MENU
En lecture PARTAGER L'ARTICLE

Sopycal, pas de tabou

Dès que je considère avoir passé suffisamment de temps à ruminer le manque de voix féminines dans la musique hip hop, je sens que je dois en parler. Ma dernière découverte se nomme Sopycal alias Calypso Buijtenhuijs, artiste pluridisciplinaire qui a sorti son premier EP « Dans l’eau » en mai dernier. Peu importe comment je l’ai découverte, peu importe si j’ai aimé tout de suite ou après plusieurs écoutes, peu importe son tour de taille ou ses connaissances en solfège. Je crois que la seule chose qui m’importe, c’est qu’elle ait la possibilité de s’exprimer comme bon lui semble. Et comme j’aime bien laisser s’exprimer les gens qui s’expriment… j’ai pris mon téléphone à une main et je lui ai posé quelques questions.

« Est-ce que tu te souviens d’un moment dans ta vie, d’une situation précise où tu t’es dit : j’ai envie de faire de la musique ? » Sopycal laisse une petite pause et m’avoue qu’on ne lui avait jamais posé cette question. Elle me parle de son tonton musicien, qui l’a inspirée, elle qui a longtemps été bien trop timide pour oser monter sur scène. Pourtant, l’envie était là et c’est dans le plus grand secret qu’elle a écrit ses premiers textes de rap, en voyant ses amis de fac s’y mettre petit à petit.

Au final, ce sont les concerts qui lui ont permis de donner un tournant professionnel à ses musiques. « C’était pas une évidence de faire de la musique de manière pro. C’est aussi grâce au regard des autres, au potentiel que les autres ont vu chez moi. » On tombe d’accord sur le fait que, même pour un·e artiste riche d’une longue carrière, l’incertitude est récurrente et il y a toujours mille raisons de se demander ce qu’on fait là. Peut-être que c’est tant mieux ? « Je pense qu’on se plaint beaucoup de l’instabilité mais pour moi, c’est l’instabilité de ce métier qui me donne des frissons et qui me fait me sentir vivante. C’est là où je trouve mon équilibre. »

En juillet dernier, elle a bénéficié du soutien de la Women Metronum Academy, un dispositif de mentorat destiné aux femmes portant un projet solo dans le champ des musiques actuelles. Elle me raconte que sa vie musicale a pris un tournant et qu’elle n’en a même pas encore tout à fait conscience. Marrainée par Flavia Coelho, elle a pu travailler son jeu de scène, prendre confiance en elle, en sa position de leader. « Ça m’a permis de faire un vrai point sur moi. Dans la musique, c’est pas toujours évident d’affirmer ses choix, de donner une direction artistique à son projet. […] Avec Flavia, j’ai appris à retravailler le rythme, peaufiner, aller au plus loin de ce que je peux donner. Le prochain projet musical sera différent textuellement, par rapport au dernier. »

« Je me suis levée, j’étais face à la glace et le début de la chanson a existé. »

La musique n’est pas le seul moyen d’expression de Calypso, elle est aussi comédienne et danseuse, actuellement en pleine résidence de théâtre. Elle considère qu’elle de la chance de pouvoir travailler avec des réalisateur·rice·s et metteur·rice·s en scène qui lui permettent d’explorer plusieurs arts. « Intellectuellement, c’est vraiment un plaisir de traverser plusieurs identités et plusieurs regards sur le monde, dit-elle en citant Cate Blanchett. C’est hyper enrichissant et je pense que ça m’apporte beaucoup de confiance et de plaisir à être sur scène dans la musique, que tout se croise à des endroits différents. » Ce désir de mouvement et de changer l’ordre des choses se retranscrit dans son nom de scène : Sopycal, qui n’est autre que les lettres de son prénom passées au shaker.

Le moment de naissance de son morceau « Tabou » illustre justement la façon dont une pratique peut en nourrir une autre. Cette chanson nous parle d’une grossesse non désirée, on a l’impression d’entendre toutes les voix de Sopycal tourner dans sa tête, toutes les réflexions que l’on est obligées d’avoir au moment de prendre la décision d’avorter. « Tout a commencé quand j’étais sur une petite île de Bretagne pour un tournage. J’avais avorté 2-3 ans avant et je me retrouvais à jouer une femme enceinte qui accouche sur un bateau. On a fait les essais, avec le gros ventre et je crois que c’est venu remuer quelque chose chez moi. Je me suis levée, j’étais face à la glace et le début de la chanson a existé. »

Jouer un rôle qui reste près d’elle, mettre des mots sur des sentiments et laisser beaucoup de place au texte sont les accords majeurs de la musique de Sopycal. Petit à petit, elle a appris à ne pas trop s’inquiéter de la direction artistique que prennent ses projets. Chaque esthétique prend forme au fur et à mesure et alors qu’elle craignait de ne pas « avoir d’univers », son tonton musicien (toujours le même) lui a dit : « Tu sais, l’univers, il va arriver à un moment. Mais ça prend du temps ». Le temps, si vous l’avez, vous pouvez le passer en concert. Nul besoin de vous dire que vous n’avez encore rien vu.

Suivre Sopycal sur Youtube et sur Instagram.

Photo en une : Sopycal © Robkloveski

Partager cet article
0 commentaire

0 commentaire

Soyez le premier à commenter cet article
Chargement...
Votre commentaire est en cours de modération
Merci
Une erreur est survenue lors de l'envoi de votre commentaire
Sourdoreille : la playlist ultime
Toutes les playlists

0:00
0:00
REVENIR
EN HAUT