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The Staves, la beauté des bleus à l’âme

Janvier 2021. Chape de plomb sur l’Europe. Culture et musique en berne. Comme un rayon de soleil perçant l’épais brouillard londonien, Good Woman, le nouvel album de The Staves, vient réchauffer les cœurs glacés et réparer les âmes socialement distancées.

C’est que les sœurs Staveley-Taylor, Emily, Jessica et Camilla (dans l’ordre de naissance), savent entremêler leurs magnifiques voix comme peu d’humains sur cette planète. Blood harmonies : Everly Brothers, Carter Family, Staple Singers… C’est ainsi que l’on nomme ces harmonies vocales à la saveur si particulières chantées par des fratries ou sorories. Dans le cas des Staves, tout remonte à l’enfance. « Nous n’avons jamais vraiment appris à chanter en harmonie, explique Jessica. On entendait notre mère le faire sur la radio ou quand mon père jouait de la guitare, c’est entré dans notre système ».

Années d’apprentissage

Alors que Camilla est encore adolescente, les sœurs Staveley-Taylor écument les open mics de Watford, leur ville natale, et se lient d’amitié avec les musiciens locaux. Leurs voix suaves et leur talent à harmoniser les amènent bientôt à être recrutées pour assurer les chœurs sur une tournée de Tom Jones. Puis à être signées sur une major qui, en pleine vague Mumford & Sons, cherche alors des artistes folk bankables. « Nous avons grandi avec Simon & Garfunkel, les Beatles ou Crosby Still & Nash à la maison, toute cette pop des années 1960 et 1970. » commente Camilla. Les chansons subtiles fleurant bon l’americana de leur premier album Dead & Born & Grown, produit par Glyn Johns, le mythique producteur des Stones, et son fils Ethan, mais aussi la beauté photogénique des trois sœurs les amènent à s’imposer rapidement comme une sensation dans le monde entier.

Prise de risques

Mais plutôt que de creuser le même sillon et de jouer les filles trop sages à l’Instagram parfait, les sœurs Staves prennent la tangente. Pour enregistrer leur deuxième album, elles s’enferment avec Justin Vernon, a.k.a. Bon Iver, dans son studio au fin fond du Wisconsin. A l’abri des regards, elles produisent un disque magnifique, ambitieux, varié et surtout rempli d’excellentes chansons : de l’épique « The Blood I Bled » qui fleure bon le british folk passé à la sauce Jeff Buckley, au rock’n’roll roots de « Black & White » et « Teeth White » en passant par la ballade sensuelle en apesanteur « Make It Holy » ou la quasi renaissance « No Me No You No More ». Le contraste entre la voix velouté de Jessica et celle plus acrobatique de Camilla fait merveille. Les sœurs s’embarquent ensuite pour un nouveau voyage inattendu, vers New York cette fois-ci. Elles y signent une collaboration passionnante avec l’ensemble de musique contemporaine yMusic et donnent naissance à The Way Is Read, album expérimental délicieusement romantique aux cordes qui donnent le tournis.

Rebond

Arrive Good Woman, petit dernier de la famille. « Nous avons commencé à travailler sur ces chansons dès 2017, nous avons enregistré beaucoup de chansons par nous-mêmes, se souvient Jessica. Mais nous avons perdu brutalement notre mère il y a 2 ans et, après cette épreuve, il était compliqué pour nous de se remettre à la musique ou de retourner en studio ». Pour sortir de cette passe difficile, elles se tournent alors vers John Congleton, producteur au pedigree impressionnant. « Nous avions besoin d’une oreille fraiche pour donner un nouvel élan à ces chansons, détaille Camila. John, que nous admirions depuis longtemps, nous a apporté cet optimisme et ce regard neuf dont nous avions besoin pour aller de l’avant avec cet album ».

Fleurs toxiques

Le résultat est une très belle réussite. Sous des dehors tendres, ces chansons cachent des épines. Celles d’histoires d’amour qui s’effondrent, qui meurtrissent, qui laissent des traces toxiques (« Devotion », « Waiting On Me To Change », « Satisfied »…). « J’ai appris qu’en musique, le plus important est l’honnêteté, confie Camilla. Et cet album est sans doute le plus direct et le plus intime que nous ayons produit ». Mais les Staves pratiquent aussi à merveille l’art de la catharsis. Alchimiques, le regard des sœurs Staveley-Taylor et leurs superbes voix transforment le plomb en or. Malgré quelques distorsions (« Be Careful Kid »), les mélodies de Good Woman caressent l’oreille comme un songe d’été. Les voix des trois sœurs s’élèvent avec grâce sur des arrangements raffinés pour créer des textures généreuses et enveloppantes à souhait.

Espoir

En adoptant un son plus pop, plus électronique et plus contemporain, les Staves s’ouvrent à de nouveaux horizons. Allant même jusqu’à flirter avec un R’n’B au groove lancinant (« Good Woman »). De quoi redonner un plaisir salvateur à nos âmes abimées au milieu de ce sombre hiver 2021. « C’est bien sûr décevant de ne pas pouvoir tourner et jouer ces morceaux sur scène, regrette Jessica. Mais en même temps, je crois que les gens n’ont jamais eu autant besoin de musique. Prendre un moment, écouter un disque, ça aide à traverser ces moments difficiles ». Merci pour nous, The Staves.

Photo en une : The Staves © Sequoia Ziff 

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1 commentaire

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Aek 17.03.2021

J’ADORE ce groupe. Je suis heureuse de voir que d’autres en France les aiment aussi.
Hâte de les voir en concert !

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