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The Black Angels, ambassadeurs d’une autre Amérique

Après trois albums en quatre ans, The Black Angels marquaient le pas jusqu’à « Indigo Meadow » sorti en 2013. Le groupe d’Austin semblait montrer les limites de son rock psychédélique et une difficulté à se renouveler. Aujourd’hui, ils remettent tout le monde d’accord avec un album terriblement efficace aux allures d’acte de résistance.

Longtemps disparue des écrans, la musique psychédélique connaît depuis 10 ans un renouveau, plus qu’un simple revival, sans que cela ne s’arrête à des barrières stylistiques ou spatiales. En provenance d’Australie, le psyché s’est fait très pop avec Tame Impala ou Pond, ou plus garage avec King Gizzard & The Jesus Lizzard (ce dernier pouvant être rapproché des Californiens de Ty Segall ou de Thee Oh Sees). Pendant ce temps-là, le Hollandais Jacco Gardner s’est inscrit dans une veine similaire à celle des très anglais Temples, les Français de La Femme ont vogué dans un univers très psyché tout en étant une des références du rock français actuel, tandis qu’outre-Rhin, la musique psyché s’est retrouvée dans le stoner de Kadavar ou Colour Haze. Parmi cette nouvelle scène hétéroclite, on retrouve les Américains de The Black Angels.

À vrai dire, qualifier The Black Angels de groupe américain peut sembler très réducteur, tout comme la dénomination de « groupe texan ». En revanche, dire qu’ils viennent d’Austin peut quasiment suffire à définir leur identité. Austin, c’est une enclave libérale et progressiste dans un des États les plus conservateurs des États-Unis, une ville qui est depuis longtemps un haut-lieu de la contre-culture aux Etats-Unis, avec une scène musicale forte, bien avant que le festival SXSW devienne un des événements les plus hype et les plus cool du monde. Les salles de concerts sont tellement nombreuses que la ville s’est vue affubler du surnom « Live Music Capital of The World » et la liste des artistes intéressants qui en ont émergé depuis des décennies est longue comme le bras. Parmi cette liste, on pourrait citer 13th Floor Elevators, précurseur du rock psychédélique des 60s dont le leader Roky Erickson joue encore en live, malgré une schizophrénie causée par les abus de produits chimiques. C’est bien ce groupe qu’il faut voir comme les pères spirituels de The Black Angels, même si leur nom, leur logo et le titre de leur dernier album font référence au Velvet Underground.

Certes, depuis les années 60, le contexte a changé mais les problèmes demeurent : toute-puissance de la société de consommation, droits des minorités toujours bafoués, invisibilisés et margnialisés, peur du bon WASP à l’égard de tout ce qui est différant. Loin de l’image idéalisée du flower power, le rock psyché de 13th Floor Elevators, comme celui des Black Angels comporte de la noirceur, de la solitude mais également un sens du combat et de l’affirmation. Cette musique, c’est un peu le prolongement musical d’Easy Rider, ce film culte de 1969.

En ce sens, dans Death Song, « Currency » donne le ton d’entrée avec une chanson rentre-dedans, aussi bien dans les textes que dans la musique, qui sont liés à merveille. Les couplets sont lourds, la voix d’Alex Maas angoissée mais le refrain est direct, le riff ravageur semble tirer la sonnette d’alarme pour se reprendre en main et cesser de croire à ce mantra sur la toute-puissance de l’argent (« Print and print the money that you spend / Spend and spend the money that you print then »).

Ce lien fort entre le thème de la chanson et la musique se retrouve également dans « Comanche Moon », chanson sur la condition de ces Indiens d’Amérique du Nord qui se termine comme une chevauchée folle. Ou bien encore dans le magnifique « Half Believing » traitant du fait de se mentir à soi-même face à un amour impossible. La voix désabusée posée sur quelques notes de guitare durant le couplet laisse place à un refrain torturé, amplifié par un riff et une rythmique lourde, et des claviers oppressants. Cette production hyper travaillée est sans conteste une réussite dans leurs parcours.

Après trois albums très bons mais très homogènes, avec beaucoup de reverb’ dans la voix, des chansons construites sur des nappes de son tortueux, le 4ème album Indigo Meadow marquait un virage pop décevant, le rendu étant beaucoup trop lisse. Avec Death Song, la tonalité pop se retrouve par le sens de la mélodie, la construction des morceaux et des riff accrocheurs, des paroles réellement interprétées et non simplement posées et des rythmiques dansantes comme dans « Hunt Me Down » ou « Medicine » grâce notamment à leur batteuse toujours aussi impressionnante. Les Texans ont même l’audace de conclure l’album avec un clin d’œil plus qu’appuyé au « Space Oddity » de Bowie, monument de la musique pop. Audacieux mais parfaitement réussi.

Néanmoins, The Black Angels demeure un groupe de rock psyché. Les claviers, la reverb’ sur la voix et le fuzz sont toujours présent, la rythmique reste très charpentée et les influences manifestes du heavy metal et du stoner parsèment l’album. En témoigne « I Dreamt » ou « Death March », petit bijou de psychédélisme poisseux et sombre.

Au final, les anges noirs nous sortent une machine à tubes de rock psyché alors qu’auparavant, peu de chansons sortaient réellement du lot (à part peut-être « Young Men Dead » sur Passover, leur premier album). Certes, cet album n’est pas une révolution mais il montre que The Black Angels sont d’excellents ambassadeurs de leur ville et un pont entre la vieille génération du rock psyché et la nouvelle. Quoi de mieux pour un groupe qui n’a jamais eu la prétention de remplir des stades ou vendre des millions d’albums ?

L’album s’écoute en entier ici

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