Vingt ans. Vingt ans qu’une poignée de doux rêveurs agitent la pointe bretonne. Vingt ans que le crew d’Astropolis (ré)invente la rave avec goût. Vingt ans qu’il prend les châteaux d’assaut, convie toutes les musiques électroniques pour des nuits blanches mémorables, les yeux tournés vers Detroit, Chicago, Amsterdam ou Berlin. A l’aube d’un anniversaire mémorable, on a décidé de balayer ces deux folles décennies en compagnie de Matthieu Guerre-Berthelot, l’une des deux têtes pensantes de cette aventure dingue. Voici le troisième volet : 2005-2008.
Pour ceux qui auraient manqué le deuxième épisode de cette mini-saga, il se trouve ici.
Underground Resistance en 2005.
2005. Après 2004 et les 10 ans du festival, on avait un jouet parfait : Astropolis était enfin reconnu et accepté. La dixième édition avait été un succès artistique, médiatique… Et puis boum ! En février 2005, on nous donne l’occasion de faire Underground Resistance, c’est-à-dire les 13 mecs du label, sur une scène pour eux toute une nuit, avec Mad Mike supervisant le tout. Le truc dont avait toujours rêvé… Là-dessus, le tourneur Uwe nous dit qu’on peut aussi faire Bérurier Noir sur cette édition. L’idée étant de réunir deux mouvements underground, radicaux dans leur propos, mais qui, pour nous, sont proches. Banco, on le fait : Underground Resistance et Bérurier Noir sur un même festival ! Le truc n’a pas été facile à faire : il a fallu apprendre leur façon de travailler à chacun… Les gens de UR étaient évidemment très méfiants, car souvent trompés par les promoteurs européens. Les Bérurier Noir étaient face à un festival « commercial » mais rave dont ils aimaient bien l’esprit. Sans oublier que leur dernier concert aux Trans avait fini en émeute à Rennes 18 mois avant. Au final, chaque collectif aura sa scène : UR jouera dans la cour du Manoir de Keroual, finissant par un groove « so funky » de 20 minutes avec tout le collectif, devant 2000 personnes, le MC scandant « This is a victory ! ». Pour les Béru, le concert devait rester secret, mais un journal local avait balancé l’info. Du coup 10 000 punks ont débarqué. Le souvenir est immense. Les Béru débarqueront à Brest 10 jours avant pour répéter dans un studio de Brest… Un soir, en remontant du port, ils verront de la lumière dans le Vauban, rencontreront Charles, le boss du lieu, et lui demanderont de faire un concert incognito et gratuit 3 jours avant le festival… Le show fut mortel et ce fut la première sortie de mon fils, né 15 jours avant. Le jour du concert fut une autre histoire : on avait imaginé avoir 250 CRS à l’entrée… Mais non, il y avait qu’un seul responsable gendarme. Je me souviens lui dire à 19h00 : « Vous êtes tout seul ? », et lui de me répondre : « Bah oui, à Astropolis, le public est cool ». A 22h, le plan rouge était déclenché, une vraie folie… Manu le Malin a terminé en MC avec le groupe, avant de prendre les platines… Ce fut le dernier concert des Béru.
Octave One en 2006.
2006. Autant vous dire qu’après l’édition punk de 2005, il a fallu se refaire une conduite. Faire soft !!! D’où l’édition « La Communion »… Avec une affiche où de jeunes gens, vêtus de blanc, mangeaient des fruits. C’est l’affiche que je préfère : on dirait une secte avec un côté porno soft des seventies… Cette année-là, on imagine une programmation plus cool avec des gens comme James Holden, Octave One, le Dirty Sound System dans la cour, où on avait installé un parquet. Bon OK, il y avait aussi Vitalic, Andy C, Punish Yourself, la première fois pour Kap Bambino. Ainsi que Luz de Charlie Hebdo, que j’ai rencontré au moment où « les bleus » sont arrivés… Dix camions, 120 robocops en tenue de combat… Je m’interroge : pourquoi ? « Vous avez vu le bordel l’année dernière ? »… Au final, ils ont réussi à prendre un mec avec un gramme d’herbe… Luz fera une magnifique page dans Charlie Hebdo, et Erol Alkan clôturera l’édition avec Arcade Fire… Top classe.
Manu le Malin aka The Driver « hardclub » en 2007.
2007. Encore une année bizarre. Il s’est mis à pleuvoir juste après l’élection de Nicolas Sarkozy, pendant trois mois non-stop… On avait intitulé l’édition « Voodoo », pour conjurer le sort de la treizième édition. Cela a dû nous porter chance finalement car on a été le premier festival où le soleil est revenu. Je me souviens des techniciens revenant des autres festivals avecdes fringues recouvertes de boue ! C’est aussi la première année du Bunker Palace à La Carène, nouvelle et première SMAC de Brest, avec une soirée magique sur le toit de la Carène.
Je me souviens encore du concert de Goose, que j’avais découvert avec leur premier track et qui ont donné un concert exceptionnel (je crois que je me suis mis à genoux devant eux, à leur sortie de scène)… Du show de Chloé et Ivan Smagghe (so sexy) où je pense avoir vu un couple faire l’amour dans la salle… Et puis surtout du set de The Driver, remplaçant DJ Hell (le pauvre était à Ibiza et avait mal à l’oreille…) sur le final de l’Astrofloor… On est allés le chercher alors qu’il avait commencé son after avec son hard-club. Il a dit OK, il a bu quasiment une bouteille de vodka, a vomi… Il est monté sur scène… Les 2 premiers mixes ont été approximatifs, puis ce fut un set mythique, renversant… Il semble qu’il avait les larmes aux yeux à la fin, sous l’ovation… Il fut booké aux Trans, à Panoramas et aux Charrues après ça.
DJ Mehdi, en 2008
2008. L’année précédente nous avions programmé Justice, nous avions vu arriver un nouveau public. Il était très différent des clones minimales à la Hawtin – j’ai les mêmes lunettes – ou du public free – casquette à clous. Là, un nouveau souffle arrivait : les gens (jeunes) débarquaient en fringues fluo, le sourire aux lèvres, hédonistes. Le vendredi, au lieu d’aller voir Carl Craig à la Carène, j’ai passé ma soirée avec les gens de Ed Banger, que je connaissais pas vraiment, vu DJ Medhi mixer un truc de funk et le Spastik de Plastikman. La salle était folle, blindée avec un public que je ne connaissais pas non plus. Une nouvelle génération débarquait. Le lendemain à Keroual, Birdy Nam, Boys Noize, Yuksek et Mix Master Mike des Beasties Boys réinventait la fête jusqu’au petit matin.
Photo principale : les Bérus en 2005 (photo Nicolas Ollier)
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