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Bajram Bili : « la répétition permet de vivre la musique de manière physique »

Après d’intemporelles nuits à écouter Boards of Canada, James Holden, Luke Abbott et Nathan Fake, il faut bien du courage pour se laisser voguer et transcender par n’importe quel nouveau venu. Il était temps de parler de ce musicien installé à Tours. Adrien Gachet aka Bajram Bili, va tenter de nous expliquer de quelle planète il nous a fait le plaisir de descendre.

Quelques mots sur ta formation musicale ?

J’ai commencé petit par le piano, qui reste de loin mon instrument préféré. Assez naturellement, je me suis ensuite intéressé aux synthés. Je joue aussi de la guitare, un petit peu de batterie et j’ai pris quelques cours de chant – davantage pour me libérer d’une grande timidité que pour travailler ma voix. Mais je n’ai jamais pris autant de plaisir qu’en jouant du clavier. Le reste, c’était plus par « obligation »  pour certains groupes dans lesquels je jouais. Par ailleurs, j’essaie de limiter l’utilisation des séquenceurs MIDI, je préfère jouer directement les lignes de synthés, même si je dois sûrement perdre du temps à faire cela. J’aime aussi beaucoup travailler le son des boîtes à rythmes, les effets…

Qu’est ce qui a déclenché ton envie de composer ? Ou qui ?

Dès le début, c’était une évidence. J’ai toujours aimé passer du temps à improviser devant un piano. Peut-être parce qu’à la maison avec ma mère, on écoutait souvent le fameux Köln Concert de Keith Jarrett, ainsi que d’autres trucs du genre. Après, il y a eu certains groupes indie, shoegaze, psyché (notamment Spacemen 3 puis Spectrum…) Et surtout quelques disques ou artistes qui ont changé ma vie, en explosant littéralement la vision que je pouvais avoir de l’écriture, du son. Je pense à l’album « Kid A » de Radiohead, à Boards Of Canada, Steve Reich, Tim Hecker ou, dans un autre registre, le premier album de LCD Soundsystem… Là, ce que je vais dire peut faire cliché mais actuellement, le fait de composer m’aide surtout à me sentir mieux. J’ai besoin de cela, je ne peux pas faire autrement, tout simplement.

Qu’as tu retenu de la parution de ton 1er EP, You’re A Ghost In A Tipi (sorti chez Another Record, en septembre 2011) ?

D’abord, une expérience humaine incroyable. Mais surtout, c’était la première fois que je travaillais avec ceux qui m’accompagnent encore maintenant. Et ce n’est pas prêt de changer. Ce sont énormément de souvenirs, de complicité avec eux. Je suis très fier de ce disque (même si évidemment, je ne referais pas tout pareil) mais je suis encore plus touché par les liens que cela à pu créer. L’accueil qu’a reçu cet EP, de la part du public comme des médias, a dépassé ce que je pouvais imaginer. Bien sûr, c’est resté un peu confidentiel, mais je ne m’attendais malgré tout pas à ça. Je l’ai réécouté en entier, en étant concentré, il y a quelques semaines. C’était la première fois depuis longtemps. Presque depuis sa sortie, en fait ! Je crois qu’en l’enregistrant, j’avais besoin de réaliser cette sorte de fantasme du disque au son « massif », très précis. Le travail sur la lenteur aussi, me plaisait beaucoup, tout comme celui des nappes et des effets. Je voulais créer une ambiance vraiment spéciale du début à la fin. Après coup, je me dis que j’ai peut-être voulu donner trop d’informations en même temps sur ce disque… En tout cas, personnellement, j’ai très vite su que le suivant serait plus brut, que les morceaux comporteraient beaucoup moins de pistes, que le son serait mieux défini dès les prises et que le tout serait plus électronique. C’est rapidement devenu la ligne directrice de ce qui allait suivre. Désormais, le nouvel EP est presque terminé et je constate que c’est bel et bien ce qui est arrivé !

Comment crois-tu que naît l’état de transe, auquel ta musique semble liée, chez un auditeur ?

Je ne parviens pas réellement à l’expliquer. Quand je vois dans quel état je suis en écoutant Music For 18 Musicians de Steve Reich, ou encore certains morceaux d’Oneohtrix Point Never, Manuel Göttsching, Luke Abbott, Emeralds (le morceau Candy Shoppe me rend dingue), quelques sets de James Holden… Déjà, je pense qu’il faut accepter d’entrer dans un univers sonore bien particulier, avec des ambiances souvent travaillées de manière très spéciale, des partis pris tranchés. Je trouve que c’est une expérience très personnelle, parfois intime. Mais paradoxalement, à certains moments tu la partages avec des inconnus, lors d’un concert, d’un dj set… C’est intéressant et il n’y a pas vraiment de règle. Je reste persuadé que l’implication, le fait de s’abandonner à l’écoute d’un morceau, le travail du son et des motifs, le volume sonore, l’espace occupé par la musique, jouent un rôle important dans tout ça.

Dans le son, I’ll Be Your Owl – mis en écoute avant la sortie de l’EP sur le label Another Record prévue en mai prochain, on sent des échos de musique minimaliste façon Terry Riley, Steve Reich ou Philip Glass. Penses-tu que la formation de boucles ait un impact méditatif sur l’auditeur ?

Parfois… Là aussi de toute façon, je pense qu’il faut déjà accepter d’entrer dans un univers sonore bien spécifique. Je sais que chez moi, la formation de boucles comme tu disais, me fait souvent entrer dans un état particulier… Mais, au risque de me répéter un peu – sans jeu de mot, les harmonies, les mélodies, le contexte, ont autant d’influence. C’est même encore plus important, pour moi. Je peux être amené à ressentir des émotions très différentes. Par contre, j’aime le fait que ce travail sur la répétition permette de vivre la musique de manière physique, que cela ne se passe pas que dans la tête. Autour de moi, je connais des gens qui ne sont absolument pas touchés par ça, même si le morceau leur plaît. Dans ce cas, il est encore plus difficile de leur faire comprendre que ce genre de truc me fait danser ! Sur le prochain EP, il y a des morceaux qui sont bien plus basés sur les boucles et la répétition, par rapport à I’ll Be Your Owl, tu verras.

Peux tu choisir : un label ; un groupe ; un film ; un festival ?

– Un label : Kranky.
– Un groupe : Boards Of Canada.
– Un film : Je suis embêté car je regarde vraiment très peu de films. Allez, une pièce de théâtre, j’ai le droit ? 32 rue Vandenbranden, par la compagnie Peeping Tom.
– Un festival : La Route du Rock. J’aurais pu opter pour un festival plus typé électronique, expérimental, à l’étranger mais je préfère retenir celui-là car je respecte beaucoup l’état d’esprit et j’y ai beaucoup de souvenirs.

Nouvel EP à paraître en mai 2013, sur Another Record (vinyle / cd / digital). Vous pouvez déjà le pré-commander ! Plus d’infos sur le tumblr et le facebook.

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