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Tim Hecker : la transe polyphonique, c’est chic

Ariel Pink, Grimes, Beirut, The National… mais que fout Tim Hecker et sa musique expérimentale sur 4AD, un label d’indie pop ? Son rôle est peut-être le suivant : avec Love Streams, son dernier album sorti le 08 avril 2016, le missionnaire est parti convertir les profanes et les popeux. Sans condescendance aucune, il s’est armé des polyphonies du XVème siècle comme certains citent Gainsbourg pour réussir une oeuvre où le suggestif est roi.

Si la musique expérimentale actuelle devait avoir ses rock stars, sûr que Tim Hecker serait pressenti aux côtés, bien entendu, de l’Américain Oneohtrix Point Never et de l’Australien Ben Frost avec qui il partage les mêmes rêves bizarres. Le Canadien en est à son huitième album et en connaît un rayon sur le son. Titulaire d’un doctorat et enseignant en sound design, il est à l’origine d’une palanquée de morceaux plus sublimes les uns que les autres. Son album Ravedeath, 1972 sorti en 2011 est un classique du genre. Alors forcément en 2016, les rouages sont roués et la composition de l’album se passe vite et bien, entouré comme il se doit par l’équipe installée de sa nouvelle maison 4AD.

Dans son nouveau disque Love Streams, il a bossé avec Jóhann Jóhannsson et l’Icelandic Choir Ensemble. L’idée : s’inspirer de polyphonies du XVème siècle et atteindre l’Olympe sans aucune prière. De cette culture médiévale, il n’en connaît strictement rien : « je ne suis pas du tout un expert, je suis un dillettante et je ne l’ai pas étudié. Je suis super curieux mais pas comme un académicien. Et à vrai dire, je n’ai pas envie de tout savoir sur l’histoire de la polyphonie du XVème siècle parce que ‘quel est l’intérêt ?’ J’aime me créer mon propre monde de fiction qui est plus intéressant que la vérité. »

Les chœurs transcendantaux enveloppent des paysages pourpres, comme une obsession pour un Prince pas encore mort pendant la composition de l’album (spoiler). Un étalonnage déjà perçu avec son album Harmony in Ultraviolet sorti dix ans plus tôt (2016 – 2006 = 10). Le roi des complexités et des nuances précise : « je dirais plus lavande que violet. Je ne sais pas d’où vient cette attirance. C’est instinctif, j’y reviens souvent. »

Sa musique évoque toujours un peu plus les vents froids de l’Islande que les atmosphères arides. Pourtant, le sud et ses rites de passage l’interrogent tout autant. Mais foi de Hecker, il n’en est rien d’un caractère prétendument « géographique » de sa musique, ni en termes de mélodies et de textures. Tim Hecker est partout parce que la curiosité et l’initiative n’ont pas de température.

« Sans contrainte, tu es perdu. Il faut être limité. Mes contraintes ont été de bosser avec un nombre limité de machines, d’instruments et d’outils. » L’art est humain, l’humain est limité. Sa contrainte est donc sa limite, son outil principal de création.

« -Ta musique est souvent comparée à un rituel. Tu n’as rien de religieux ?

-Non, je ne le suis pas. Je me définirais comme agnostique. »

Les champs lexicaux qui reviennent le plus souvent dans la musique du chercheur sont la religion, la transe, la contemplation. Si l’éducation du jeune Tim n’était pas dépourvue de son ballet de marches, de cérémonies et de questionnements sur la religion, c’est via la musique et mieux encore l’expérience de déconnexion, l’impression de transcendance et de plénitude qu’il rassasiera son besoin humain de croyance.

Tim Hecker est un enfin un artiste au bonnet pointu qui n’a jamais pensé composer de la musique populaire : « c’est pas vraiment prémédité. Tu demanderais à un peintre s’il avait déjà pensé à faire des maths ? Tu fais juste ce que tu fais. Je ne sais pas vraiment ce qui se trame autour, j’esssaye même des fois de faire l’opposé. J’aime avoir l’impression de faire quelque chose qui n’a jamais été fait avant. »

Crédit photo : Emily Berl pour The Guardian
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