MENU
En lecture PARTAGER L'ARTICLE

Un voyage immobile aux Suds à Arles

C’est un bouclier. Une arme singulière avec laquelle se défendre. Se battre sans être belliqueux en rappelant que le cœur est un muscle. Le mien a battu – fort – dans les rues d’Arles et ses alcôves de pierres transpirantes d’Histoire aux Suds à Arles. La ville antique, écrasée par un astre que nul ne saurait ignorer, accueillait en son festival près de 40 000 curieux·ses, l’espace d’une semaine, à l’ombre de son éphémère bouclier. Protégé de l’embrasement, de l’entre-soi, du repli et du silence, le festival combat de sa 27ème manœuvre, sans donner coup, sinon des coups de cœur, forcément. Au son des derboukas, des synthés, de voix exceptionnelles ou d’accordéon, ces Suds-là ont de quoi affoler les boussoles. Hagard devant la programmation « carte du monde » où cohabitent Algérie, Grèce, Caucase et Corée, je suis allé perdre un peu le nord pour ces Suds.

Si je m’éloigne rarement autant du « phare ouest », la présence du 11 au 17 juillet d’artistes familiers comme Praktika, Emel et bien d’autres rappellera aux plus assidu·e·s que je ne débarque pas en terre inconnue. Ajoutez des partenaires comme Mediapart ou S.O.S Méditerranée, je le confirme : « Vous n’êtes pas là par hasard ».

Arles. Quelqu’un a-t-il seulement prévenu le ministère de l’ordre que des saltimbanques bariolé·e·s se rassemblaient ici chaque été et pour qui les crises ne sont pas des opportunités économiques, ni le métissage une effroyable substitution ?

Les Suds. Difficile – toujours plus – de parer les assauts d’un été que le feu dévore, où la guerre empêche les artistes de circuler et où d’autres discours, plus sourds, asphyxient nos vœux de partage et de fraternité. Sacré climat. Je ne me laisse pas abattre. J’avance, en formation pour un pas de bourrée au bal folk. Je m’envole, suspendu à la voix de la Tunisienne Emel Mathlouthi. Je vibre avec une Algérie qui fête les 60 ans de son indépendance. J’oscille aux rythmes wassoulou d’Afrique de l’Ouest et sue ce qu’il me reste sur la sélecta du sorcier Martin Meissonier.

EmelMathlouthi015 © Stéphane Barbier

Emel Mathlouthi © Stéphane Barbier

REPORT OumouSangaré016 © Stéphane Barbier

Oumou Sangaré © Stéphane Barbier

Retrouvez très prochainement nos focus sur Oumou Sangaré, Emel Mathlouthi et Le Mange Bal.

Aussi complet que fut mon week-end au bord du Rhône, cette semaine de rencontres avait naturellement bien plus à proposer. Pas le temps de niaiser : avec son arsenal défensif de 80 concerts (Marìa Terremoto, André Manoukian, Bernard Lavilliers, Rodrigo Cuevas…), des projections, des ateliers, des apéros, ou sa journée buissonnière en Camargue au bord de la Méditerranée. Dois-je vous décrire la touchante prestation de Lemma, dont les chants traditionnels du sud de l’Algérie n’auraient pas imaginé faire le tour du monde, sans le travail de collectage de sa chanteuse Souad Asla. Dois-je remercier l’heureuse infortune du concert d’Acid Arab, déplacé au Théâtre Antique pour cause de forte chaleur et transformant un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco en club open air, pour un live électro-oriental accompagné du chant de Sofiane Saidi. Non. À l’avenir, je veillerai plutôt à réserver ma semaine pour profiter pleinement du voyage immobile que sont les Suds à Arles. Un voyage où se fondent au cagnard les cultures d’ici et celles d’ailleurs. Un festival qui défend le patrimoine immatériel des régions du monde, dont la valeur d’usage primera toujours sur la valeur marchande.

REPORT Lemma001 © Stéphane Barbier

Lemma © Stéphane Barbier

SofianeSaidi003_©_Stephane_Barbier

Sofiane Saidi © Stephane Barbier

Alors, si d’aventure l’envie vous dit à vous aussi de bouder les défilés militaires et leur sentiment national et de remettre à sa place l’art de défendre sa culture sans détruire celles des autres, armez-vous de votre plus beau bouclier coloré et venez ici vous enjailler. Bien que ce bouclier-là ne soit pas de Brennus, j’emprunterai volontiers la devise de l’ovalie arlésienne : « Celui qui combat peut perdre mais celui qui ne combat pas a déjà perdu ». Aux Suds on y danse, on s’y parle, on s’y découvre, on s’y protège, une séance de muscu bienvenue pour les corps et les cœurs.

 

Theatre_Antique_©_Florent-Gardin-008

Théâtre Antique © Florent Gardin

Stage_DanseSoufie005_©_Stephane_Barbier

Stage Danse Soufie © Stephane Barbier

Apéro Découvertes © Florent-Gardin-138

Apéro Découvertes © Florent Gardin

Photo en une : Stage Danse africaine © Stéphane Barbier

Partager cet article
0 commentaire

0 commentaire

Soyez le premier à commenter cet article
Chargement...
Votre commentaire est en cours de modération
Merci
Une erreur est survenue lors de l'envoi de votre commentaire
Sourdoreille : la playlist ultime
Toutes les playlists

0:00
0:00
REVENIR
EN HAUT