En près de 10 ans d’existence, Son Lux, le projet solo de Ryan Lott, désormais devenu trio, en a fasciné plus d’un, nous compris. Alors qu’ils s’apprêtent à sortir leur cinquième album, nous nous sommes assis autour d’une table avec Ryan, Ian, et Rafiq pour en savoir un peu plus sur cet intriguant « Brighter Wounds ».
Sur votre album précédent Bones, c’était la première fois que vous composiez à trois. Avez-vous travaillé de la même manière pour Brighter Wounds ?
Ian : Son Lux est réellement devenu un groupe pendant la tournée qui a précédé la composition de Bones. Nous avons tourné ensemble pendant très longtemps et la majorité des idées qui se sont retrouvées sur l’album sont venues pendant cette période. Pour Brighter Wounds, c’était différent parce que, pour la première fois, on s’est accordé du temps tous les trois ensemble en studio pour composer.
Ryan : Bones était notre première expression en tant que groupe, mais évidemment il y a des différences dans le processus créatif de ces deux albums, et le suivant sera encore différent et ainsi de suite.
Ryan, c’est ton cinquième album en tant que Son Lux, tu commences à faire partie des « vieux ». Tu le vis bien ?
Ryan : Tout est relatif… J’ai fait beaucoup de musique, beaucoup d’albums, beaucoup d’EP, mais j’ai l’impression que je débute à peine, et j’espère que cette impression restera pour toujours.
Tu as récemment produit un album de musique de chambre, on ressent cette influence dans l’album notamment sur des titres comme « Aquatic ». Tu le reconnais ?
Ryan : Sur « Aquatic » j’ai même samplé ce projet. Je considère de plus en plus tous les projets que je mène comme une seule et même chose. J’ai toujours voulu travailler de plein de manières différentes mais dans la même direction.
Rafiq : C’est aussi une question d’économie, avec Ian on vient du sud des États-Unis et il y a une phrase que toutes les grands-mères disent à chaque fois que tu manges des ailes de poulet ou quelque chose comme ça : « Il reste encore de la bonne viande sur cet os ». (rires) Donc c’est un peu comme ça qu’on pense, on veut utiliser toute notre énergie.
La voix a une place très importante dans votre musique, comment travaillez-vous cela ?
Ryan : C’est toujours plus naturel pour moi de commencer par composer la musique. Je pars d’une petite idée rythmique, ou un petit bout de son qui m’intrigue. Il y a toujours une façon de trouver un son à l’intérieur d’un autre, donc tout commence par une sorte d’investigation. Petit à petit un monde se crée et on se demande quelle chanson pourrait exister dans ce monde. C’est comme ça qu’on travaille en général, même si sur cet album il y a plus de morceaux qui ont été des chansons autour desquelles on a développé un monde. Ce nouveau processus était assez intentionnel.
Ton interprétation est aussi très caractéristique. Tu gardes le cap ?
Ryan : Quand j’ai commencé le projet Son Lux, je ne chantais pas du tout, je cherchais même des gens pour chanter sur mes morceaux. Mais avec le temps, des gens m’ont aidé à écouter ma propre voix. J’enregistrais des bouts de chanson avec ma voix et beaucoup de mes amis faisaient des compliments sur cette voix sans savoir que c’était moi qui chantais. J’ai appris petit à petit ce que je pouvais faire avec ma voix, album après album j’ai commencé à utiliser ma voix comme un instrument. Sur Brighter Wounds j’ai vraiment essayer d’explorer encore plus ma voix, en allant un peu plus dans les graves (même si c’est encore très aigu). Je me suis aussi poussé à avoir un chant expressif sur l’album, pour retrouver ce que j’arrivais à faire sur scène. Quand on joue sur scène, on ne joue pas l’album, on joue des morceaux inspirés des morceaux de l’album, c’est une alchimie très différente.
Votre EP Remedy était très lié au contexte politique, notamment l’arrivée de Trump au pouvoir. Dans quelle mesure ce contexte a-t-il influencé Brighter Wounds ?
Ryan : Tu penses que Donald Trump aimerait notre album ? (rires)
Ian : Quand on s’est réunis tous les trois pour composer ce qui est ensuite devenu Remedy on pensait composer notre prochain album. On fait de la musique de façon très honnête, ça vient comme ça, on ne se dit pas qu’on va faire un EP politique ou quoi que ce soit. Donc à un moment donné on s’est rendu compte que plusieurs morceaux abordaient ce thème, et c’est là qu’on s’est dit qu’on allait sortir cet EP. Mais pour revenir à l’album, je ne dirais pas qu’il est vraiment influencé par la politique, c’est plus le fruit de peurs et de frustrations indirectement liées à ce contexte.
Votre album sort dans quelques jours, comment vous sentez-vous ?
Ryan : À chaque fois que je sors un album, je ressens un mélange d’accomplissement et d’échec, enfin le mot échec est trop fort évidemment, c’est plus un mélange entre le « Oui, on a réussi ! » et « On pourra peut-être mieux faire la prochaine fois… »
Rafiq : C’est un sentiment assez étrange parce que plus on avance vers la sortie de l’album, plus il s’éloigne de ce qu’on a créé, et plus on pense à ce qu’on va faire ensuite.
Ryan : Faire de la musique est une leçon constante. Parfois, tu regardes en arrière vers tes anciens albums et tu sens que tu as fait quelque chose mais tu ne sais pas comment tu as pu arriver à faire ça. Même après avoir passé énormément de temps à la création d’un album, il y a toujours une part d’inconnu à l’intérieur. Même si tu connais tous les moindres détails d’un point de vue technique, il y a une part de mystère. Donc pour répondre à ta question : je ne suis pas sûr de ce que je ressens par rapport à cet album, c’est un peu comme une bête étrange pour moi, mes albums ne me sont jamais parfaitement familiers.
Tu n’as toujours pas réussi à apprivoiser tes premiers albums ?
Ryan : C’est très difficile de différentier la musique et le moment pendant lequel tu crées cette musique. Parfois, tu fais de la musique tellement vite que tu ne te souviens de rien. J’ai fait entièrement mon deuxième album en 28 jours, donc je ne me souviens plus de rien. J’ai un sentiment très étrange par rapport à cet album, parfois je me demande même si c’est bien moi qui l’aie fait.
Pour finir, que diriez-vous à ceux qui liront cette interview avant d’écouter l’album ?
Ian : Je leur dirais juste d’arrêter de lire l’interview maintenant et d’écouter l’album. Plus sérieusement, je leur dirais d’écouter l’album avec le moins d’information et le moins d’attente possible. Je ne sais pas si c’est la bonne réponse à donner à un journaliste musical…
Rafiq : On pourrait ajouter que Brighter Wounds a été fait pour être écouté en tant qu’album, du début à la fin. C’est peut-être évident mais aujourd’hui je pense que c’est bien de le préciser.
Ian : Mes moments préférés dans cet album sont souvent ceux que vous pourriez facilement rater si vous n’écoutiez pas l’album en entier.
Ryan : On écoutait le vinyle l’autre jour, et au moment de retourner le disque pour jouer la face B, j’ai vraiment eu l’impression que l’album était composé de deux mouvements. Je suis très heureux de ça.
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