Plus de 1000 km séparent la capitale tanzanienne de son homologue ougandaise. Rajoutez-en 10 (000) pour atteindre Paris en faisant un petit crochet par le Nigeria : bravo, vous avez réuni les quatre membres de Twende Pamoja. Enfants terribles d’une scène hybride faite d’instrumentation moderne et de singeli — cette musique ultra rapide qui met l’Afrique de l’Est en ébullition depuis quelques années — le quatuor pluridisciplinaire s’applique à dégommer les foules avec leur live explosif. Depuis la sortie de leur seul single en 2023 et un passage aux Transmusicales de Rennes, Twende Pamoja ponce les scènes d’Europe et d’Afrique pour un programme tout en twerk et tachycardie, un tachytwerk, en somme, auquel le festival des Suds à Arles nous a initié·es.
Depuis 10 ans, le violoniste français Théo Ceccaldi multiplie les projets à l’image du trio Kutu qu’il formait en 2022 avec deux artistes éthiopiennes. Très prolifique, ce petit prodige du jazz (révélation instrumentale en 2017 aux victoires du jazz) partage ces derniers temps la scène avec le producteur de musique électronique, danseur et chorégraphe ougandais Faizal Mostrixx, la rappeuse nigériane Aunty Rayzor et la chanteuse tanzanienne de singeli Kadilida. Armés de micros, violon, machines et coups de bassins tout en finesse, Twende Pamoja donne tout. Entre envolées à l’archer pleines d’effets, booty shake, et flow rappé bien nasty, accrochez votre ceinture, vous n’êtes pas prêt·es.
Vous n’habitez pas la porte à côté les un·es des autres, comment vous êtes-vous rencontré·es ?
Théo : J’étais en Éthiopie pour un projet et Faizal était en résidence à l’Alliance Française. Un soir, après une répet, on s’est retrouvés à jammer ensemble. Il m’a enregistré au violon et on a commencé à faire des boucles et des bouts de morceaux. Quelques mois plus tard, Faizal a débarqué en France et je l’ai rappelé pour qu’on collabore. On voulait rajouter une MC et du Rap à notre musique et, en allant au Nyege Nyege Festival qui était à Paris l’an dernier et où Faizal était programmé, on a découvert Kadilida et Aunty Rayzor. Le groupe est né comme ça naturellement.
Twende Pamoja veux dire : allons-y ensemble c’est bien ça ?
Aunty : Oui allons danser ensemble ! Faisons plein de concerts.
Théo : Soyons ensemble aussi, vivons ensemble, avec nos différentes cultures, nos différents pays d’origine. Mélangeons nos univers et nos vibes pour voir ce que ça donne.
Musique classique, danse, électro, rap, singeli, vous venez tous les quatre de différents courants musicaux et pratiques artistiques, est-ce que vous vous fixez des règles ou des limites pour construire le son de Twende Pamoja ?
Aunty : Non vraiment pas. On pose une instru et chacun est libre de faire ce qui lui plaît dessus pour chanter et jouer et on s’assure que ça rende bien.
Faizal : On se nourrit les uns des autres c’est sûr. Poser des règles et une structure serait trop rigide pour nous, justement parce qu’on vient de disciplines très différentes. On compose donc vraiment librement et nos résidences sont comme des grosses jams qu’on s’efforce après de couper et d’épurer.
Aunty : Une fois, on a improvisé un rap dans notre chambre d’hôtel avec Kadilida, on l’a mis sur Tik Tok et quand Théo a vu ça il nous a dit : “les filles, j’adore, il faut en faire un morceau”.
Théo : Kadilida improvise tout le temps en singeli, cette musique qui emprunte à la tradition musicale tanzanienne tout en la modernisant, Faizal et moi on ajoute des solos et une rythmique chaque fois différents et Aunty rappe merveilleusement sur tout ça donc, au final, chaque concert est unique. Ça dépend aussi beaucoup de la foule, il faut voir les filles descendre pour danser avec le public.
Vous n’avez pour le moment sorti que le titre Whats my name ?, un album est-il en préparation ?
Théo : Bien sûr absolument.
Aunty : C’est évident mais ça prend beaucoup de temps et d’énergie d’avoir un groupe dans lequel chacun des membres habite si loin. Rendre ça possible demande beaucoup de travail. Notre dernière résidence était en Tanzanie, dans la ville de Kadilida. La prochaine fois on ira au Nigeria, en Ouganda, en Angleterre, ce n’est pas banal comme planning.
Faizal : On a chacun nos projets solos et donc quand on se retrouve il nous faut minimum quatre jours à chaque fois pour nous remettre sur la même longueur d’onde. J’aime l’idée qu’on fasse déjà toutes ces dates alors que nous n’avons sorti qu’un seul single, en attendant de sortir l’album, c’est vraiment gratifiant de rencontrer tant de public avec chacun leur propre résonance.
Justement, vous avez joué déjà dans beaucoup d’endroits très différents, est-ce qu’il y a une scène qui vous ferait envie plus qu’une autre ?
Faizal : On a déjà fait beaucoup de super dates, on est très contents d’être ici à Arles. Je ne sais pas trop pour après mais je peux dire que les Trans Musicales (en 2023) c’était vraiment quelque chose ! Là je me suis dit : “Maman, on l’a fait”
Porté en Europe par la caution Théo Ceccaldi, dont les récompenses offrent une certaine assise, Twende Pamoja brille aussi par la puissance scénique de ses deux chanteuses Aunty et “Kadi”, et par l’afro futurisme sous speed de Faizal derrière ses machines. Un singulier singeli qui embarque vite le public probablement plus sage et pâlot qu’à l’accoutumée et que le groupe a pour mission de retourner ce soir-là, dans la poussière de la cour de l’archevêché. Mission accomplie, on attend donc l’album, en se disant que, quand même, ça ne rendra pas pareil dans notre salon, même en poussant la table basse.
Retrouvez Twende Pamoja le 11 octobre à la Fiesta des Suds à Marseille.
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