On s’est assis avec un groupe de gars pour discuter tranquillement de gabber. Non vous n’êtes pas 1993, mais bien en 2018. Allez on prend son uniforme treillis, ses lunettes de soleil et ses grolls de rando, et on marche tout droit.
Jouer en ouverture d’un festival, n’est jamais une chose aisée pour un groupe. C’est pourtant sur cet horaire, à 19h-20h30 le samedi 21 avril 2018 au Festival Panoramas, que sont programmés les Parisiens Paul Seul, Aprile, Von Bikräv, Evil Grimace et Claude Murder de Casual Gabberz. Avec même leur pote Krampf qui traîne sur scène. Pourtant, quand on les croise après leur set et qu’on leur fait la remarque, ils répondent simplement : « Ça fait plaisir, on décapsule le bordel ». Car dès l’ouverture, les festivaliers bretons donnent déjà de leur corps pour eux. Entre un mec avec un plâtre au bras gauche et un autre avec un t-shirt Plus Belle La Vie, la petite foule présente très tôt sur le lieu du festival s’est tout de suite mise à danser et a déversé une énergie que l’on voit plus souvent vers 23h qu’en ouverture.
Casual Gabberz fait du gabber. Mais qu’est-ce que le gabber, me demandez-vous ? Les membres du collectif, définissent ce sous-genre musical de la techno hardcore comme « un interrupteur on/off : soit tu es pris dedans, soit tu trouves ça insupportable, il n’y a pas de demi-mesure ». La découverte du gabber, pour une majorité du crew, s’est faite lors de leur adolescence entre un bol de Miel Pops et des publicités Thunderdome sur M6. « Ces trucs agressifs de 45 secondes, sans comprendre ce qu’il se passe. » « Quand t’es gamin, tu kiffes toute cette imagerie, des dragons, des araignées, ça faisait peur, mais c’était un peu fun ». Cet imaginaire avec sa musique extrême et délivrante, ont formé nos amis, dès leurs jeunes années.
Si ce goût musical extravagant les a rassemblés il y a maintenant plus de cinq ans dans la capitale, c’est avant tout avec l’idée de « refaire la fête » à Paris, de proposer une nouvelle promesse musicale, « quelque chose qui n’existait pas à ce moment-là ».
« Au début, c’était pas totalement une blague, mais c’était surtout pour faire le truc différemment. Un pêché mignon, qu’on a déculpabilisé à fond. »
L’idée de « refaire la fête » à Paris ne signifiait pas pour autant que le gabber avait totalement disparu des hangars et des caves. Il était certes très minoritaire en France, mais dans son pays de naissance, les Pays-Bas, il s’agit toujours véritablement d’un pan de la culture musicale électronique. L’envie de jouer du gabber n’est pourtant pas synonyme de revival pour les Casual : « Je considère plus Casual Gabberz comme une continuité », nous explique l’un de ses membres. « Il s’agit plus d’une influence pour des gamins qui sont nés dans les années 80-90 […] On est là pour rajouter un petit truc à l’histoire. » Et cette approche se retrouve dans leurs productions vu qu’ils utilisent uniquement 5 à 10% des samples d’époques et que le reste provient de leurs propres recherches.
« On a toujours voulu faire gaffe à ne pas dire que notre musique était un ‘tribute’. On n’est pas là pour faire une reconstitution historique. »
« Avant la compilation, Casual Gabberz c’étaient des fêtes à Paris. Mais c’est une musique qui se prête beaucoup au festival. Avec « Inutile de Fuir » on a la chance d’être programmé dans d’autres villes maintenant. » De ce microcosme parisien est donc né le long format Inutile de fuir en 2017, une disque de plus d’une heure réalisé par les nombreux individus qui gravitent dans la nébuleuse Casual. Cette pluralité, on la retrouve ainsi dans leur compositions, dans lesquelles chacun possède ses propres influences, du rap à la techno, mais aussi la musique classique, que certains s’amusent à retravailler avec des délires plus « agressifs« .
Cette compile leur a permis de leur propre aveu de s’extirper de la capitale et d’être ainsi programmés à Astropolis, Dour et ces dernières semaines Panoramas, en plus d’être régulièrement invités dans les des clubs dans de nombreuses villes françaises et européennes. De quoi se pencher un peu plus sérieusement sur la façon dont ils organisent leur live. Au festival Panoramas par exemple, ils étaient donc quatre, trois DJ et un MC, pour rythmer ce début de samedi soir. « Chacun fait un peu ce qu’il veut sur scène, on se passe le casque, on laisse faire. » Car au-delà de la musique, les Casual Gabberz sont surtout cet exutoire, ce flash, ce court moment pendant lequel chacun peut laisser aller son corps à la danse, au mouvement, à l’extase. Si bien que même ses membres donnent le mouvement, « c’est pas une musique où tu restes statique : soit tu pars, soit tu bouges. »
Le gabber serait-il là pour perdurer ? Chacun des membres répondent automatiquement que oui, mais pas forcément dans sa forme originale. « Aujourd’hui, on retrouve le gabber dans beaucoup de musiques. » Le rap premièrement. Paul Seul et Von Bikräv, deux des membres du groupe ont notamment travaillé avec Hyacinthe et Biffty il y a peu en remixant certains de leurs titres. Mais pour eux, cela ne s’arrête pas aux musiques urbaines et tout ça se retrouverait même dans la pop, nous assure Krampf. En voici la preuve.
0 commentaire