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Solar Sound System, 20 ans en roue libre

Posé dans un petit coin de paradis à la Station E à Montreuil, on est retombé sur Cédric Carles, le papa du Solar Sound System. 20 ans après la première machine, ces Dj booth solaires et mobiles sillonnent désormais le monde et les soirées endiablées. L’heure idéale pour un petit bilan avec le designer et ses platines aux 400 coups… de soleil.

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1999. Le monde découvre MySpace, Matrix révolutionne le cinéma et Georges Lucas tue Star Wars. À la recherche d’un vieux Kraftwerk collector Cédric Carles écume les disquaires de Lausanne en quête de la parfaite collection de galettes. Alors âgé de 22 ans, le designer franco-suisse investit autant d’énergie dans la fête que dans ses recherches… sur l’énergie justement. Il part d’un constat simple (qu’il raconte plus tard lors d’une conférence TEDx à Lille) : « Quand on appuie sur un interrupteur, on ne voit pas d’où vient l’électricité, où elle a été produite ni quels sont ses impacts. » Alors pour marier passion et préoccupations, il décide de créer un sound system autonome en énergie grâce à la technologie solaire et l’huile de coude (ou plutôt de genoux).

« J’étais déjà dans la littérature scientifique sur les impacts écologiques de nos modes de vies et la non durabilité du système dans lequel on n’imagine pas de limite. En Suisse à ce moment-là on rencontre tout un écosystème de gens sensibles et engagés dont des pointures de profs de l’EPFL. D’un côté on fait des raves et de l’autre on pose des panneaux solaires en suisse romande. C’est cet ensemble de conditions qui a donné naissance au « Solar ». »

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Le Solar Sound System ou SSS ou 3S, comme vous voulez, voit donc le jour. Avec sa tronche de triporteur vitaminé, cette première machine (en gros) capte l’énergie solaire le jour, celle des cyclistes volontaires la nuit et pose ses 2×1000 Watt en toute autonomie, indépendante d’un quelconque réseau électrique ou d’un bruyant et polluant groupe électrogène à pétrole.

« Je me rappelle d’une de nos premières sorties au Paléo Festival où les gens tournaient autour pour voir si on n’avait pas un fil de branché en scred. On avait monté des vélos générateurs, pour ne pas devenir des déplaceurs de batteries de stockage et surtout pour une vraie interaction avec notre public, et ça fonctionne ! Ça a toujours fait marrer les gens de pédaler dans les teufs. »

En quelques années, la famille s’agrandit, avec la « Scène solaire », la « Black Box » ou même une charmante « Solar Musette » qui, on l’espère, ne sert pas qu’à mixer de l’électro-swing. 20 ans plus tard, le SSS a montré le bout de ses cellules photovoltaïques dans de nombreux endroits du globe avec des antennes à Paris, Lausanne, Berlin, Tel Aviv ou même Hong Kong. Pionniers dans l’événementiel écolo, le Franco-Suisse et ses petits amis ont tissé leur toile dans plus de 10 pays (Inde, Cameroun, Brésil, Haïti…), aussi bien avec leurs fiestas à énergies renouvelables que pour développer d’autres performances et projets solaires et responsables.

« Avec le recul, je vois le SSS comme un réseau, plus qu’une machine ou une invention. C’est une aventure collective, une envie de faire autrement et de penser à se marrer tout en mettant du sens et de la revendication, sans oublier d’où vient notre héritage de la techno et des sound systems. On aime la fête mais on aime tout le reste aussi et la fête ne peut pas être aussi belle si la vie autour devient un cauchemar. On aime la fête qui finance la recherche. Depuis toujours on a porté des projets d’éducation à l’énergie et on a pu lancer des projets de recherche en toute autonomie comme paleo-energetique.org ou encore regenbox.org. Ça a donné encore plus de sens au SSS qui n’est pas un énième faux projet écologique juste là pour faire des bénéfices. »

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Deux décennies et 600 événements plus tard les Solar Sound Systems ont équipé des tonnes de teufs engagées et solidaires à la plage, à la montagne et en forêt, en festivals ou à la Techno Parade. Après avoir fondé l’Atelier 21 en 2012, Cédric et ses deux compères Thomas Ortiz et Rubens Drahis, officient désormais à la Station E (comme Énergie) leur fief du 93. Dans cette friche de 600 mètres carrés aux portes de Paris, le SSS récidive 3 jours par semaine du vendredi au dimanche. Mais si le pari est réussi et que la machine voudrait s’emballer, la Solar Team garde la tête froide.

« On n’a jamais voulu monter une fabrication en série des solars pour les vendre à qui veut bien faire de l’écologie vite faite, trop facile. On améliore toujours les systèmes audio et énergétiques, mais globalement la tech n’a pas été révolutionnée. On essaie de ne pas tomber dans la gadgetisation de nos systèmes. Ils sont solides et le premier est toujours en balade avec le même matos. On a fait du made in Switzerland puis du made in France avec toujours une optique de robustesse. »

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PHOTO 5 bis (paris)

Si ces DJ booths increvables ont fait danser des milliers de fêtards c’est aussi grâce à la participation et l’engagement de nombreux artistes comme Matt Black de Coldcut (fondateur du label Ninja Tune), Martina Topley Bird (ex Tricky), Sayag Jazz Machine, Jarvis Cocker (PULP), Dj Boris (Panorama bar) ou les petits gars du KitKatKlub à Berlin toujours. Mais qui tient le compte, à l’heure où la fête se cherche du sens et capitalise plus sur l’humeur et la bienveillance festive que sur un line-up aux hormones. Le genre de soirées que nous réservent Cédric et son équipe le 9 août prochain à la Station E. Grosse bamboule en perspective histoire de perde le nord tout en gardant du sens.

« Venir jouer sur le Solar c’est mettre un peu de son énergie d’artiste pour une cause urgente, et le péril climatique s’accélère, on va devoir passer le mur du son sur nos pratiques énergétiques, si on ne veut pas se le prendre, le mur. On est soutenus par pleins d’artistes et pleins pleins de collectifs parisiens. Certains vont venir. Matt de Coldcut nous suit et est passé en invité surprise pour l’inauguration. Il nous fait même l’honneur de nous offrir un track pour notre LP anniversaire qui sort d’ici la fin de l’année. »

Le rendez-vous est pris. De quoi mettre un peu plus de soleil dans nos agendas début Août.

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Épilogue

Dans le plus grand secret, Cédric (qui le nie en bloc), a récemment fait l’acquisition d’une Delorean de seconde main. Vous savez-celle qui n’a pas besoin de route et carbure aux fonds de canettes et aux peaux de bananes. Trop enthousiaste à l’idée de féliciter le jeune Cédric de 1999, il fit fi (oui oui) de tout risque de paradoxe temporel et lui tint à peu près ce langage qu’un ami retro-paléographe m’a retranscrit ainsi :

– Salut jeune moi.
– Waou la vache, j’ai pris cher en 20 ans.
– Tu rigoles, j’me suis jamais senti aussi bien.
– C’est comment le futur ?
– L’énergie solaire a fait d’immenses progrès et ta petite machine bien des heureux, mais on est encore très à la bourre.
– Ça va aller quand même ?
– Nous on a fait le job, on a montré que c’était possible de faire autrement.
– Cool merci. Et Kraftwerk c’est toujours aussi bien ?
– Carrément, je les ai même vus cet été à Paris. Ça me fait penser… jt’encourage vivement à retourner au Japon. Et si tu peux passes par Fukushima…
– Ok, y’a quoi là-bas ?
– Un message à transmettre.

Photos : DR/ grâce à l’amabilité du Solar Sound System

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