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St.Lô, briseurs de styles

Festival Art Rock, au printemps dernier. On ne connaissait St.Lô que de réputation. Quelques mois plus tôt, Jean-Louis Brossard, fameux programmateur des Trans Musicales, n’avait pas hésité à les programmer le samedi soir sur une belle scène. Pour leur deuxième concert. En les découvrant sur scène, on ne tardait pas à comprendre. On avait ici affaire à des tueurs et il était temps de s’intéresser à leur CV long comme le bras. Quelque part entre blues, soul, electro et hip-hop, le groupe s’invente un espace musical qui ne demandait qu’à être exploré. Au passage, on découvre qu’entre Lorient et Brooklyn, il n’y avait donc qu’un pas.

Que faisait chacun de ses membres avant St.Lô ?

Mezz Walidah a une longue histoire de chanteuse, poétesse et activiste new-yorkaise. Elle était l’une des voix du Brooklyn Funk Essentials, mais au milieu des années 90, aux côtés de Razhel, Earl Blaize, Rich Medina ou encore Mike Ladd. Elle s’est aussi illustrée comme une MC brillante sous le pseudonyme de Shä-Key, ceux qui l’ont écouté et vu à l’époque s’en souviennent tous. Ton’s a été un membre actif et historique du groupe lorientais Freedom For King Kong puis clavier pour les Svinkels. Il est un instrumentiste hors pair et collectionneur reconnu de synthés vintage et de claviers en tous genres. iOta mène une double vie de producteur de musique électronique sous ce pseudo, pour lui-même et pour St.Lô, mais il est aussi un musicien de rue, il devient alors Fieffé Fou et il renouvelle, accordéon en bandoulière, la chanson rive gauche, gouaille swing et poésie. docMau est l’homme de l’ombre de St.Lô, on ne le voit pas sur scène, mais c’est des sessions dans son studio que naissent les titres du groupe. DJ, crate digger et directeur artistique, il est aussi l’un des membres fondateurs, avec iOta, de La Bande Magnétique, collectif protéiforme et dilettante qui a produit les premiers titres avec Mezz Walidah en 2007 et 2010.

Au départ, votre collaboration ne devait être que ponctuelle, non ?

Justement, au début des années 2000, on était dans une démarche de collectif artistique, La Bande Magnétique, et on collaborait sur les projets des uns et des autres, mais aussi des projets ponctuels liés à des rencontres humaines. De son côté, Mezz Walidah cherchait ce type de collaboration pour rencontrer des artistes au fil des tournées du Brooklyn Funk Essentials, et transformer les nombreux temps morts en temps de création. Finalement, des années plus tard, on a décidé de faire un groupe, au sens le plus strict du terme quand la SMAC lorientaise Le Manège/MAPL a découvert l’existence du projet et a souhaité nous accompagner dans son développement.

Au delà des musiques électroniques, trip-hop et hip-hop, vous parlez sans cesse de blues. Est-ce finalement le véritable dénominateur commun du groupe ?

C’est l’un des dénominateurs communs. On ne fait pas référence à une époque, à un style, mais on parle de blues plutôt comme moyen d’expression dépouillé, réduit à une manifestation physique de la voix et de la musique, c’est davantage là qu’est le fil conducteur. Il y a des chansons de St.Lô qui happent autant dans leur version électronique qu’interprétée avec voix, percus et accordéon. Et puis, Mezz Walidah est une héritière consciente de cette longue tradition du chant afro-américain, alors St.Lô est, de fait, aussi inscrit dans cette lignée.

Même si on imagine la dose de travail derrière, on a le sentiment d’une alchimie, de quelque chose d’inné dans votre fusion. Au départ, l’avez-vous ressenti ainsi également ?

C’est une question curieuse pour nous, on n’a jamais intellectualisé le projet de jouer ensemble. On a appris à se connaître, on a vécu ensemble, on a fait de la musique ensemble et on a dessiné assez inconsciemment un territoire musical, qui nous parlait à tous, que l’on a un jour défini comme danceable & poetic. Comme programme, ça nous laissait une porte bien ouverte !

Racontez-nous ce premier concert, en juillet 2012. Avec quelques amis et un certain Jean-Louis Brossard…

Quinze jours avant que Jean-Louis Brossard ne viennent nous voir, le groupe n’avait jamais fait de plateau. On avait couché cinq titres quelques semaines avant, dupliqué trois CD dont un lui avait été envoyé. Il a fallu en quelques jours créer de nouveaux titres, les répéter sur scène. En fait, on avait pour nous d’avoir déjà un studio, et avec les années d’échanges, un propos artistique clair qui ne demandait qu’à prendre corps sur scène. Mais effectivement, pour la trentaine de potes, Jean-Louis Brossard et nous-mêmes, ce concert a été comme assister à une mue, celle de morceaux composés à distance, dans l’ombre et qui naissent à la lumière. Ça restera un très beau souvenir et aussi une rencontre avec ce personnage rare qu’est Jean-Louis Brossard. Un programmateur qui sait dès l’issue du concert qu’il nous fera jouer dans la salle Chris Mix, le samedi soir des Trans, alors que le groupe n’a pas encore vraiment de nom, et qu’il n’existait que virtuellement quelques jours avant.

Vous mettez une intensité folle dans vos sets. Quelles sont, selon vous, vos meilleurs sets à ce jour ?

La Sirène à La Rochelle : on remplace au pied levé Burning House. On débarque complètement inconnu devant le public de Femi Kuti, un public très hétérogène, pas celui des clubs ou des festivals, et on sent dès les premiers titres que la foule est comme subjuguée et se laisse emmener complètement par la prestation. On déroule alors un set à la fois maîtrisé et complètement dingue, avec deux rappels de fou. Et puis on garde un souvenir mémorable de l’accueil de l’équipe et de cette collation huîtres-vin blanc, à laquelle on pourrait attribuer une part de responsabilité dans le plaisir qu’on a eu à jouer là-bas.

Vous en êtes où de la sortie du disque ? Une date ? Un nom ?

On enregistre actuellement les voix de Mezz Walidah à New York dans le studio de son ami Earl Blaize (d’AntiPop Consortium). C’est lui qui prend en charge la réalisation finale du mix. La sortie est prévue pour février 2014.

Vous aimez aussi vous pencher sur quelques remixes ? Qui s’y colle et comment ?

Le remix, la collaboration ponctuelle, c’est un peu l’origine du groupe. C’est un travail court qui permet souvent d’ouvrir la fenêtre sur d’autres horizons musicaux que St.Lô. On s’y colle tous les trois pour la musique, docMau centralise souvent le travail avec Ton’s, ils sont voisins, iOta y va de ses propositions musicales, Mezz Walidah participe au processus créatif et, parfois, pose un couplet. C’est souvent dans le cas du remix qu’on reprend nos habitudes de travail à distance et d’échange de fichiers d’un home studio à l’autre.

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