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DJ Shadow, le baron perché

20 ans déjà que le premier album studio de DJ Shadow, « Endtroducing » est sorti. Depuis cette première production zélée, d’un hip-hop torturé et technique, sa discographie est devenue longue comme un avant-bras d’orang-outan. On vous passera les huit albums en collaboration (UNKLE, Depeche Mode, etc), son art du live, ses compilations ainsi que tous ses featurings (Blackalicious, Radiohead, etc). Sans vouloir trop jouer sur les chiffres, la finesse des samples et la dextérité du toucher de platine du DJ a souvent eu raison de nos cœurs tendres. Vous comprenez donc que l’on trépignait comme des petits fous à l’écoute du tout frais cinquième opus studio : « The Mountain Will Fall ». Nouvelle gemme sur la couronne d’un roi de l’ombre qui surprend. Encore.

Sa MPC au placard (le Pro Tools bien rangé mais pas trop loin), Shadow se tourne de nouveau vers l’expérimentation. Plus dans l’esprit de The Private Press, il ouvre le bal par une ode électronique et progressive. « The Mountain Will Fall », ouverture cosmique et planante laisse déjà apercevoir la qualité de la production.

La minutie de Shadow à triturer et peaufiner ses sons est presque son principal atout. Une autre qualité se hausse à ce niveau : le choix de ses invités. Le flair de Josh Davis lui permet de s’entourer des meilleurs talents du moment. Avec Run The Jewels, ses collègues du label Mass Apeal, il nous sort une track qui percute. Un hip-hop qui allie musique électro et sample à l’ancienne avec spontanéité. À l’image du dansant et virtuose « The SideShow (ft. Ernie Fresh) » qui pourrait faire pâlir un champion de DMC. Atmosphère que l’on retrouve également dans la coolitude trip-hop / trap des deux jeunes DJs, G Jones & Bleep Bloop (Pitter Patter), collaborations qui montrent tout l’intérêt de Shadow pour l’exploration musicale. Mais ce n’est pas fini.

Les 12 titres de l’album ne sont en effet pas tous de cet acabit. L’auteur de « Mongrel… Meet his Maker » n’hésite pas à retourner vers ses penchants plus deep. La techno industrielle de « Depth Charge » à la fois rock et oppressante projette l’auditeur dans un décor des bas fonds : pression artérielle qui grimpe, tempes battantes, le suspense se termine sur l’apogée d’un scratch de Shadow. C’est alors que le virage psychédélique de l’album s’amorce. Alternant entre inspiration West-Coast, minimale et drum’n bass, Joshua Davis construit un récit novateur où l’enchaînement des titres ne se fait pas sentir.

Le pari le plus audacieux de l’album sera d’y disséminer la participation de deux phénomènes européens : le claviériste berlinois Nils Frahm et l’Anglais Matthew Halsall, deux escales inattendues sur le trajet galactique. Il est évident que le clavier du prodige nous fait vibrer (« Berschrund ») mais « Ashes to Oceans » reste la sensation de l’opus. Pour ça, le trompettiste Halsall a enregistré le titre à Manchester en compagnie de son quintet. La combinaison des deux univers musicaux se noue autour de six minutes de valse avec les vagues, la batterie fictive de Shadow répondant aux embruns. Le rythme frémit sous le piano flottant, à la lisière du free jazz. Musique impressionniste pour un Debussy trompettiste sur fond de glitch.

Difficile de tout vous dire sur The Mountain Will Fall, comme sur DJ Shadow. Celui-ci a fait tomber la montagne sous ces pieds. Capable d’investir le style de tout objet (tant qu’il y a de la lumière), l’ombre frappe fort. Véritable être protéiforme, le DJ se démarque encore une fois. Peut-être faudrait-il finalement donner une couronne au roi ? Shadow n’a pas attendu le sacrement pour forger sa propre ascension sur le toit du Monde. « Faire une carrière à la Shadow » pourrait bientôt passer dans le jargon notoire du DJ.

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