Après l’annonce fracassante d’une pause du groupe, John Dwyer et ses acolytes ont remis le couvert pour de nouvelles expérimentations. Des guitares psychédéliques, beaucoup de reverb et du fuzz… Oui, mais pas que. Avec « Drop », Thee Oh Sees signe en urgence l’album le plus convaincant de sa longue carrière. Bain de sang sur fond de pâquerettes, retour sur un album tout en contrastes.
A l’image du groupe américain, « Drop » est un véritable foutoir des multiples influences nourrissant l’imagination du leader. Il est aussi né dans le merveilleux laboratoire où s’exprime l’ingéniosité d’un grand bonhomme dont on ne cesse d’entendre parler, que ce soit à travers Coachwhips ou à travers son propre label Castel Face. Le dernier né de la longue lignée de disques accouchés par John Dwyer pour Thee Oh Sees est un condensé du meilleur de chacun d’eux. Une naissance rendue difficile après l’exil du patron à Los Angeles, qui a laissé planer le doute chez son bataillon et ses fans, restés orphelins à San Francisco. A la fois bourrins et tapageurs, les Oh Sees savent envoyer des mélodies tranchantes de finesse. Difficile alors de rester insensible à ces morceaux entêtants et à la voix enivrante du maître du punk expérimental.
Après une introduction en trompe-l’œil, Penetrating Eye, premier morceau de l’album, renverse tout par ses riffs assassins et son ultra violence. Sauvage et furtif, « Drop » se dote habilement d’une grâce et d’une sensualité à faire tomber le plus grincheux de tous tes copains. Pour les convaincre davantage, tu peux même leur dire que Mikal Cronin et le gourou du punk Chris Woodhouse sont aussi de la partie sur quelques titres. Toujours dans l’esprit meurtrier, Savage Victory débarque avec des synthés qui rappellent la musique des vieux péplums. D’un tempo inhabituellement lent pour le band, le titre n’est cependant pas sujet à la lourdeur, au contraire, il fait figure de cassure dans le disque. Mais jamais loin, les guitares surf reviennent à la charge. À la sauce (piquante) Oh Sees.
Ce qui surprend néanmoins c’est le tournant pop que ces gars prennent avec la chanson Put Some Reverb On My Brother par exemple. Les titres aux mélodies plus universelles fonctionnent, mais perdent parfois en originalité. Les Californiens pourront certainement conquérir un public plus large, mais pas sûr que les puristes du genre adhèrent à un son qui s’est assagît. King’s nose est toutefois un bel ambassadeur de ce changement. Avec ses parties de synthés, il domine tout en mélancolie l’ensemble de l’album. L’homme le plus prolifique de la scène garage ne cesse d’explorer de nouveaux arrangements, poussant la barre toujours un peu plus haute. Ne boudant pas leurs origines musicales, Transparent World et ses basses massives gracieusement emmenées par Petey Dammit permettent la cohérence avec Carrion Crawler qui avait marqué au fer rouge l’identité garage psyché aux accents punk du groupe. S’ils excellent dans ce genre, la nouvelle pop de la formation est finalement magnifiée par la douce ballade The Lens, rappelant le psychédélisme des sixties et clôturant le disque de façon plutôt inattendue.
Album en écoute intégrale
Varié mais cohérent, percutant et déroutant, le 10ème album (sous ce pseudo) des Thee Oh Sees, c’est finalement 32 minutes d’impulsivité contrôlée, pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Réputés très énervés en live, vous pourrez les retrouver au cours de leur tournée en août, à la Route du Rock pour une messe inoubliable.
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