. Sam Gellaitry par exemple, chez Soumex Sun il vient de sortir un EP incroyable et le mec a 18 ans. Comment il fait ?
Est-ce que Caribou a entendu parlé de ton remix ?
Je pense, c’est même sur. Il y a eu un article sur Tsugi qu’il l’a fait passé pour un remix original. Il y a eu aussi Dimensions Festival qui l’a reposté. Le truc a vraiment bien tourné. En fait, ils ne m’ont pas envoyé l’a capella et je ne l’ai pas non plus samplé, c’est moi qui chante sur ce morceau. J’ai juste tellement bidouillé ma voix qu’elle ressemble à l’originale. Aujourd’hui, tu peux facilement tricher. J’adore cet épisode de South Park ou tu as Randy Marsh qui fait croire qu’il est Lord. À peu de choses près c’est exactement ça. Je pense qu’ils en ont entendu parlé, mais je n’ai pas eu de retour de leur part malheureusement.
Une petite question bonus. Douchka c’est aussi le nom d’une chanteuse qui a été ambassadrice en France de Disney. Elle a sorti un single sur Mickey, elle a fait les BO de Bernard et Bianca, Taram et le Chaudron Magique, chanté avec Francis Lalanne et posé nue. Ma question : si tu devais avoir un parcours similaire, c’est à dire être ambassadeur d’un studio d’animation, faire la musique d’un film d’animation, bosser avec un musicien français et poser nu, ça serait comment ?
Ambassadeur de films d’animations : Pixar bien évidemment. Fuck Dreamworks. C’est les meilleurs de loin. Musique de certains films d’animation : j’aimerai refaire celle de Wall-E, c’est un de mes films préférés. Bosser avec un musicien français : pourquoi pas Yelle. Poser nu ? Oui pour une œuvre caritative uniquement et où les fonds seraient donnés aux jeunes producteurs qui n’arrivent pas à faire masteriser leurs morceaux parce que c’est trop cher.
Crédit photo : Yuzaku Aoki
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