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Squid : « Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? »

Disons-le d’emblée, Squid est l’un des groupes à guitares les plus cool auxquels l’Angleterre ait donné naissance depuis des lustres. En 2017 déjà, avec la sortie de leur premier EP « The Cleaner », entre post rock, kraut et colère sociale, les 5 jeunes hommes de Brighton étaient annoncés comme les messies du rock anglais. Qu’en est-il en 2021 à l’heure de la sortie de leur premier album ?

Sur le très réussi Bright Green Field au psychédélisme noir (sortie prévue chez Warp Records le 7 mai prochain), Squid sonnent plus que jamais comme si IDLES jouait les chansons de Radiohead. Ou NEU! s’ils jouaient du Talking Heads. Ou l’inverse. Et surtout comme rien de tout cela. Squid envoie valser les bonnes manières et jette au feu les structures classiques de la pop, ses 3 minutes 30 réglementaires et toutes les cases dans lesquelles on pourrait être tenté de les enfermer. Cette liberté, c’est ce qui donne naissance à cette pop arty angulaire, rentre-dedans et novatrice.

Autre point fort du collectif : la voix de Ollie Judge, chanteur et batteur du groupe. Puissante, chargée en émotions et en colère, elle frappe aux tripes. Le tout est porté par l’énergie brute d’un groupe qui semble vivre pour la transe de la scène. Ce qui n’est plus si fréquent à notre époque d’Uber producteurs solitaires.

Nous avons donc sauté sur l’occasion de rencontrer (en visio, Covid oblige) Louis Borlase et Anton Pearson, deux des guitaristes / bassistes / claviéristes du groupe, afin de tenter de percer un peu le mystère de cet insaisissable Calamar.

Quelle est l’histoire de l’origine Squid ?

Anton Pearson : Nous vivions tous à Brighton, nous étions tous étudiants et dans le même groupe de potes. Nous avons juste commencé à jouer ensemble, puis à faire des concerts. Petit à petit, c’est devenu semi-régulier et à un moment nous avons pris conscience que nous avions formé un groupe.

Votre musique est très particulière. Il y a des échos de Syd Barret, Neu!, Talking Heads, Television… Mais elle défie aussi toute classification ou genre. Cette liberté de ton est-elle délibérée ou au contraire très spontanée ?

Louis Borlase : Quand on écrit, on s’enthousiasme puis on laisse une idée se développer et avancer aussi loin que possible. On essaie de se mettre ensemble dans un groove. On écoute ce que chacun fait harmoniquement et musicalement jusqu’à ce qu’on arrive à un instrumental vraiment cool.

Anton Pearson : On écrit alors les paroles. Puis on la joue live et on voit comment les gens réagissent, dansent… Pour l’album, c’est un peu pareil. Nous ne voulions pas fermer les choses trop tôt en nous enfermant dans une boîte. On a commencé à réfléchir aux morceaux en tant qu’album que de façon assez tardive.

Comment s’est passée la création de votre nouvel album Bright Green Field?

Louis Borlase : On ne s’est pas dit : « c’est parti, on enregistre notre premier album ». Nous étions dans un processus continu de création et le confinement l’a accéléré. En 2019, nous avons eu une année très chargée, avec des concerts et des tournées, mais nous avons utilisé notre temps libre pour composer. On a joué ensuite nos nouveaux morceaux en concert pour les tester et on s’est aperçu qu’on jouait de plus en plus de nouveaux titres. Quand le coronavirus est arrivé, notre emploi du temps s’est libéré et nous sommes donc allés en studio enregistrer ces nouveaux morceaux.

Avec qui avez-vous travaillé pour la production de l’album ?

Anton Pearson : On a travaillé avec Dan Carey avec qui nous avons déjà produit tous nos EPs. On avait écrit les parties musicales avant d’entrer en studio, puis on a expérimenté avec lui sur les textures sonores. Quand on travaille ensemble, il devient vraiment le 6ème membre du groupe.

Louis Borlase : Il utilise son studio comme un instrument. Il est essentiel à notre processus créatif car il nous inspire plein d’idées. Il nous comprend, s’enthousiasme et nous challenge en permanence pour aller toujours plus loin. Mais il est aussi très mesuré et sait quand il faut recadrer les choses.

Quelles sont les chansons sur l’album dont vous êtes les plus fiers ?

Anton Pearson : J’ai très envie de voir la tête des gens lorsqu’ils entendront la deuxième moitié de « Boys Racers ». Ils vont se dire : “mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? »

Louis Borlase : « Paddling » était la plus ancienne chanson écrite pour l’album. Quand on l’a rejoué, on la trouvait presque simpliste parce qu’on l’avait composé dans les débuts du groupe. Et puis, en cherchant, on a été capable de l’emmener plus loin et d’en faire un morceau qui nous semblait pertinent.

On sent que la musique a un rôle cathartique pour vous. Qu’est-ce qui vous met en colère dans le monde aujourd’hui ?

Louis Borlase : Il y a beaucoup de colère, mais nous ne sommes pas des gens en colère ! Si tu croisais Ollie, il ne marche pas dans la rue en tapant sur tout ce qui bouge ! (rires) Mais bien sûr plein de trucs nous mettent en colère, notamment en politique avec le Brexit… Mais la musique doit être une expérience cathartique pour la colère : tu dois en sortir grandi.

Anton Pearson : En tous cas, on ne pense pas vraiment au public quand on compose, on ne cherche pas à faire plaisir aux gens. Si tu écoutes l’album, il y a plein de moments où je pense que la musique te donne juste envie de te coucher par terre, voire te colle une migraine… On fait que ce qui nous plaît et nous excite. Si les gens s’amusent en nous écoutant, alors tant mieux.

L’album semble aller du plus pop au plus expérimental ? Est-ce volontaire?

Anton Pearson : C’est cool que tu le vois comme ça, mais nous n’y avons pas pensé en ces termes. En réalité, on a vraiment passé un temps fou sur le tracklisting. On a essayé de trouver une progression narrative en fonction de l’intensité des morceaux, des textures, des timbres… On ne voulait pas non plus trop en donner tout de suite. Mais tout de même démarrer de façon explosive car on aime ça !

Comment se passe le confinement en Angleterre pour vous en tant que musicien ? Ca doit être très difficile de ne pas pouvoir faire son métier…

Anton Pearson : Nous sommes encore confinés, mais régulièrement des interdictions sautent. Nous avons une date de sortie à l’horizon : le 21 juin 2021. Il ne devrait plus y avoir de restrictions à ce moment-là, mais tout reste encore incertain. Si les choses se passent bien, nous pourrons donc jouer les dates de notre tournée dès cet été. Ce serait vraiment génial que cela puisse devenir une réalité. Nous avons aussi une tournée en Europe prévue cet automne, mais cela risque d’être plus difficile…

Louis Borlase : Pendant le confinement, nous sommes restés très actifs, c’était essentiel pour notre santé mentale je crois. On a continué à écrire des morceaux, on travaille déjà sur notre deuxième album. On a aussi fait des sessions pour des livestreams et la promo pour Bright Green Field. Il y a aussi cette échéance notre esprit : on doit être prêt à jouer live bientôt. Mais ça fait quand même drôle d’être bloqué à South London quand tu sais que tu devrais être à Austin pour SXSW par exemple…

Quel est votre sentiment par rapport aux livestreams justement ?

Louis Borlase : Les livestreams sont vraiment utiles en cette période je pense : les gens ont besoin de cette injection de musique ! Pour ma part, j’ai adoré jouer pour les sessions que nous avons tournées. En particulier celle au Windmill à Brighton : cette salle est une de mes préférées et c’était juste super de pouvoir être là, se souvenir simplement de la vie d’avant, à quel point tout cela était cool. J’avais oublié aussi à quel point le live t’apporte un plaisir sans équivalent, cette connexion avec les autres. Ca m’a presque surpris.

Pour finir, quelle question ne vous a-t-on jamais posé en interview ?

(Ils réfléchissent) Louis Borlase : Personne ne nous a jamais vraiment demandé pourquoi nous étions 5 dans le groupe ! Pourquoi ni plus, ni moins ? On connaissait pourtant beaucoup plus de musiciens que ça, on aurait pu être beaucoup plus. Mais on s’est arrêté quand Laurie nous a rejoint.

Anton Pearson : La réalité, c’est que nous avons commencé à répéter dans de salles vraiment toutes petites. On ne pouvait pas être plus là-dedans, ça aurait été l’enfer ! Voilà maintenant tu sais pourquoi (rires).

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