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Ulrika Spacek sur la corde raide

A l’heure d’internet et de l’uniformisation des programmations, d’irréductibles festivals souhaitent continuer à faire la part belle aux découvertes. C’est le cas de la Route du Rock qui a contribué à mettre en lumière les cinq Anglais d’Ulrika Spacek, après la sortie en février de leur album « The Album Paranoia ».

Faire une belle découverte en festival relève d’une alchimie délicate. Il ne suffit pas que le groupe soit bon, il faut aussi que le contexte s’y prête et que le public, dont l’individu découvreur, soit réceptif à la musique proposée.

La délicatesse de cette alchimie se démontrait clairement un samedi 13 août, dans le fort de Saint-Père lors de l’édition 2016 de la Route du Rock. Arrivé par hasard en avance dans l’optique de voir LUH (Lost Under Heaven, le nouveau projet du chanteur de Wu Lyf), il y avait pour patienter un groupe de cinq mecs habillés comme s’ils étaient en répé (à moins que le vieux short ou jogging Nike qu’on portait en EPS soit la prochaine tendance) au nom mystérieux, voire inconnu : Ulrika Spacek. Mais pendant 20 minutes, le charme s’opéra face à ce groupe qu’on peut qualifier de rock psyché mais qui pour créer une atmosphère envoûtante propre à ce style préfère utiliser la répétition et le jeu de nuances plutôt que la multitude de nappes sonores, la dissonance et la complexification d’un thème musical.

L’écoute de l’album permet de vérifier ce qui a été aperçu pendant 20 minutes sur scène. Un seul morceau, le premier de l’album (« I Don’t Know ») est très marqué psyché avec cette profusion de nappes brouillonnes et éthérées. Mais dès « Porcelain », on remarque cet équilibre délicat propre au groupe avec ce riff pop très basique et répété sans fin, cette rythmique binaire entêtante et une voix vaporeuse dont on ne comprend pas un traître mot. Ces différents ingrédients mis bout à bout arrivent à créer une tension latente et fragile dont la source est difficile à déterminer.

Cet équilibre délicat se retrouve également dans des morceaux comme «Strawberry Glue», «Beta Male», «NK», ou «She’s A Cult» où les parties rock, parfois avec un son très gras, sont contrebalancées avec la légèreté de la voix, du riff, d’un pont venant en rupture pour donner une impression de luminosité, mais également de tension car les morceaux n’explosent jamais franchement. Le groupe emporte l’auditeur tout du long sans lâcher réellement sa prise, juste en la desserrant quelque peu pour ne pas l’asphyxier.

En quelque sorte, Ulrika Spacek, c’est un groupe de rock psyché qui n’a pas voulu faire un album de genre mais un album psyché avec des sonorités multiples. On retrouve du Black Sabbath, du fuzz, du Sparklehorse (spécialement dans « She’s a Cult »), du shoegaze et du Radiohead comme dans cette jolie ballade de 2 minutes concluant l’album. Une seconde ballade de 2 minutes, « Circa 1954 », qui est encore plus belle et malgré sa durée réduite, raconte beaucoup de choses. On est loin des standards du rock psyché et des morceaux dépassant aisément les 10 minutes pour vouloir créer la relève du « Echoes » de Pink Floyd.

En somme, ce qu’a bien compris Ulrika Spacek, c’est que le propre du rock psyché, c’est de transposer un songe aux multiples lectures, un voyage apprécié de différentes manières selon l’état d’esprit du voyageur. Dans une petite salle, la musique d’Ulrika Spacek pourra faire ressortir ses côtés sombres et angoissées, mais en cette fin d’après-midi bretonne, les spectateurs quelque peu hébétés par le soleil et les bains de mer se sont laissés entraîner doucement mais fermement par la musique. Et l’alchimie s’est créée. Trop rentre-dedans pour passer à 19h à la Route du Rock, le concert de LUH ne peut malheureusement pas en dire autant. Comme quoi, les découvertes se font souvent par hasard et c’est pour ça qu’elles sont d’autant plus belles.

The Album Paranoia s’écoute en entier ici

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