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Slowdive sort fièrement la tête de l’eau

Groupe d’abord prometteur en 1991 avant de se faire tailler en pièces par la critique et de sortir par la petite porte en 1995, Slowdive s’appuie sur une tournée prometteuse en 2014 pour mettre un coup de pied au fond de la piscine et refaire surface de façon brillante avec un quatrième album touchant et intemporel, sorti cette année.

C’est presque devenu une loi physique : tout artiste quittant la scène est voué à revenir. Parmi les obstacles au comeback figurent : la mort de l’artiste en question ou du membre fondateur signant de ce fait la fin de l’aventure ; une brouille irréversible entre les leaders ou entre le leader et le reste du groupe. Pour le reste, même quand on ose affirmer qu’on ne fera pas le coup du comeback, il est fort probable que la retraite sera éphémère, si besoin par des moyens détournés de se voiler la face ou éviter les problèmes de droits d’auteurs. Ainsi, de The Who à Jacques Dutronc, en passant par Téléphone, LCD Soundsystem, Julie Piétri, Kate Bush, Elmer Food Beat et Tragédie, tout le monde sort de sa retraite, dorée ou non. Vivement 2030 pour la reformation de Sexion d’Assaut, One Direction et Fauve.

Second principe ayant presque valeur de loi physique : le comeback est toujours décevant. Des tournées poussives, des albums bâclés, une ringardise totale et le constat que l’alchimie passée s’est bel et bien envolée, voilà le constat peu glorieux que l’on peut faire des comebacks des trente dernières années (d’ailleurs, Morrissey et Johnny Marr, si vous lisez ce papier, veuillez continuer à vous faire la gueule).

Parmi la pléthore de reformations des dix dernières années (l’essor des festivals accélérant le processus), les Anglais de Slowdive, dans leur formation originelle, ont fait leur retour en 2014 après quasiment 20 ans d’absence et la sortie de leur 3ème album Pygmalion en 1995. Une annonce qui a émoustillé les quadras dotés d’une très solide culture musicale et qui n’avaient pas été touchés par la vague grunge ou britpop du début des 90’s. Autant dire que pour leur retour, ils n’allaient pas faire la tournée des stades.

slowdive

Trois ans plus tard, Slowdive semble être l’exception qui confirme la règle des comeback nécessairement foireux, en signant d’ores et déjà un des meilleurs albums de 2017, rien que ça. Peu de gens auraient parié sur un tel résultat pour un groupe de l’éphémère et discret mouvement shoegaze, restés dans l’ombre des génialement bruyants My Bloody Valentine, ayant peu percé au Royaume-Uni et encore moins aux Etats-Unis, tout en se faisant cordialement défoncer par la critique britannique.

Ce quatrième album de leur discographie est un album plus pop de l’aveu même de Neil Halstead. Il est accessible tout en restant pointu mais s’éloigne de l’ambiant lent et assez distant qui caractérisait le groupe. Tantôt les riffs sont duveteux, les paroles à la fois lointaines et très intimes, la rythmique langoureuse. Tantôt le son est très resserré, les guitares pleines d’effets, la batterie et la voix se superposant sans compromettre le très britannique sens de la mélodie. En ce sens, c’est un peu une synthèse du shoegaze, cette musique au croisement de la dreampop, du rock et du post-rock, cette musique où une pudique mélancolie est cachée sous des nappes de sons et l’utilisation d’un riff, d’une mélodie ou d’une envolée permet de faire jaillir la lumière durant un instant.

Cela donne un album fascinant, hors-du-temps, d’un groupe semblant user de références de groupes postérieurs à lui, groupes eux-mêmes influencés par le premier, le shoegaze étant aujourd’hui devenu cool. Comment ne pas penser au post-rock de Mogwai dans le refrain très compact de « No Longer Making Time », à la douceur éthérée de Beach House dans « Slomo » ou « Don’t Know Why » ou aux riffs félins de DIIV dans « Star Roving » ? Parallèlement, on retrouve l’aspect pop de Pink Floyd dans des morceaux comme « Sugar for the Pill », « Go Get It » ou « Falling Ashes ».

Par ailleurs, il y a dans cet album le charme touchant et humble de ceux qui ne se laissent pas abattre et qui magnifient les épreuves de la vie. D’autant plus que, pour la première fois, le groupe tire pleinement profit des voix du couple d’amis d’enfance. Tout au long de l’album, la voix fragile de Rachel Goswell et celle, profonde, de Neil Halstead se complètent, se confrontent, se séparent, se retrouvent et se disputent pour raconter avec émotion et fatalité des amours qui finissent mal (le magnifique « Sugar for the Pill »), qu’ils apportent leur lot de regrets (« Falling Ashes »), sont parfois toxiques (« No Longer Making Time »), font mal (« Don’t Know Why ») mais qu’il n’y a rien à faire quand on est pris dans le tourbillon amoureux à part se laisser transporter (« Slomo »).

Au final, Slowdive ne signe pas vraiment un comeback mais plutôt un nouveau départ, comme le laisse d’ailleurs penser le titre éponyme de l’album. Car, les deux têtes pensantes du groupe et amis d’enfance, Rachel Goswell et Neil Halstead, ont continué à se fréquenter et à travailler ensemble après la séparation du groupe par le biais du groupe Mojave 3. Parallèlement, c’est une toute nouvelle base d’auditeurs qui s’offrent à eux aujourd’hui, sans préjugés négatifs. Ainsi, 22 ans après une sortie de scène dans l’anonymat le plus total, Slowdive démontre que la routourne finit par tourner pour ceux qui savent faire preuve de patience.

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