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Andrew Bird : « Chaque album est un antidote de celui d’avant »

Dans la petite famille des artistes qui ont survécu tant bien que mal aux années 90 et qui sont encore pertinents aujourd’hui, vous pouvez très clairement compter Andrew Bird dedans. L’Américain qui siffle à l’oreille de ses centaines de milliers de fans leur offrait son 17ème album vendredi dernier. À cette occasion, on lui a posé quelques questions parce que bon, 17 albums, quand même.

Quel intérêt portes-tu aux paroles pour Are You Serious ?

C’est la chose la plus importante. J’entends des mélodies tous les jours, elles viennent facilement. Les paroles, c’est une autre histoire. Les mots sont délicats ; une mélodie est une mélodie, si elle est belle tu l’aimes. À l’inverse, les mots peuvent décevoir. Il y a plusieurs couches de compréhension, et c’est parce qu’elles sont insaisissables que les paroles sont les choses les plus importantes.

On sent une certaine ironie dans les morceaux, est-ce que c’est intentionnel ?

Je ne sais pas. Au contraire, j’ai l’impression qu’il y a moins d’ironie que dans le passé. Il y a souvent un clin d’oeil, quelque chose pour « soulager » la noirceur de mes paroles. Et c’est aussi sur quoi le titre de l’album joue : il pose la question du rôle de la sincérité.

Donc il y a toujours une compréhension à deux vitesses dans tes paroles ?

Je laisse assez de place à l’auditeur pour qu’il invente ce qu’il veut. Même si cet album est le plus direct, où j’ai un certain franc-parler, tu n’as pas besoin de ton dictionnaire pour le comprendre. C’était un but pour moi.

Pourquoi ça ?

C’est facile d’être obscur, complexe. Alors qu’être plus direct est bien plus compliqué. Tu veux que ta musique soit la plus universelle possible. C’est plus facile d’écrire pour un petit groupe de personnes qui te donne une tape sur l’épaule pour te féliciter d’être si artistique. Mais ça ne m’intéresse pas. Quand je joue dans ces gros festivals, comme Coachella ou Lollapalooza, il y a une sensation de « centre commercial de musique », un peu dévaluée. Je peux décliner les invitations en disant « je suis trop bon pour ça », ou je peux dire « je vais venir et tout défoncer ».

Si tu devais présenter ce que tu fais via un seul album, est-ce que ça serait Are You Serious ?

Je ne sais pas encore. Je ne le saurai pas tant qu’il n’y aura pas d’autres albums après celui-là. J’en suis très fier, les premières chansons font état d’un discours, puis viennent les chansons qui t’emmènent sur une voie plus étrange. Quand les gens me posent cette question, je les dirige souvent vers Weather Systems, car il y a quelque chose de spécial dans ce disque. Je n’essayais pas de faire un chef-d’oeuvre mais c’est un peu arrivé. À chaque fois que je l’écoute, j’en suis assez fier. C’est un disque important. Je suis souvent un peu dur avec mes précédents disques. C’est dans ma nature de le faire. Ils étaient décousus, live et honnêtes… Mais chaque album est un antidote de celui d’avant.

Contrairement à mes albums précédents, j’étais dans une logique de production, plus structurée. Je voulais voir jusqu’où je pouvais aller, en poussant ma rigueur dans l’écriture et dans la production au maximum.

Sur Are You Serious, il n’y a qu’un seul featuring et qu’un autre producteur (Tony Berg), contrairement aux artistes de stature internationale qui s’entourent généralement de beaucoup de personnes. Est-ce que c’est un besoin d’intimité pour créer ?

Je n’ai jamais compris cette façon de faire, d’avoir cinq écrivains différents pour une seule chanson. Quand j’entends ces chansons, je peux discerner quelle partie a été écrite par qui, c’est une sorte de manufacture… Bruno Mars, par exemple, c’est pas si mal, mais tu peux entendre s’il y a cinq ou six écrivains différents. Mais certaines phrases et certaines métaphores sont maladroites. C’est incroyable que ça atteigne le grand public. Je ne voulais pas de collaboration sur l’écriture dans mes autres 13 albums, mais dans Are You Serious, il y en a juste une sur le morceau éponyme. C’était un essai, pour voir ce que ça allait donner. J’ai passé une journée avec Dan Wilson et nous avons fait cette chanson en quatre heures, alors que normalement il me faut quatre ans. Parfois j’aimerais qu’il y ait un lyriciste qui soit là pour me dire « ne sors pas de cette pièce sans avoir écrit quelque chose de bien. » Et c’est la première fois, de toute ma carrière, que j’ai utilisé un producteur. Ce que Tony a fait était de fournir son côté rigoureux.

Est-ce qu’il y a un apport venant de l’extérieur pendant la composition ?

Il y a un morceau que j’ai écrit pour un film, où je me forçais. Je me disais « je peux le faire, ça sera un bon morceau ! » mais je l’avais sculpté pour une scène dans le film. Je l’ai joué sur scène, et je n’attendais qu’une chose, que le morceau se termine. Dès que j’ai un public face à moi, je compatis avec lui. Alors que dans un studio, je pourrais me dire « je sais que ce n’est pas la meilleure chanson que je vais composer mais je peux le faire. » Et quand j’étais sur scène, je transpirais, je me disais que j’étais tellement mauvais, que je ne croyais pas du tout en ce que jouais, et que je ne la rejouerai plus jamais…

Tu penses que les gens l’ont senti ?

Je crois. J’ai une sorte de communication avec le public, c’est pour ça que je n’aime pas jouer des morceaux qui durent quinze minutes. J’imagine ce que c’est que d’être dans le public à ce moment là. Et quand je suis à un concert en tant que spectateur, j’ai le même sentiment. Quand je vois quelque chose qui ne semble pas sincère, que le groupe face à moi ne passe pas un bon moment, je commence à avoir des sueurs froides. C’est une psychologie assez marrante.

Andrew-Bird

C’est intéressant de recréer ma musique en live, mais je trouve généralement que je ne suis pas assez créatif.

Tu es très prolifique, est-ce que c’est parce que tu composes vite ou que tu composes perpétuellement ?

C’est parce que je le fais tout le temps. Même s’il y a une stratégie venant du label, de l’industrie musicale, je n’ai jamais conformé ma créativité à ces calendriers. Mais pour moi ça me semble vraiment lent, de faire 12 morceaux en trois ou quatre ans. Je bosse parfois sur ma musique toute la journée, ou en plein milieu de la nuit. Je n’ai pas de moment où je me dis « ok, je vais écrire », et puis jouer en live c’est écrire aussi. C’est un beau bordel. (rires) Je suis généralement déçu quand je ne prends pas de risque pendant un concert. Cet album est vraiment conçu avec une cohérence, un soin particulier. C’est intéressant de la recréer en live, mais je trouve généralement que je ne suis pas assez créatif.

Crédit photo : Jesse Lirola
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