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L’industrie musicale atteint un seuil de revenus historique

Vous vous souvenez de l’époque où on vous disait que télécharger sur Emule c’était mal, que ça tuait les artistes et que la crise du disque était annoncée comme l’apocalypse ? Cette période semble bien loin. Pourtant, l’industrie musicale remonte la pente depuis plusieurs années et génère de plus en plus de revenus, jusqu’à atteindre un niveau historique en 10 ans. Sortez vos calculettes, on va causer chiffres.

Selon les données de Midia Research, l’industrie musicale a généré près de 17,4 milliards de dollars de revenus sur l’année 2017. Par rapport à l’année 2016, c’est une progression de 8,5%, soit quelques 1,4 milliards de dollars. La dernière fois qu’un tel revenu était atteint, c’était en 2008 ; à quelques centaines de milliers de dollars près (une broutille vu l’ampleur des chiffres). 10 ans plus tard, la courbe se renverse et l’hécatombe qu’on nous annonçait il y a quelques années est moins dramatique que prévue. Même s’il est clair que les revenus étaient bien plus conséquents avant la démocratisation du numérique, il n’est plus forcément nécessaire de tirer la sonnette d’alarme. Et tout laisse penser que 2018 devrait être dans la même lignée. Sortez le champagne.

La crise du disque, c’est so 2008

Effectivement, la vente de Compact Disc (présenté en 1982 comme LA révolution) est en complète dégringolade depuis plus de 20 ans. C’est en partie à cause du téléchargement illégal que le support était impacté, entraînant derrière lui l’apparition d’Hadopi en 2009. Mais il serait trop simple de seulement pointer du doigt cette pratique de pirates.

On vit désormais dans une époque où les voitures neuves ainsi que les derniers ordinateurs n’intègrent plus de lecteurs CD. Ça prend de la place, ça se raye, on ne les range jamais dans la bonne boîte et ça finit la plupart du temps importé dans la bibliothèque musicale de notre ordinateur ; avant de finir à la poubelle ou chez Cash Converter. C’est un petit peu la fin d’une époque qui se profile , mais le manque à gagner a été rattrapé par l’apparition de nouveaux services depuis 2008 (pour rappel, le premier iPhone est sorti en 2007).

Merci qui ? Merci le streaming

Ce n’est plus un scoop, le streaming domine l’industrie musicale. A lui seul, il représente 43% des revenus globaux soit 7,3 milliards de dollars ; redistribués de manière plus ou moins équitable entre les différents acteurs (maisons de disques, producteurs, diffuseurs, compositeurs, artistes…). Chaque année, le revenu lié aux plateformes d’écoute augmente en moyenne de 39% et ce chiffre tend à augmenter avec une progression exponentielle du nombre d’utilisateurs. Spotify s’impose comme le leader du secteur et vise les 100 millions d’abonnés d’ici la fin de l’année après une entrée en bourse remarquée (valorisée à plus de 24 milliards de dollars). Derrière lui, Apple Music, Deezer, TIDAL, Napster et consorts se partagent le reste du gâteau et rivalisent sur les contenus exclusifs proposés et les artistes représentés pour inciter à l’abonnement ; même si le géant suédois reste bien devant.

Médaille d’or pour les indépendants

Comme on en parlait précédemment, Bandcamp (qui permet aux artistes de vendre directement et sans intermédiaires leur musique sur Internet) est également concerné par cette vague de progression fulgurante. Et représentativement, le milieu des artistes indépendants est celui qui a le plus explosé l’année dernière. Jusqu’à présent, les artistes non-signés n’étaient pas comptabilisés dans les bilans annuels de l’industrie, mais ils représentent désormais une part suffisamment importante du marché pour être inclus dans les mesures mondiales de la musique enregistrée. Avec près d’un demi-milliard de dollars de chiffre d’affaire en 2017 et en croissance bien plus rapide que les entreprises classiques, ce secteur est tout simplement trop gros pour être ignoré. Si l’on associe d’ailleurs les chiffres des artistes indépendants et ceux des labels indépendants, on arrive à une représentation de plus de 30% des revenus en 2017. L’indépendance est donc loin d’être morte, bien au contraire.

Mais du coup, qui trinque ?

Tout le monde n’est pas en train de sabrer le champagne, il y en a certains qui pâtissent de ces changements de mode de consommation et d’écoute. Les disquaires indépendants sont en première ligne, et ils sont de plus en plus nombreux à plier boutique ou à sensibiliser sur leur situation ; comme le Blind Spot à Rennes. Ils sont en concurrence directe face à des géants (Amazon, Discogs, les grandes surfaces) qui cassent les prix des vinyles avec des arrangements directs via les labels que les disquaires ne peuvent pas suivre.

Le téléchargement légal de musique est également en déclin, à tel point que l’iTunes Store va arrêter progressivement la vente d’albums sur sa plateforme ; dans le but de faire migrer les gens sur la plateforme de streaming de la pomme croquée, Apple Music.

Prédictions pour 2019

Des algorithmes de recommandation de plus en plus pointus ? Un nouveau format d’écoute qui viendrait enterrer le .mp3 et le streaming ? Des retransmissions de concerts en réalité virtuelle et en direct depuis votre salon ? A la vitesse où les choses ont évolué depuis 10 ans, il y a fort à parier que le secteur et nos usages vont encore profondément changer. L’industrie musicale est encore plus riche en rebondissements qu’un épisode des Feux de l’Amour. Affaire à suivre donc, rendez-vous à notre prochaine réunion comptabilité.

Et pour aller plus loin, vous pouvez lire le Global Music Report 2018 de l’IFPI, la Fédération internationale de l’industrie phonographique ; but it’s in english.

 

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1 commentaire

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Pierre C. 08.06.2018

Parmi ceux qui trinquent, il y a aussi les musiciens. Les revenus du streaming sont totalement anecdotiques comparés à ceux des ventes de disques physiques : pour un groupe en développement qui tourne raisonnablement, on peut vendre pour 600€ de disques par an à la sortie des concerts (presque jamais ailleurs) et se retrouver avec 2€ de revenus annuels issus du streaming (je parle d’un exemple concret : le mien).
Ce qui conditionne également le comportement de l’industrie musicale (qui ne prend PLUS DU TOUT de risques et produit globalement des copies de ce qui a marché l’an dernier), mais aussi celui des salles de concert, qui ne programment plus de groupes inconnus que lorsqu’elles y sont obligées par la loi (conventionnement SMAC, subventions publiques, etc. etc.).
Parce que la musique est devenue un bien de consommation « apparemment » gratuit (comme le sont les services internet ou la télévision) le public n’est plus prêt à payer pour assister au concert d’un groupe inconnu (ce qu’on appelait découverte dans les années 90) : il peut dépenser 50€ de boissons dans la soirée (parce que la bière ne peut pas se consommer par internet), mais payer 5€ pour assister à un concert lui semble impensable (sauf quand il s’agit de Bigflo et Oli ou de Téléphone évidemment).
Pour tourner pas mal dans le réseau des SMAC et des petites salles, je peux affirmer que les gérants de lieux se plaignent souvent de cette apathie du public : même un concert gratuit dans une salle bien équipée n’attire pas de public si le groupe est inconnu ou « ambitieux » (comprendre = ne reproduit pas la formule du dernier groupe à la mode). Evidemment, si le groupe fait les Victoires de la musique 2 ans plus tard (mais toujours la même musique), les comportements changent…
Indépendamment des questions financières, la numérisation de l’économie de la musique a provoqué l’inverse de ce dont tout les acteurs parlent à longueur de post : de moins en moins de découverte, de plus en plus de conditionnement des comportements de consommation, de plus en plus de concentration économique…
La pléthore de l’offre musicale (le nombre d’excellents groupes est vraiment incomparable avec celui des années pré-internet) ne facilite malheureusement pas les choses et conditionne mécaniquement une baisse de la valeur d’échange… Plus il y a de musique et moins elle vaut quelque chose, ce qui conditionne aussi une musique commerciale de plus en plus débile et putassière, parce qu’il faut trouver le dénominateur commun le plus large possible face à une consommation complètement fragmentée… Et rien de tel que la connerie pour ça…

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