Unknown Mortal Orchestra, pour nous c’était plié : une hype 2015 à la Caribou. Et en fait, non. On a attendu, attendu. La bande de Ruban Nielson fait malgré tout un bout de chemin hyper honnête sans faire de vagues. Ces vagues qui vous auraient menés à les détester : la fameuse mort auditive par saturation. Leur troisième album Multi-Love se veut solaire, efficace et spontané. Ruban Nielson s’est confié à nous sur sa nouvelle vie passée dans le présent, le véritable sens d’une musique moderne et sa spiritualité.
Selon la présentation presse, ton précédent album II traitait de la douleur d’être seul et Multi-Love est à propos de la difficulté d’être ensemble. Certes, ça aide pas mal les journalistes pas inspirés pour leur angle, mais tu valides cette façon de lire les paroles et le déroulement de ton album ?
Ruban Nielson : J’imagine oui, excepté que ce n’est pas uniquement à propos des difficultés mais des bons et des mauvais côtés d’être ensemble. Mais ce qu’il faudrait surtout dire, c’est que le disque précédent était assez triste. Je voulais surtout que celui-ci soit le contraire. Je voulais parler d’amour de différentes façons : platonique, sexuelle, spirituelle. D’une façon positive et avec une démarche plus excitante que le précédent. C’est plus comme ça que je présenterais mon album.
Même si la patte UMO est toujours là, j’ai l’impression d’une réelle évolution dans la production de l’album. Quelles sont les raisons de ces changements instrumentaux, techniques et artistiques ?
Beaucoup de choses m’ont profondément marqué, et avant tout mon voyage en Chine. Tout ce monde. Cette impression de vivre dans le futur. Peut-être que toutes les villes ressembleront à Shangaï un jour. Forcément, ce voyage a modernisé ma musique et m’a éloigné de l’album typé 70’s.
Le revival psyché existe-t-il réellement ? Et comment vois-tu les annonciateurs de cette nouvelle preuve que notre époque est définitivement nostalgique ?
Oui, il y en a un, mais je le vis bien. Je ne suis pas contre la musique de Tame Impala, Temples ou Foxygen parce que je les trouve bons. Mais je dois bien me placer par rapport à eux et me demander : ‘en quoi ma musique est différente ?’ Je veux être respecté pour une musique qui m’est fidèle. C’est pour ça qu’en ce moment, je me rapproche de plus en plus de la soul, le R’n’B, la black music et essaie d’en faire quelque chose de personnel.
Pour te rapprocher de ces musiques, tu t’es servi de nouveaux instruments ?
J’avais l’idée de passer plus de temps à composer cet album et voulais m’éloigner de la production lo-fi du passé. Je voulais actualiser ma musique. Je me suis entouré de plus d’équipements, soit que j’ai bidouillés moi-même soit que j’ai récupérés, comme un Chandler Mini Mixer [une console analogique / NdlR] ou des mixers qu’ils utilisent pour les singles de Beyonce pour me forcer à sonner plus shiny, plus brillant. Mais j’ai gardé certaines habitudes comme mon magnétocassette et certains effets. Dans un sens, je le voulais supérieur techniquement au précédent disque.
Unknown Mortal Orchestra – Multi-Love
Comment peut-on renouveler la musique psychée, ce genre cinquantenaire ?
En fait, beaucoup de choses n’ont pas évolué socialement aux Etats-Unis. Depuis l’album There’s a Riot Goin’ On de Sly and the Family Stone [sorti en 1971 chez Epic Records / NdlR], presque rien. J’ai toujours considéré cet album comme étant ancré dans le passé. Et je me suis ensuite dit : ‘quelle époque merveilleuse !’ Où le message était simplement le plaisir de vivre ensemble. A cette époque, ça n’était pas évident, voire radical. Ça paraît si cliché aujourd’hui. Bizarrement, le seul disque qui m’a fait me sentir mieux dernièrement était celui-ci. Les paroles de Sly Stone sont toujours aussi pertinentes. Je m’en suis rendu compte avec le mouvement à Ferguson qu’elles étaient toujours actuelles, comme celles de Stevie Wonder. Par chance, je me sens moins déconnecté du monde qu’avant. Mais l’idée que les choses aient changé entre les années 60 et aujourd’hui est une illusion. C’est même devenu pire.
A quel niveau penses-tu que les choses aient empiré dernièrement ? Tu parles de la société américaine ?
C’est pire parce qu’on prétend que ça va mieux. La situation des Afro-Américains n’a pas vraiment changé. Le fait est qu’on a voté pour un Président noir qui nous a donné beaucoup d’espoir. Ce qui rend les choses encore pires qu’avant. Ça nous a dévastés. Bien sûr, les choses sont différentes et c’est bon de savoir que l’Amérique est capable de voter pour un Président noir, mais c’est horrible de voir qu’il n’a aucune emprise sur l’amélioration des droits de son peuple.
Comment garder espoir ou en donner quand même un Président noir ne peut pas aider les Noirs en Amérique ?
Notre boulot n’est pas de trouver des solutions. Notre boulot est de garder nos convictions et notre sensibilité vivantes. De continuer à romantiser la vie, de porter une idée de l’amour et de la liberté. Et de préserver ces idées. Mon boulot n’est pas de faire de la politique mais de créer des idées libertines.
Est-ce que la notion du succès a encore un sens en 2015 ?
Personnellement, je ne sais pas, je m’y sens étranger. Je n’aime pas non plus la notion de fan.
Tu peux me parler du tatouage de l’œil sur ton cou ?
J’ai fait un rêve dans lequel j’avais un œil à cet endroit. Un jour, je marchais dans San Francisco et me suis motivé à rentrer dans un salon de tatouage, comme ça. C’est mon tatouage UMO, en quelque sorte. Je n’ai compris que plus tard que le troisième œil était l’un des sept chakras et représente la communication télépathique, ce qui est fou parce que j’ai toujours été quelqu’un de très réservé. Mais bon, je l’avais mis spontanément. Généralement, je fais les choses. Puis j’y réfléchis.
Tu es superstitieux ?
La musique est ma religion. La spiritualité a de nombreuses formes. Je me rends compte que lorsque je confie à des croyants les émotions que je ressens à faire de la musique, ils me comprennent assez rapidement. Mais je n’aime pas les dogmes et ne fais pas confiance les gens qui dictent aux autres comment vivre leur spiritualité.
Unknown Mortal Orchestra –
Can’t Keep Checking My Phone
© JagJaguwar
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