Adrien Utchanah est le directeur artistique du collectif OTTOBiS (ex-OTTO 10), l’un des plus puissants vecteurs de liberté, de bienveillance, de respect et de jeu, dans les contextes de nuit en région parisienne lors des années 2010. Après avoir foulé ses fêtes, Sourdoreille lui ouvre ses guillemets, le temps d’un rêve.
Moi je rêve d’un club qui aurait reniflé l’air du temps.
Un club qui a compris que, aujourd’hui plus qu’à n’importe quelle époque, il faut créer du lien, et pas seulement par la musique. Un club qui a compris que pour le bien de notre société il faut favoriser le lâcher-prise de son public, et par autre chose que la drogue.
Je rêve d’un club qui a compris qu’il faut réinjecter de la joie, du jeu, du sens dans la nuit. Je rêve d’un club qui endosse le rôle de soupape de décompression de cette société archi-violente dans laquelle on est compressé tous les jours.
Un club d’utilité publique qui servirait à s’extraire de la morosité ambiante le temps d’une nuit.
Je rêve d’un club où on ne vient pas se montrer à l’autre mais s’ouvrir à l’autre. Je me dis qu’il y a des tonnes de choses à faire pour aller dans ce sens. Commencer par bannir les carrés VIP, bannir la politique de prix qui segmente les populations. Et puis pacifier les rapports humains, désamorcer les rapports de force. Je rêve d’un club où les agents de sécu devraient suivre un stage de respect et de bienveillance pour décrocher leur poste.
Imagine, on te dit qu’il y a un nouveau club qui a ouvert après toute cette merde de covid et t’arrives dans le lieu, tu sens que c’est différent, tu le sens dans la mentalité du mec du vestiaire, dans le sourire authentique de la barmaid, dans les couleurs de peau des gens… Tu sens que la Porte a été briefée pour favoriser une mixité sociale, tu sens que tu vas plonger dans un bouillon de culture, tu croises un trav’, un mec de cité, une cougar, une grande folle, une banquière, un punk, un vieux riche, une étudiante pauvre, et tout ça dans un joyeux bordel, et tout ça fait la fête ensemble, et tout ça c’est flamboyant et c’est porté par un vent de liberté de malade.
C’est un club comme ça dont je rêve pour le monde d’après moi, un club avec des happenings, du spectacle, avec une programmation musicale à la fois pointue, foisonnante et surprenante. Et je sais que c’est pas tant une utopie que ça, je le sais parce que ça a déjà existé à Paris, ça a existé au Palace, ça a existé à la Follow Me…
Voilà moi, je rêve d’un lieu où t’as cette sensation que les humains qui ont pensé ce lieu, à la base ils l’ont pensé pour faire kiffer d’autres humains, pas pour faire un maximum de biz.
Mais pour que ça, ça marche, il faut aussi que le public s’éduque et arrête d’être individualiste, qu’il arrête de se comporter comme un cochon de consommateur de ses soirées, qu’il respecte le travail qu’on fait pour qu’il puisse se détendre et s’amuser.
Après je me dis que c’est des efforts à faire dans les deux sens tout ça, que si on arrête de considérer le client comme une vache à lait, il arrêtera peut-être de se comporter comme un cochon.
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