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« Substance : Inside New Order », une rare histoire du groupe racontée par Peter Hook

Avec la sortie de « Substance : Inside New Order », Peter Hook, bassiste et membre fondateur de Joy Division/New Order, lève définitivement le voile sur le groupe qui, dans les années 1980, était réputé comme l’un des plus énigmatiques du monde de la pop. Entre anecdotes sex, drugs & rock’n’roll, aigreur non contenue d’un bassiste toujours en procès contre le reste du groupe, apogée artistique et sacrifices commerciaux, la bible de 728 pages est un essentiel pour décoder le groupe et son microcosme.

L’histoire de Factory Records, de leur club l’Hacienda et de leur rocambolesque « banqueroute », ont déjà nourri de nombreux livres. En fait, plus ou moins toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans Factory et l’époque « Madchester » ont déjà sorti un bouquin ou un  film : pour exemples, l’excellent 24 hour party people de Michaël Winterbottom, autour du charismatique Tony Wilson ; et Control d’Anton Corbijn, centré sur l’histoire de Joy Division.

Après deux premiers livres consacrés à l’Hacienda chez les Editions Le mot et le reste dont on vous parlait lors de la rentrée littéraire et musicale 2014 (L’Hacienda, La meilleure façon de couler un club, 2012) et à Joy Division (Unknown pleasures, Joy division vu de l’intérieur – 2014), Peter Hook reprend donc le stylo-bile avec une bible de 728 pages. Par rapport aux autres livres sur New Order comme Chapter and verse, l’autobiographie du chanteur Bernard Sumner, parue en 2014 (très distante et peu détaillée), Hook vise ici à coller le plus possible à une approche documentaliste et factuelle, même si, en guise de préambule, Peter Hook nous prévient que « Ce livre est toute la vérité, rien que la vérité…telle que je m’en rappelle. »

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New Order 1980-1986 : le dernier groupe de rock’n’roll ?

Forcément, en ouvrant ce genre de bouquin, on s’attend toujours à des dizaines d’anecdotes sex, drugs & rock’n’roll. Hook les annonce presque sans filtre. Et on n’est pas déçus. New Order réussirait (presque) à faire passer les Rolling Stones, Black Sabbath et même Spinal Tap pour des petits joueurs. On n’entrera pas ici dans les détails mais si vous aimez les histoires de défonce, d’adultère et d’initiations à la vie, vous serez servis.

Mais ce ne sont pas les comportements de rockstar, entre perversion et innocence, de ses membres qui ont fait la légende du groupe. Ce qui relève de la mystique, c’est évidemment la qualité des œuvres et la quantité de production sortie dans ce modèle de société « communo-totalitaro-démocratique » inventé par Tony Wilson. Un idéal artistique (politique ?) nourri au punk qui a quand même permis, entre deux gueules de bois, d’engendrer les disques étalon de la pop de la fin du 20ème et début du 21ème siècle.

Play at Home est une sorte de docu perché de 48 min réalisé par les New Order en 1984

 

On peut se permettre de voir dans ce chaos hallucinatoire, le terreau fertile du génie créateur « Made in factory ». Entre 1980 et 1986, New Order confirme le sens du mot rock’n’roll : les musiciens conduisent eux-mêmes les vans lors des tournées, gèrent les équipements et notes d’hôtel , configurent le matériel (notamment les synthétiseurs) aussi bien en studio que sur la route. La petite équipe de roadies est logée à la même enseigne que les artistes et ces derniers ne gagnent rien. Ou presque. Tout cela dans un cadre que l’on pourrait qualifier, avec énormément de respect, de très peu professionnel.

Entre 1980 et 1986, dans ces conditions, New Order compose « Everything’s gone green », « Temptation », « Age of Consent », « Blue Monday », « The Perfect Kiss » et « Love Vigilantes ». En perpétuelle situation de stress, d’entropie et d'(auto)-destruction, confrontés à des imprévus qui feraient renoncer les plus téméraires, le groupe fonce tête baissée et la magie éclabousse sans discontinuer les productions issues de ce crash frontal entre « pub rock » et « dance music » pour geeks.

La fin de l’innocence

A partir de 1987, même si la gestion financière de Factory ne s’améliore pas (en fait la situation est déjà désespérée depuis de nombreuses années), les deals à l’international – notamment la signature chez Qwest, le label de Quincy Jones, aux USA – amènent le groupe dans la célèbre « zone de confort » pour popstars : limousine (individuelle!) jusqu’au stade pour les concerts, backstages orgiaques et after-parties démesurées sur la célèbre méga-tournée de 1989 aux USA.

Peter Hook estime que c’est à partir de ce moment que la démocratie « made in New Order » s’effondre et que l’équilibre magique qui leur permettait de produire des disques pointus, radicaux et d’une sincérité rare, devient difficile à atteindre. Les problèmes égotiques entre Hook et Sumner prennent le dessus sur la fraternité, Rob Gretton (le manager historique du groupe) touche le fond de son addiction à la cocaïne et les intervenants externes (des producteurs comme John Robie et Stephen Hague) semblent être voués, toujours selon Hook, à mettre en péril l’équilibre fragile du son dance-rock du groupe.

Même si la formation semble trouver une dernière période de magie créative et d’insouciance lors du long isolement à Ibiza pour l’enregistrement de Technique (leur cinquième album studio sorti en 1989), les conflits dans la cabine de production sont toujours au premier plan. En effet, la scission du groupe en trois factions (Bernard Sumner dans le rôle du chanteur-dictateur-diva / Hook, la victime qui peut parfois placer une ligne de basse dans le mix final / Stephen Morris et Gillian Gilbert, toujours dépeints comme une entité sans relief et sans volonté propre par Hook) est actée pour l’enregistrement de Republic (sixième album sorti en 1993 – avertissement : cette vidéo contient un court plan contenant David Hasselhof ).

Ce mode de fonctionnement perdurera jusqu’à la « séparation » (ou au départ de Peter Hook, selon les versions) du groupe en 2007.

Des voleurs d’amour et de haine

Si, ces dernière années, la presse fait plus échos du conflit juridique opposant Hook au reste du groupe que de leurs productions actuelles respectives (comme l’excellent Music Complete, dernier album du groupe sorti en 2015 chez Mute) ou des tournées best-of « Peter Hook & the light », New Order reste, à l’échelle de l’histoire du rock, l’une des plus belles « success-stories » artistiques de la musique indépendante et leur histoire est ici pour la première fois racontée de façon terre-à-terre, sans précaution quelconque.

C’est bien sûr la force de ce genre de témoignage « vu de l ‘intérieur » mais c’est aussi ce qui, malheureusement, rend le livre un peu dérangeant car il manque parfois à son auteur le minimum de distance nécessaire dans la description des relations interpersonnelles du groupe et de leur entourage.
Le livre reste un indispensable pour les fans de Joy Division/New Order ainsi que pour les passionnés de la scène de Manchester des 80’s tant celui-ci permet enfin de toucher à la réalité de cette incroyable et bancale aventure. Pour les autres, le livre s’avérera être une lecture distrayante mais assez vite pénible à cause de sa longueur et de la rancœur, trop peu contenue, de son auteur.

« Substance : Inside New Order », de Peter Hook, chez Simon & Schuster – UK

Sortie française : Le Mot Et Le Reste, 18 Mai 2017

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