Vashti Bunyan est une Anglaise de 70 ans de celles qu’on a l’habitude de décrire comme oubliée de l’histoire musicale. Oubliée, elle le fut pour le plus grand nombre, honorée, elle le fut pour les initiés. Malgré le titre légendaire de « Godmother of freak folk » pour avoir enfanté des groupes comme Animal Collective, Devendra Banhart ou CocoRosie, Vashti est le cliché du rock psychédélique des sixties, mais n’a pas embrassé la révolution culturelle. Et pourtant, trois albums, dont un resté culte, un premier single écrit par Mick Jagger et Keith Richards, un paquet de poils sous les bras et une armée de fidèles, Vashti Bunyan est un monument de talent à réhabiliter. On a dressé une liste non-exhaustive des choses à connaître sur la songwriteuse.
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Vashti Bunyan est née à Newcastle en 1945 de John et Helen Bunyan. A peine âgée de 6 piges, elle déménage avec son baluchon (tétine, poupées, compotes) à Londres pour découvrir la grande vie. Mais elle est un peu jeune, alors elle se dit qu’elle peut encore rester enfant. Certaines langues de flûtes vont dire qu’elle serait la descendante de John Bunyan, l’auteur du Voyage du pèlerin en 1675, chose qu’elle a toujours réfutée. Mais que voulez-vous, les gens veulent des guides.
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Vashti Bunyan perce les mystères de la musique sur Radio Luxembourg où elle écoute Everly Brothers, Buddy Holly et les Shirelles. Puis à 20 ans, elle part à New-York et PAF ! elle découvre Bob Dylan via son second album The Freewheelin. Fière de cette nouvelle ouverture, en 1964 à son retour à Londres, elle se lance dans la musique et sort son premier single avec Andrew Loog Oldham, le manager des Rolling Stones écrit par Mick Jagger et Keith Richard. Tranquille.
Vashti Bunyan – Some things just stick in your mind
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En 1968, elle se fait un trip avec son p’ti copain Robert Lewis dans un chapelet d’îles du Royaume-Uni, Les Hébrides, sur un cheval, histoire de montrer qu’on est 68 jusqu’au bout ou on ne l’est pas. Ils vont rejoindre un ami qui a lancé sa communauté. Ils y dansent nus, couchent avec le soleil, sniffent la vie à pleins nasaux, et tournent autour du feu comme en écrivant des poèmes sur la feuille qu’ils ont écrasée par mégarde. Cliché ? Un peu. Inventé ? Partiellement.
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A 25 ans, Vashti Bunyan sort son premier album en 1970, Just Another Diamond Day, joyau de pop psychédélique. Il est beau, romantique et révolutionnaire et donne déjà certains codes d’une bizarrerie assumée. Joe Boyd et Robert Kirby, auxquels on doit la découverte de Nick Drake, sont à la production. Le disque fait un four total, quelques copies à peine sont vendues. Problème majeur quand on est jeune, la vie plein d’entrain et que la plume nous lève le matin, la sentence est lourde.
Vashti Bunyan – I want to be alone
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Plus rien pendant trente cinq ans, Bunyan se retire de la vie publique, après une courte carrière pleine d’espoirs déchus. Susceptible, la hippie. Ou s’est-elle rendue-compte de la raideur de la pente ? « L’une des raisons pour lesquelles j’ai abandonné la musique si tôt, confie-t-elle un jour, était d’avoir vu Joni Mitchell sur une vieille télé en noir et blanc. Elle chantait ‘Both Sides Now’ et j’étais tellement submergée que je pensais que je ne pourrais jamais ne serait-ce qu’approcher son talent. » Le soleil brûle parfois trop fort sur Terre pour les jeunes pousses.
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A partir de ce moment, Vashti a complètement arrêté la musique et s’est barrée en Ecosse là où elle habite actuellement. Sans écouter aucune musique du tout, elle a religieusement évité sa passion qui lui rappelait ses heures sombres. Un type accoudé dans un bar en Ecosse rapporterait qu’il l’aurait vue dérouiller un groupe de sonneurs de cornemuses en kilt en pleine place publique.
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Bunyan a été surnommée « the Godmother of Freak Folk » pour avoir inspiré une nouvelle génération de folkeux. Pas de la teen folk à la Ed Sheeran, non, plutôt de la psych folk de freaks, de gens tordus, de queers, de clowns. Parmi eux, on compte Devendra Banhart, CocoRosie, Animal Collective, Grizzly Bear, Sufjan Stevens, Timber Timbre, Piano Magic, et une trentaine d’autres noms qui pourraient vous parler. Sur Wikipedia (qui ne dit pas que des conneries), quelqu’un a essayé de dresser une liste.
Vashti Bunyan – Train song
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Après 35 ans d’absence, miracle, joie, éclats, hourras, Vashti Bunyan revient en 2006 avec un deuxième album, Lookaftering. Produit par Max Richter, le disque ressuscite notre tendre hippie. Devendra Banhart lui redonnera la confiance de la scène et apparaîtra sur le disque. Puis en 2010, les fans sortent enfin de leur constipation post-moderne : Just Another Diamond Day, son premier album devenu objet de culte, est réédité.
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Dans la culture populaire, sa musique a pris un coup de boost pour diverses raisons, plus ou moins classes. Comme tout musicien. D’abord, le morceau « Just Another Diamond Day » a été utilisé pour une pub pour T-Mobile (le premier opérateur couvrant le territoire allemand, mais aussi présent en Europe et aux Etats-Unis) et « Train Song » pour une pub Reebok pour la NFL. Dans un meilleur registre, ce même morceau apparaît surtout dans la bande-son de la série à succès True Detective.
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2014 : à 70 ans, Vashti Bunyan annonce son troisième album d’emblée comme étant le dernier. Il s’appelle Heartleap. A ce propos, elle s’explique : « La chose qui caractérise le mieux cet album était pour moi le fait d’apprendre enfin à enregistrer la musique que j’avais dans ma tête moi-même. Je ne lis ni n’écris la musique et je ne joue du piano qu’à une main, mais j’ai adoré être capable de faire tout moi-même et le faire sonner de la façon qui m’enchantait. J’écris ces chansons depuis tant de temps. L’album n’aurait pas pu se faire sans ça. » Rideau.
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