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Délire fiévreux autour du dernier album de Lucy « Self Mythology »

Si vous venez écouter de la techno, vous n’allez pas être servis. On a beau s’appeler Lucy, être boss du label Stroboscopic Artefacts et partager l’affiche avec des types vraiment pas tendres avec leur public, il faut savoir de temps en temps dire non au kick. L’ambient est une solution, le yoga, une autre. Les deux rejoignent ici une certaine idée du goût et du beau dans le dernier disque du producteur installé à Berlin, « Self Mythology ». Manque de pot, le chroniqueur qui traînait dans le coin se tape une grosse fièvre.

Déplacement sur les eaux troubles de la forêt amazonienne. En barque. Rien ne bouge, forcément, on est seuls, sœur bronchite et moi. Enfin non, tout bouge, forcément ici, on n’est jamais seuls. Un frisson parcourt le dos du rameur qui sent la dose de sauvagerie potentielle de la nature dans un présent si ostensiblement calme. Le radeau fuse, pris dans un courant transversal. Une micro tempête de sable recouvre la berge au loin. Il songe, « je suis en pilote automatique, mais je ne contrôle rien », j’en suis sûr. Des chaleurs étourdissantes, puis rassurantes alternent.

Une pause. L’eau vibre au son des coups de rames et des clapotis de la barque. Le son devient plus fort, et plus régulier, à mesure que le fleuve s’amincit. L’écho se fait plus fort et je pense tout à coup qu’il n’y a pas meilleur conducteur de son que l’eau.

Il faut que j’essaie de reprendre mes esprits. Le corps humain est constitué à 60% d’eau et à mesure que la barque avance, mon délire ne fait qu’augmenter. Je ne suis pas dans une forêt. Je suis dans le corps humain, je suis entré dans le corps humain comme personne ne l’avait fait avant. Le son me guide, me plaque contre les parois, me conduit. C’est ça, le son est mon conducteur.

« Se contenter d’écouter la musique avec ses oreilles est bien un truc d’humains. » me souffle la petite voix du lac, derrière les rangées de vaisseaux frémissants. Je découvre mon corps et ris de moi qui croyais compter sur le progrès technologique et les substances de synthèse pour atteindre les émotions totales. Je sais, plutôt je devine que des tribus, des sociétés plus primaires au sens noble, ont déjà probablement expérimenté ces sensations, privés qu’ils sont de nos chaînes invisibles.

Mais moi, rien de tout ça. Olala, bien moins loin que ça. Rien de voulu, de préparé, rien de consenti. Je suis là par la fièvre et j’écoute malgré moi la musique des fiévreux, une marche sur l’eau d’un Styx dans lequel reposent des âmes en activité réduite et à la température corporelle de 40°.

Cet album est le mal. Ecoutez-le.

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