Toronto : ce n’est pas forcément la première ville à laquelle on pense quand on parle de R’n’B et de soul. Pourtant, c’est de là qu’est originaire Tanika Charles, l’une des nouvelles voix à suivre pour qui cherche de la soul de 2017.
Si on entend parfois parler d’un revival soul depuis le milieu des années 2000, on a quand même du mal à croire que la pop ne lui a pas fait oublier ses racines. Depuis l’ère des divas, surmédiatisées et doublées lors de leurs performances live (coucou Mariah Carey), seuls quelques artistes nous rappellent aux sirènes d’une musique née aux Etats-Unis dans les années 60 et qui a enfanté des classiques. Alors bien sûr, vous allez nous dire que Phil Spector ou Berry Gordy ne se sont pas enrichis en faisant des colliers de pâtes et que, à un moment ou à un autre, ils sont quasiment tous tombés dans le bain douillet du commerce. Certes. Mais qui, en 2017, pour reprendre le flambeau des stars de la Motown et de Stax ? Amy Winehouse, Sharon Jones, Charles Bradley : tous ont produit des chansons profondément marquées par une soul des origines, un son clair et une voix forte. S’il y a un point commun à ces artistes, c’est leurs albums qui sont autant de citations d’un passé encore très présent.
Mais cet écosystème si particulier – qu’est la soul résolument tournée vers les gloires passées – n’est composé que d’exceptions, de personnalités marquantes, de trajectoires compliquées. Désormais c’est avec des sons plus sophistiqués, des techniques rythmiques empruntées aux beatmakers et des enregistrements de voix plus modernes que les artistes soul se font connaître : eh ouais, c’est aussi ça le 21ème siècle. Pour écouter la soul qui ne tombe pas dans le mirage du vintage simpliste, on peut se tourner vers Raphael Saadiq, Deva Mahal, et… Tanika Charles.
Ancienne choriste de Mayer Hawthorne et Lauryn Hill, Tanika Charles lance sa carrière solo en 2010 et sort What! What? What!?, un quatre titres déjà teinté d’influences remarquables, mais où son cœur balance entre faire du neuf avec du vieux ou proposer une soul plus contemporaine. Puis, c’est le silence radio. La Canadienne fait ses armes dans l’ombre. Et au printemps 2017, une surprise arrive et elle se nomme Soul Run.
D’abord lancé comme un single à la mer, le premier album de Tanika Charles sort sur l’excellent label italien Record Kicks (qui produit en ce moment un album de Martah High, ancienne choriste de James Brown, en collaboration avec les Japonais d’Osaka, Monaurail) et ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Point de tempo ultra-rapide mais des beats au goût de hip-hop (normal, le single « Soul Run » est produit par Slakah The Beatchild, qui est aussi derrière Drake), une voix parfois accompagnée de chœurs directement inspirés de la pop des années 60, des arrangements et des mélodies très travaillés : Soul Run est dans l’air du temps. Entre ballades de lovers et tubes de 2’30 chrono, l’album de Tanika Charles est un bel exemple de ce que la soul a produit de mieux cette année. Point.
Certes, ce disque ne contentera pas les nostalgiques (amoureux et amoureuses de Martha and The Vandellas, passez votre chemin), mais il a pour lui une tonne de références qui propulse Soul Run en tête du peloton. Un album original et qui s’écoute en boucle, pour sûr. Avec une tournée européenne à suivre, rendez-vous aux Trans Musicales de Rennes cet hiver.
Crédits photo en une : Rodrigo Castro
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