Suuns a le don d’instiller la tension, de créer des sonorités anguleuses, froides à mi-chemin entre electronica et formation de rock classique. La scène du Pitchfork festival, surplombée pour l’occasion de leur nom en lettres géantes, les a accueillis pour un live désincarné et intense. On s’est entretenus avec Ben Shemie, le chanteur et cerveau du groupe. Visiblement très pressé et peu friand d’interviews par mail, il nous a parlé du Berghain, du SXSW et de jazz, en deux temps trois mouvements. Juste assez pour que l’on ne lui en veuille pas trop.
Que vous inspire le chiffre zéro, traduction de « suuns » et de « zeroes » (premier nom du groupe) ?
Ça a commencé en ne voulant rien dire, ce qui en soit veut dire quelque chose, finalement. Ça a toujours été un clin d’œil au minimalisme, dont on s’inspire beaucoup. Lorsque nous avons débuté, nous étions un peu plus punk, un esprit que nous essayons de toujours garder avec nous.
Vous parlez bien français, pourquoi n’écrire qu’en anglais ?
Ce serait embarrassant pour moi, mon français n’est pas terrible. J’ai écrit quelques chansons en français mais il m’est difficile de juger de leur qualité. Ma petite amie est la seule à les avoir lu.
Ça vient d’où cette manière de chanter, la bouche à peine ouverte, les dents serrées ?
Je n’y pense pas vraiment. C’est quelque chose que j’ai laissé venir naturellement. Je ne veux pas y penser pour éviter d’intellectualiser ou de trop réfléchir au processus.
Qu’aimez-vous dans la répétition ?
La tension.
Le minimalisme et la tension dans votre son rappelle la techno. Est-ce que vous aimez cette musique ?
Oui. Vraiment beaucoup. Après avoir passé toute ma jeunesse à écouter du rock and roll et à jouer de la guitare, j’ai progressivement apprécié l’électro et la musique de club. J’ai particulièrement aimé ces musiques et ça a certainement influencé ma manière de composer et de penser la musique.
Comment avez-vous fait pour jouer au Berghain ? Ils n’accueillent pourtant pas beaucoup de groupes de rock.
Je ne sais pas vraiment comment ça s’est fait. Certainement nos agents. C’était mon concert favori cette année-là. J’ai vécu à Berlin il y a dix ans, au moment où le Berghain ouvrait. J’y allais souvent pendant les premiers mois suivant son ouverture, avant que ça ne devienne impossible d’y entrer, du coup, c’était un concert spécial pour moi.
Certains d’entre vous ont étudié le jazz. Avez-vous l’impression de vous en être complètement écartés ou en faites-vous sous une autre forme ?
Je pense qu’il y a de nombreux éléments subtils que l’on tient du jazz. Pas vraiment dans la composition mais plus au niveau de nos prestations scéniques et dans notre manière de parler de musique entre nous. On a un vaste langage musical dont on tire partie. Je pense que la musique jazz nous a permis d’interagir de manière intelligente.
Vous vous exposez beaucoup dans vos chansons et elles sont si sombres, ça ne vous fait pas plonger plus loin dans la dépression de tout le temps être dans cet univers et de vous remémorer votre vulnérabilité ?
Non, c’est cathartique.
J’ai cru comprendre que South By Southwest avait été une mauvaise expérience, pourquoi ?
Tu as déjà été au SXSW ? Si tu y avais déjà été tu comprendrais pourquoi. La dernière fois qu’on y est allés, c’était pas si mal parce qu’on est restés du côté est de la ville et qu’on a bu des mojitos au bar sans essayer de voir aucun des concerts. Dès que tu essaies de faire quoi que ce soit, c’est nul. Je pense qu’il faut juste y aller pour picoler et apprécier le beau temps.
« Nobody can save me now », « music won’t save you » de quel danger parlons nous ici ?
De Dieu.
Pourquoi ce slash entre Hold et Still ?
Pour le style.
Quelle est l’histoire derrière cette femme assise peinte sur la pochette de l’album ?
C’est une de nos amies. Toutes nos pochettes d’albums sont des photos de copines de Montréal.
Avec du recul sur votre carrière, vous regrettez quelque chose ?
Rien.
Photo en une : Nick Helderman
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