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Sur la musique queer des années 70 / 80 (Partie 2) : Disco, house, glam rock & queercore

Lutter pour mettre fin à la bipolarité du genre, lutter pour refaçonner la conception du sexe et de l’identité sexuelle : tel est le combat mené par les artistes depuis le début du XXème siècle. Sont régulièrement mentionnés George Michael, Lady Gaga ou encore Freddy Mercury comme les icônes populaires de cet engagement pour les droits LGBTQ+ dans la musique. Un nombre considérable d’artistes a pourtant largement œuvré à l’évolution de la conscience collective. Du glam-rock au queercore, du disco à la pop en passant par le voguing, un large spectre de courants culturels voit le jour à partir de la fin des années 60. Un seul mot d’ordre : la transgression des idées reçues à travers l’art. Playlist à l’appui. Partie 2 : le disco, la house, le glam rock & le queercore

Vous pouvez retrouver la partie 1 Les origines à cette adresse.

Disco & house

L’époque post-Stonewall permet aux communautés LGBTQ+ de s’exprimer et de s’exposer de manière plus libre aux États-Unis. Les discothèques deviennent pour ces opprimés des lieux incontournables de danse et d’échange. De ces rassemblements émerge dans les années 70 une véritable sous-culture, où l’insouciance et le désir de s’affranchir de tout code, prédomine. Le disco né de cet élan, incarné tout d’abord par les communautés afro-américaine et latino-américaine, (Gloria Gaynor, Donna Summer, Barry White ou Chic) et séduit très vite la communauté gay par sa liberté d’expression. Issue de la soul, du funk, de la pop et de la salsa, ce genre musical s’étend et se démocratise par la suite avec des groupes et chanteurs blancs tels que les Bee Gees, Cerrone ou encore Patrick Hernandez (“Born to Be Alive” en 1979). On retrouve également parmi les célébrissimes groupes de disco les “Village People”, symbole de la culture gay des années 70. Les 6 chanteurs aux costumes culte sont à l’origine de nombreux tubes indémodables, tel que “Go West”, invitation implicite aux communautés homosexuelles à partir s’installer à San Francisco, ville américaine reconnue à cette époque pour son progressisme.

6_Studio 54 (TOD PAPAGEORGE, FROM THE BOOK STUDIO 54 PUBLISHED BY STANLEY_BARKER)

Studio 54

Plus qu’un simple genre, le disco incarne une société qui rejette les codes genrés, musicaux et vestimentaires. À New York naît le Studio 54, discothèque créée en 1977, symbole de la culture underground où le disco sera la principale musique diffusée. C’est aussi et surtout une échappatoire à la réalité, un temple de liberté d’expression et de décadence où la pratique de relations sexuelles et l‘usage de drogues y sont décomplexés, les règles oubliées. Comme dans le milieu du rock, l’androgynie est très représentée dans la musique disco. Grace Jones, mannequin et chanteuse bisexuelle d’origine jamaïcaine, est une figure iconique parmi les artistes LGBTQ+. Ses titres « I Need a Man » (1977) et « Pull Up to the Bumper » (1981) deviennent immédiatement après leurs sorties des airs inévitables de la scène disco. Cette explosion de popularité vers la fin des années 70 provoque une importante vague de haine et de violence de la part de fans de rock et plus généralement ceux qui désapprouvent le mode de vie associé au Disco. Les mouvements anti-disco tel que “Disco-Sucks” semble alors comme la traduction décomplexée d’une homophobie et d’un racisme latent.

Ironiquement, à la même période à Chicago, épicentre des mouvements homophobes, voit le jour l’héritière directe du disco : la house. The Warehouse, discothèque au public majoritairement afro-américain, maison mère de l’électro-house de Chicago, donne son nom au genre. Frankie Knuckles, DJ résident du club, ouvertement gay est considéré comme “le parrain de la house”. Ce dernier est l’un des premiers à mixer et éditer des CDs et bouleverse le monde de la nuit. La ligne de basse et les motifs répétitifs, la voix sensuelle de Jamie Principle sur “Your Love” symbolisent l’essence même de la house de Chicago. Plus électronique, elle séduit une génération tout entière. Knuckles et consorts popularisent ce genre dont la portée originelle se limite alors aux communautés LGBTQ+.

Glam rock & queercore

En parallèle de l’avènement du disco aux Etats-Unis au début des années 70, le rock connaît une phase de déclin douloureuse. Alors que le rock progressif aux structures complexes monopolise l’attention au Royaume-Uni et que les fans apprennent la séparation des Beatles puis la mort de Jim Morisson, une déferlante, aussi violente qu’inattendue éblouit le monde de la musique occidentale : Le glam rock. Tout en paillettes et en talons compensés, le glam est la réponse tonitruante et électrique au besoin d’émancipation de toute une génération qui a grandi dans une Angleterre puritaine. Du glam, et du rock, pour bouleverser l’image figée du masculin et du féminin. The Kinks multiplient en 1970 les passages sur le plateau télé de la BBC, notamment pour interpréter “Lola”, titre controversé qui chante la rencontre et le désir que ressent un jeune homme pour un travesti nommé Lola. Ce tube est très certainement le premier du genre glam, avant même la naissance de ce dernier.

Un an après sur le même plateau, devant l’Angleterre tout entière, avec son groupe T-Rex, Marc Bolan jette le trouble sur la conscience collective en arborant un visage maquillé et pailleté. David Bowie chante plus tard dans “Lady Stardust”, morceau dédié à Bolan : “People stared at the makeup on his face, Laughed at his long black hair, his animal grace”. Déjà connu pour son attrait pour l’androgynie (il pose vêtu d’une robe pour la couverture de “The man who sold the world” en 1970), Bowie quant à lui scandalise le pays tout entier en 1972 en enlaçant en direct sur “Starman” son guitariste. Ce geste peut paraître anodin, mais à cette époque, il fut considéré comme extrêmement provocateur. Le chanteur révèle la même année sa bisexualité, lors d’une interview pour la revue musicale “Melody Maker”. Cela suscitera énormément de réactions de la part de l’opinion publique et certains accuseront la star de simplement vouloir choquer et faire parler d’elle. C’est par ses attitudes et ses dires (“Ladies and gentlemen, and others” aux Grammy Awards en 1975) que Bowie, extrêmement influent, accélère et stimule l’évolution des mentalités. À l’image du glam, le personnage fictif de Bowie, alien transhumaniste et bisexuel du nom de Ziggy Stardust est la démonstration d’une forme de narcissisme assumée du chanteur. Ziggy “fait l’amour à son égo” et est un moyen pour Bowie de s’exprimer à travers une interface et d’une certaine manière de justifier ses faits et gestes relevant parfois de l’ésotérisme. Ses performances scéniques illustrent parfaitement la relation étroite qui existe entre la musique et l’expression d’une identité, aussi choquante soit-elle, même au sein d’un contexte social rigide et tendu.

7_JOBRIATHE (Jobriath on the cover of his self-titled EP (Elektra, 1973)

Jobriath

Au même moment, de l’autre côté de l’Atlantique, un jeune chanteur de glam nommé Jobriath, autoproclamé “Rock truest fairy” revendique son homosexualité et son rejet de la binarité du genre publiquement. Son album avant-gardiste Jobriath, sorti en 1973 est, avec notamment “I’maman”, un véritable bijou d’audace. Trop provocateur pour une Amérique pas assez mûre, le jeune homme échoue à devenir célèbre et atteint du VIH, décède à l’âge de 36 ans dans l’indifférence générale. Pourtant Jobriath est aujourd’hui considéré comme la première rock star gay et est une figure iconique de la culture queer. Le glam rock avec Bolan, Bowie, Jobriath, ou encore Lou Reed et Prince déstabilise pendant 5 ans les codes conventionnels de l’identité sexuelle en jouant sur la confusion des genres.

Queen signe avec l’album A night at the opera, qui oscille entre hard rock et glam en 1975, l’épilogue de ce dernier. Leur succès international fulgurant, résultat du talent et de l’excentricité du leader Freddie Mercury, sera favorisé par un contexte social plus ouvert que celui de la décennie précédente. Tout comme Bowie, Freddie maîtrise à la perfection le jeu de l’ambiguïté du genre et multiplie les allusions aux rapports bisexuels, les apparitions travesties et les gestes provocateurs. En 1982, le clip torride de “Body Language” donne un peu trop chaud au gouvernement américain qui décide de le bannir des antennes. Deux ans plus tard, le clip du succès interplanétaire “I want to break free” dans lequel Freddie et sa bande sont travestis en femmes sera également interdit de diffusion sur MTV. Le système politique refuse d’accepter une culture qu’elle juge dissidente. L’orientation sexuelle de Freddie a elle aussi nourrit énormément de fantasmes. Ce dernier meurt finalement du sida en 1991 en laissant derrière lui un héritage musical colossal et une vision de l’existence resplendissante d’amour, d’ouverture et d’extravagance : “Born to be kings, we’re the princes of the Universe !”, refrain éclatant de “Princes of the Universe” raisonne aujourd’hui comme l’expression de l’insatiable besoin de liberté et de conquête de ce dernier.

Suivent une avalanche de nouveaux genres musicaux, émanant plus ou moins directement du glam. Parmi ces nouveaux genres, le glam punk est utilisé par certains artistes queer qui créent vers la fin des années 80 un mouvement culturel et social : le queercore. Avec en figure de proue des groupes comme Pansy Division ou Tribe 8, ce mouvement est une réponse aux relents homophobes et misogynes du courant punk incarnés par les Sex Pistols dans les années 80. Il est politique et rugit ses revendications grâce à la musique, mais également via la peinture ou encore l’écriture (explosion des publications de fanzines, journaux amateurs indépendants). Extrêmement riche, créatif et anticonformiste, ce mouvement utilise l’art sous toutes ses formes pour défendre une cause sociale et illustre l’impact politique que peut avoir une sous-culture pourtant isolée.

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