Nous nous adressons à toi, jeune homme ou jeune femme de vingt ans. Peut-être dix-sept, peut-être même vingt-deux. Ce n’est pas important puisque nous nous adressons surtout à toi, la génération qui suit la nôtre. La nôtre, c’est celle des trentenaires qui ont grandi à une époque où il fallait lire les notes de son bac de français sur son minitel, celle qui semble revenue de tout mais qui ne veut renoncer à rien. L’un de ces renoncements serait de manquer une édition des Vieilles Charrues. Sache que c’est, à ce jour, impensable.
Louper les Charrues est impensable parce qu’elles sont un souvenir trop prégnant pour les adolescents que nous étions quand le festival est devenu ce qu’il est toujours aujourd’hui : le plus grand de France, qui s’étend sur 13 hectares pour rassembler 280 000 personnes sur quatre jours. Voilà pour les chiffres. Reste l’âme du festival, miraculeusement intacte au fil des éditions, et entretenue par trois générations qui doivent se serrer les coudes pour la perpétuer.
C’est à toi, jeune festivalier, qu’il appartient désormais de tenir ce flambeau le plus haut possible, quitte à monter sur les épaules du copain ou même se dresser debout grâce aux biceps des voisins pour surplomber la foule et brailler ta plus belle chanson paillarde. De tout en haut, tu nous apercevras, nous les trentenaires dotés de nos sourires en coin. Car ces conneries-là, on les a faites avant toi. Mille fois. Et on les fera encore dès que l’occasion se présentera. Rarement ensemble. Plutôt côte à côte. Peu importe tant que la mosaïque prend forme et que s’assemble ensuite le puzzle d’une gigantesque kermesse à ciel ouvert, où les concerts passent parfois au second plan. Tu ne trouves pas ça choquant ? Non ?
Rassure-toi, nous non plus. Ainsi sont nées les Vieilles Charrues et ainsi mourront-elles si elles perdent cet esprit paysan et potache qui font leur honneur. Grâce à eux, les cinquantenaires qui continuent de sacraliser ce béni week-end de juillet sur le calendrier. Grâce à nous. Grâce à toi, maintenant et plus tard, quand on se sera définitivement lassé, quand notre corps l’aura décidé, pour rejoindre une bonne fois pour toutes mais le plus tard possible le pays des vieux cons. Ce sera sans regret car on aura fait le boulot, on aura réussi l’essentiel et atteint notre but : on t’aura donné envie de venir ici, par les récits délirants et parfois incohérents de nos esprits embrumés, par nos courses de caddies ou nos concours de ventriglisse dans le camping. On t’aura raconté comment -M- est devenu un membre de la famille Charrues, comment Joan Baez nous a arraché quelques larmes en 2015, comment Muse avait défié les cieux cinq ans auparavant. Nous sommes tes grands-frères de festival et notre regard porté sur toi sera toujours tendre, même si tu nous bouscules avec ta file indienne interminable pour mieux te placer et nous boucher la vue.
Certaines choses ne changeront jamais. D’autres évoluent, car la force du temps qui passe est là, irrésistible. En 2018, nous les trentenaires, nous ne sommes plus seulement spectateurs. Nous sommes aussi devenus spectateurs des spectateurs. Spectateurs de toi, de tous ceux qui nous demandent de les prendre en photo en nous demandant si on sait se servir d’un iphone. Spectateurs de toi qui ne fait plus les mêmes choix que nous. Toi, tu préfères la frénésie de Thérapie Taxi à la programmation suicidaire d’un Mogwai hypnotique en plein après-midi. Et tant pis si, sur ce coup-là, tes tympans sont peut-être perdants. Tu préfères jubiler devant ce troll de Lorenzo plutôt que célébrer une Véronique Sanson en joie et sous son meilleur jour. Tu connais mieux les paroles de « Tout va bien » d’Orelsan plutôt que celles de « Babe I’m gonne leave you » de Led Zeppelin. Tu assures un yaourt impeccable sur des chansons qu’on avait jamais entendues de notre vie. Tu fêtes Roméo Elvis comme le nouvel héros d’une scène rap qu’il mérite d’être, tout simplement parce que tu l’as désigné comme tel. L’aisance de Lomepal trouve davantage grâce à tes yeux qu’un branleur hors-catégorie de la trempe de Liam Gallagher. Un concert de Damso l’emportera toujours sur ta fatigue et les bienfaits d’une pause à Gwernig. Et puisque Depeche Mode ne représente rien pour toi, tu as déserté le jeudi.
Entendons-nous bien, l’ensemble de tes choix nous ravit. Précisément parce que ce ne sont pas les nôtres. Bien sûr, on aurait souhaité une plus grande communion devant Robert Plant, par exemple. Mais tu n’étais pas là. Tes potes non plus. Vous nous avez manqués, car on se souvient de notre émotion devant Patti Smith sur la scène Glenmor en 2004 et la furieuse envie, dès le lundi matin, de rattraper le temps perdu en plongeant dans sa vaste discographie. Que veux-tu, pour qu’elle opère une prochaine fois, la magie doit aussi savoir se faire rare. Et puis des moments de communion entre toi et nous, il y en a eu. Au moins trois et au moins un chaque soir. Devant IAM le vendredi, Gorillaz le samedi et Eddy de Pretto le dimanche. Ado, adultes et seniors : le trio gagnant était réuni. Enfin. Parce que tu aimerais vieillir comme les Marseillais et imposer autant le respect à leur âge. Parce que tu aimes déjà trop la musique pour ne pas avoir remarqué que Damon Albarn et sa bande avaient livré un concert hors-norme, d’une envie et d’une densité exceptionnelles. Parce que tu reconnais le talent d’un kid de Créteil qui exorcise ses démons avec des textes forts. Chaque année, on trouve donc ces précieux points de rendez-vous où converge notre amour commun du festival, où s’apporte la preuve que nous pouvons nous inventer un futur, toi et nous. Dès 2019. Peut-être l’année de ta majorité.
Bien à toi.
Ta génération du dessus.
Photo une par Nico M. Photo article par Denoual Coatleven
Habituée des Charrues depuis ….. longtemps, je fais partie des cinquantenaires. Ce festival me ramène au plaisir de la musique, à des moments que j’ai vécus très intensément, The Hives, Lou Reed, Ben Harper, Supertramp, Noir Désir, pour les plus connus, mais aussi Born in Alaska et d’autres dont la prestation me ramène à des émotions. L’édition 2018 a été un moment différent cette année, j’ai ressenti un plus grand clivage intergénérationnel plus prégnant et cela m’a laissé un goût un peu amer. Que devient MON festival et ses promesses toujours tenues de partage et de curiosité, d’envie de découverte des artistes partagée par les festivaliers. Merci pour cet article, c’est exactement ça.
Je ne souhaite pas # libérer Bob l’éponge # tous les ans, mais cela me manque. Est ce que je deviens vieille et conne devant des jeunes et forts? Vivement l’année prochaine pour la prochaine édition, vivement de nouveaux moments d’émotions, et pour moi plus particulièrement des moments de musique avec des instruments, c’est souvent ce qui me fait vibrer, vous savez la musique qu’on peut jouer même quand il y a une panne d’électricité. Merci d’avoir écrit avec vos mots mes ressentis de cette année.
si je ne metrompe pas merci ma soeur toujours la premiere de la classe j’attends ton premier roman bzzzzz ton frangin
Quel bonheur de lire tout ce qu’on n’arrive pas à exprimer ! Merci merci merci. Le 1er merci, c’est parce que je fais partie des plus de 50 ans, mais que la musique me laisse penser que je n’en ai que 18 ! Le 2 ème, c’est parce que c’était ma dixième édition avec toujours ce même bonheur de participer à cette communion inter générationnelle où les choses sont simples. Quant au 3 ème merci, je ne sais pas…. Peut être pour tout le reste, en attendant encore plus beau pour l’année prochaine. C’est vrai que j’ai du mal avec le rap, et il y en a eu beaucoup !!! mais peu importe, je re-signe les yeux fermés. Gorillaz a été exceptionnel, tous les poils de mon corps se sont hérissés lorsque Robert Plant a sorti son premier son, et Véro m’a presque fait pleurer. On ne se refait pas, cinquantenaire oblige !!!! ?
Pour des raisons personnelles je n’ai pas pu assister aux Vieilles Charrues cette année. J’ai 45 ans et j’aurais tellement aimé voir Lomepal et Lorenzo ! Bien sûr Robert Plant (sans Jimmy Page malheureusement) également car je suis une grande fan de Led Zeppelin. Il n’y a donc pas que les moins de 30 ans qui apprécient Lomepal et Lorenzo, la preuve ! En passant par là, j’espère bien que le groupe Columbine (dont Lorenzo fait partie…) donnera un concert aux Vieilles Charrues, pourquoi pas l’été prochain ?
Merci pour ce très bel article qui rend bien compte de l’atmosphère si particulière de ce festival et des liens uniques qui l’unisse avec ses nombreux fidèles… dont je fais partie, avec mes 18 éditions au compteur.
Long live les Charrues… et à l’année prochaine :)
Pour Patty Smith,ce n’était pas en 2002 mais en 2004.
On perd la mémoire. C’est l’âge ^^
Merci !
Merci pour cet article ! Mais je tiens à dire que je connais autant les paroles de « Tout va bien » que de « Babe I’m Gonne leave you » , j’ai 19 ans et je me suis éclatée devant Thérapie Taxi pour ensuite aller me reposer à la scène Gwernig, tout est possible
Dépêche mode viiie même si on est une 2002
A quand le retour du hard rock ou metal aux vieilles charrues ? Les seuls mais non moins impimports regrets
Que de bienveillance dans cette lettre ! Que les vieilles charrues continues de rassembler toutes les générations et tous les goûts musicaux. Nos divergences font la force de ce festival qui se traduit dans une programmation éclectique ! Longue vie aux Vieilles ! Agathe, qui se retrouve un peu entre les deux générations décrites dans ce texte (27 ans, presque comme le festival ;) )
Merci !!!! De la part d’une (Déjà !) cinquantenaire, accro aux concerts, grande fan de Green Day, Depeche Mode, U2 et autres Muse… Et tant d’autres ! Mais curieuse de découvrir toutes sortes de musiques, d’artistes… d’ou L’importance des festivals et particulièrement des Vieilles Charrues pour moi rennaise. Mais cette année une impression de malaise, d’absence de partage intergénérationnel… Votre article confirme exactement mon sentiment, c’est exactement cela, tellement vrai ! Mon coup de cœur revient cette année à Eddy de Pretto, autant pour l’artiste magnifique que par le public qu’il a su réunir. Cordialement ?
Article sans grand intérêt. Mais merci quand même.
Incroyable ! Toujours des gens pour médire . Dans ce cas mieux vaut ne rien écrire, c’est totalement stérile ce genre de commentaire …
Passe ton chemin avec tes commentaires sans grand intérêt
J’aurais bien aimé un peu plus de nos jeunes pour partager, nous épauler,influer d’avantage d’énergie devant le monstre Plant ou la superbe Sanson,comme nous l’avons fait devant Big Flo par exemple … Toujours est-il ,ce festival reste unique! Bravo à tous???
PETITE demande personnelle,à quand les Floyd????
Les floyds ??? Ils en manquent malheureusement non ??
Ici une vieille de 45 ans. C’est vrai qu’on aurait bien aimé un peu plus de »mous du genoux » pour épauler et influer davantage d’énergie devant le monstre Plant et ses potes ou la superbe Sanson ,comme on l’a fait pour partager l’univers de nos jeunes avec Big Flo par exemple…
A quand les Floyds punaise???? Toujours est-il ,quelle belle inter-génération! Bravo à tous???
Bravo! (une vieille de la génération au-dessus)