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Soulwax : « La notion de bon et mauvais goût n’existe pas pour nous »

Les frères Dewaele, c’est un peu comme deux vieux potes qui ne changent jamais. Avec leur petit accent flamand, leur look très british et leur fascination pour foutre le bordel partout où ils se trouvent, ils traversent les années sans suivre les chemins éclairés. Sur Belgica, le dernier film de Felix van Groeningen, aussi réalisateur d’Alabama Monroe, Soulwax a créé des groupes de toutes pièces pour illustrer l’histoire de deux frères réunis autour d’un rêve : un bar.

C’est pas forcément évident de comprendre votre rôle exact dans la bande-son de Belgica. On voit une tracklist avec plein de groupes mais on nous dit que c’est du Soulwax. Que cela mazette veut-il bien dire ?

David Dewaele (à droite sur la photo) : Ça veut dire qu’on a tout fait, à part être dans le film. On a d’abord cherché avec Felix, le réalisateur, le genre de morceaux qu’il fallait pour le film puis on a choisi des musiciens et enfin on a écrit, produit, mixé et répété avec eux. C’était pas simple parce que certains jouent vraiment en live pendant le tournage. Puis, on a fait ce qu’on appelle le scoring, l’ambiance musicale du film quoi. A part trois morceaux, on a tout composé.

A quel moment êtes-vous intervenus par rapport à l’écriture du film ?

Stephen Dewaele (à gauche sur la photo) : Ça a surtout été fait en parallèle de l’histoire, du scénario. Felix nous a inclus dès le début du projet parce qu’il voulait une cohérence. Dans le bar au début du film, tu as un mec qui joue en guitare blues, le film avance et ça finit avec une scène type kétamine. Ce trajet musical était très important pour lui. Tu as un groupe hardcore, un mec qui fait de la musique turque, de la danse contemporaine, des DJs, etcetera. Ils l’appellent leur arche de Noé, c’est pas pour rien. C’était un challenge pour Dave et moi de faire ça, en plus dans un bar flamand, qui n’est pas exactement quelque chose qui nous attire à la base.

Trailer de Belgica

Quelles étaient les principales complications auxquelles vous avez été confrontés ?

David Dewaele : Il y a eu beaucoup de versions de scénarios qu’on a suivies. Et donc on a composé beaucoup de musiques qui ne sont pas dans le film. C’était super long et compliqué. C’est sûr que c’est plus simple lorsque les réalisateurs envoient leur film déjà monté et demandent aux musiciens d’y ajouter leur musique dessus.

Stephen Dewaele : Avant le tournage, on avait déjà créé les groupes et les morceaux mais ensuite, même pendant le tournage, on devait ajuster leur façon de jouer. Tout le monde nous prenait pour des fous de faire un enregistrement du son « live » sur un tournage de ciné. Mais on voulait que ça ait l’air vrai. C’est décevant quand tu regardes un film et que tu te rends compte que le chanteur fait du playback ! Là, tu entends vraiment la différence entre la musique jouée par les DJs, les groupes qui jouent « live » et les musiques d’ambiance du film.

On a eu l’occasion de confier les rennes d’un article à Felix van Groeningen début février 2016 et il nous a confessé qu’il n’était pas du tout à l’aise dans ses goûts musicaux, contrairement à ce qu’on pourrait penser, suite à Alabama Monroe. Vous l’avez ressenti ?

David Dewaele : Oui, et je crois que c’est aussi pour ça qu’il nous a fait autant confiance.

Stephen Dewaele : Il disait même avoir mauvais goût.

Erasmus – Ti Ricordi Di Me


Il avait en tout cas l’air d’ignorer les notions de bon et mauvais goût.

Stephen Dewaele : On sort avec Felix depuis au moins vingt ans. Quand on va écouter de la techno avec lui, c’est pas le mec qui va te dire « ah, c’est cool ça » ou à rester dans son coin. Non, c’est le mec qui gueule « Ouaiiiiiiiiis ». Il veut vraiment de l’émotion dans sa musique.

David Dewaele : La musique, c’est jamais cérébral pour lui.

Il va préférer un gros Gesaffelstein qu’un set de techno progressive ?

David Dewaele : C’est un peu l’idée, mais c’est pas défini. Il est un peu autiste et monomaniaque concernant la musique. Il va écouter mille fois le même morceau. Pour revenir à la question du bon et du mauvais goût, avant même qu’il fasse des films, il faisait partie d’une troupe de théâtre qui s’appelait Kung Fu. Des potes à nous. C’était un peu le moment où on commençait. Ce qui a fait de 2manydj’s un duo différent des autres DJs, c’est que la différence de bon ou mauvais goût n’existait pas pour nous. Pourtant, on avait tous un gros bagage culturel et familial et le bon goût était partout autour de nous, dans le théâtre, tout ça. Ce qui nous intéressait et nous intéresse toujours aujourd’hui, c’est d’admettre qu’il y a d’autres adjectifs pour la musique. Ça peut être efficace des fois, simplement.

Stephen Dewaele : Imagine, tu prends une musique, tu la mets dans un autre cadre : elle a une raison d’être complètement différente. On s’est fait intégrer tôt dans leur collectif de théâtre, parce que dès la fin de leur représentation, nous, on arrivait et le spectacle devenait une fête. On bossait avec eux à Salzburg en Allemagne devant un public vraiment théâtre et nous on les défonçait avec notre musique. On a construit notre relation avec lui en repoussant les limites. Sur Belgica, on a poussé la limite encore plus loin.

Les interprètes du film ont-ils vocation à exister après le film ?

Stephen Dewaele : A priori oui. C’est marrant parce que pendant le film, tous les groupes sont venus nous voir et nous demander « eh, ça te dirait d’enregistrer nos morceaux. » Je crois que pour la première du film en Belgique à la fin du mois de février, les groupes The Shitz et They Live vont jouer ensemble. Ils parlaient même de peut-être écrire des morceaux ensemble. C’est super de voir que tu as rapproché des gens.

Vous les avez trouvé où ces groupes ?

David Dewaele : La plupart, on les connaissait déjà depuis très longtemps mais on n’avait jamais fait de lien. Et puis, on a passé des journées à regarder des clips YouTube. Je crois qu’on a vu tout les artistes qui se produisent en Belgique.

Stephen Dewaele : Le groupe White Virgins, qui sont un peu les versions féminines des Soulwax, l’une n’a jamais chanté dans un groupe et l’autre à la batterie et la basse joue dans un groupe de heavy metal, donc c’était cool de les faire jouer dans un autre contexte.

The Shitz – How Long

Ce serait réalisable de faire une grosse date avec tous les groupes de la bande-son ?

David Dewaele : Ce serait dur, ils font tous des choses différentes. Felix a essayé. Tout le monde voudrait le faire, mais rien n’est engagé pour le moment.

Dans le film, deux frères vivent dans une ambiance de fête constante. L’idée n’aurait pas traversé l’esprit du réalisateur de s’inspirer de vos vies ?

David Dewaele : C’est marrant que les gens croient ça. Les deux personnages du film existent vraiment et ne sont pas du tout comme nous.

Stephen Dewaele : Je crois que Felix a plus utilisé l’histoire de lui et son frère. Mais non, on n’est pas du tout comme eux.

Qu’est ce qui vous plaît le plus dans l’histoire de Belgica ?

Stephen Dewaele : Quand on a fini de bosser dessus (sourire).

David Dewaele : J’aime beaucoup la complexité entre deux frères. Surtout les frères qui bossent ensemble. C’est facile, et puis c’est difficile. Je trouve assez unique la façon avec laquelle il a montré ça.

Stephen Dewaele : Il y a deux, trois moments dedans qui montrent vraiment ce qui se passe dans les boîtes de nuit et les bars. On s’est beaucoup battus avec Felix pour garder certaines scènes. Ce film vous montre le matin, et après le matin, encore la ligne de coke, encore remettre le son, les discussions de mecs défoncés. Dave et moi, on les a beaucoup vu et vécu ces moments dans notre vie.

Burning Phlegm – Nothing

Crédits photo de couverture : Rob Walbers
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