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Dans son palace, A2H échappe à ses démons

Précédé par une odeur de weed, un flot de dreads dans son sillage et des débuts dans la musique par le reggae : le emcee A2H a tout du toaster de Jamaïque. En solo ou (bien) entouré, compositeur ou rappeur, il suit des chemins torturés et tortueux. Et il le fait avec une virtuosité telle qu’il échappe même au démon qui l’attend au croisement, notamment via son label Palace. Entretien.

A2H se souvient d’une soirée « Can I Kick It ? », le 15 mars 2013, Tourcoing. Sur la scène, l’artiste précédé par son premier album Bipolaire (2012). Et dans la foule, Aelpéacha, un des parrains de la G-funk française avec qui il a écrit « Allume la lumière » : « Le lendemain ou le surlendemain, il nous a envoyé l’instru de « Allume la lumière » à Taïpan et moi, avec son couplet et le refrain ».

De quoi vous situer le niveau du bonhomme.

A2H a démarré sa discographie dès 2011 avec 5 mixtapes, bagage musical à l’épaule depuis les années 2000. « J’ai appris à jouer de la guitare tout seul, avec des références plus reggae : du Bob Marley, du Ben Harper… Mais je kiffais jouer des gimmicks, plus funk ou blues. Je suis tombé sur Muddy Waters, Chess Records, Robert Johnson, Buddy Guy, BB King… »

De Robert Johnson, le fameux bluesman maudit, A2H a aussi retenu la tonalité : « Ce côté ‘parler de ses déboires’, c’est totalement le genre de thématiques que j’aborde dans mes morceaux. Des trucs de ruptures, de sexe, d’addictions, d’être poursuivi par ses démons… » La mythologie selon laquelle Johnson aurait vendu son âme au diable à un croisement de rues a aussi pesé : « Ce côté mystique m’a vraiment plu. Il a surtout un son qui s’appelle “Sweet Home Chicago”, que je kiffe grave. »

A2H – Robert A2 Johnson

Son dernier album, Art de vivre, a concrétisé les ambitions du rappeur sur les instrus de D Twice de Bel Air, Kobébeats, Gregarson et Wizi-P. 2015 lui permettra aussi de mettre en lumière ce travail de beatmaker, derrière des claviers Korg et Juno-G ou à la basse. Il en ferait bien un album complet, avec des invités, si le temps le permet.

Car il y a largement de quoi faire avec son label Palace : le rappeur et producteur Hell Maf signe la dernière sortie avec Je suis la nuit, un premier album imprévisible, arrangé et mixé par A2H. Les autres artistes suivront rapidement : les rappeurs Bruck et Titan sortiront plusieurs EP dans l’année, Ori proposera une nouvelle dose de ride pleine vitesse. XanaX (Svinkels) viendra précédé d’un mélange hip-hop, acid et funk. Avant l’orage, l’air est éclectique : il y aura aussi du R’n’B, avec Mme Sow.

A2H avance dans toutes les directions : « Je sortirai jamais un vieux truc sur un nouvel album. Je fais partie des gens qui valident à fond ce genre de démarches, celle de Kanye West par exemple, ceux qui expérimentent… À côté, il a peut-être une personnalité de connard mégalomane, mais je pense que les connards mégalomanes font de la bonne musique : James Brown, Miles Davis, Frank Zappa… »

A2H – Dans ma chambre

Pas de ça au Palace : c’est ambiance à la cool. « Palace était plus inspiré par Kourtrajmé [collectif de 135 artistes fondé par Romain Gavras et Kim Chapiron en 1994, NDLR], avec seulement Titan et moi rappeurs, et des gens de la vidéo, du graffiti, du dessin, du stylisme, de la 3D… Tous de la banlieue Sud, le 77, le Mée, Melun, Savigny… On s’est tous réunis autour d’une enseigne, principalement du rap aujourd’hui. J’aime bien ce concept familial, accompagner les gens jusqu’à ce qu’ils atteignent ce qu’ils voulaient atteindre. Et toujours avec Kobébeats ou Gregarson en renfort, la famille, quoi » sourit A2H.

« La famille » : c’est un peu le rap d’A2H résumé : « Au début, on me disait que je ne représentais pas mon coin, parce que je n’en ai pas parlé en commençant, c’est vrai. Mais je voulais simplement enlever certains codes que l’on associe en permanence au rap. Je défends la position d’un mec de quartier qui n’est pas une caillera, malgré mon parcours. Dans un quartier, 80 % des gens sont opés : comme le titre de Sniper et L’Skadrille, il y a aussi de bons moments, des barres de rires, des mélanges de communautés, la découverte culturelle à chaque coin de rue… ‘La racaille intelligente’ comme dirait Lino ou Daddy Lord C [de La Cliquanotre portrait]. » 

Mon époque, A2H

A2H l’admet : il y a quelques années, en rencontrant le diable comme Robert Johnson, il aurait sûrement conclu un pacte. Pour aller plus vite, plus facilement, là où il l’entend, en écoutant Eazy-E ou les Stones. «  Mais aujourd’hui je lui dirais ‘T’as vu  ? Dommage, t’es arrivé trop tard. Je peux te kicker maintenant’. »

Photo en-tête : A2H en concert pour Bobigny Terre(s) Hip Hop, Canal 93, le 7 mars 2015. Crédit : RZOM.
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